Son nom est sur toutes les lèvres, mais personne ne connaît son
véritable visage. Pourtant, son aura est bien présente de Syrie jusqu'en
Irak, auprès des combattants kurdes aux prises avec les djihadistes de
l'État islamique (EI). "Narine, c'est le symbole de la liberté", affirme
au Figaro un combattant des Unités de protection du peuple kurde (YPG) chargées de protéger Kobané. Narine, tel est le nom de guerre de
Mayssa Abdo, une femme d'une quarantaine d'années à la tête des YPG,
dans cette ville syrienne sous le feu des djihadistes depuis le 16
septembre dernier.
"Narine Afrine est un des chefs des YPG à Kobané, notamment aux côtés de
Mahmoud Barkhodan", confirme au Point.fr Rami Abdel Rahmane, directeur
de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG basée à Londres
et disposant d'un vaste réseau d'observateurs et de militants en Syrie.
Décrite comme une combattante hors pair, aussi belle que courageuse,
Narine Afrine fait partie des centaines de combattantes kurdes résistant
à l'EI en Syrie. "Elle s'est engagée très jeune dans la défense des
Kurdes", confie une amie d'enfance au Figaro. "C'était une fille très studieuse, très altruiste".
Au coeur des années 1990, la rebelle décide de rejoindre les rangs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en guerre contre la Turquie pour la création d'un État kurde indépendant. "Le PKK a rapidement prôné un discours féministe qui s'est vérifié dans la mise en avant des femmes tant dans sa branche politique que dans ses milices", explique Jordi Tejel, professeur d'histoire internationale à l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève.
À cette époque, les combattantes kurdes se font connaître du monde
entier en menant des campagnes d'attentats suicides contre Ankara.
"Néanmoins, le féminisme du PKK a toujours eu pour objectif premier de
servir le nationalisme kurde, poursuit le spécialiste. Et le sommet de
la hiérarchie du PKK ne comporte que des hommes."
Narine Afrine tire son nom de guerre de sa région natale, l'un des trois
cantons (Afrine, Kobané et Djaziré) du nord de la Syrie abandonnés par
Bachar el-Assad aux Kurdes en 2012. Et aujourd'hui administré par le
Parti de l'union démocratique (PYD), principal parti kurde de Syrie,
qui a réussi à y créer des conseils locaux composés de près de 40 % de
femmes. "Dès 2011, le PYD a créé des sections féminines, et
encouragé les femmes à aller à l'école et apprendre le kurde, une
émancipation qu'elles ne connaissaient pas sous Bachar el-Assad",
rappelle Jordi Tejel. Des femmes qui composeraient aujourd'hui quelque
40 % des combattants des YPG, la branche armée du PYD chargée de
résister aux assauts djihadistes.
Indéniablement, l'image de femmes ayant pris les armes pour sauver leur
ville de djihadistes sanguinaires fait mouche auprès de l'opinion
internationale, suspendue au sort de Kobané. Ainsi, le nom de Narine
Afrine s'est répandu comme une traînée de poudre sur la Toile comme
symbole du courage et de la tolérance du peuple kurde, accompagné d'une
multitude de photos - toutes fausses - alimentant sa légende.
C'est oublier qu'Afrine demeure depuis 1980 un bastion du PKK,
organisation d'inspiration lénino-marxiste considérée comme terroriste
par les États-Unis et l'Union européenne, et très proche du PYD syrien.
Un parti qui, au-delà du discours féministe, développe des sections
armées au fonctionnement pour le moins sectaire. "La discipline y est de
fer. Les hommes et les femmes sont séparés et n'ont pas le droit de se
marier", indique le spécialiste Jordi Tejel, qui rappelle que "chacun
des combattants est engagé à mort pour la cause". Ainsi, le 5 octobre
dernier, la combattante kurde Diar Gencxemis est allée jusqu'à imiter
les djihadistes en se faisant exploser devant eux, sur le front de
Kobané.
(21-10-2014 - Armin Arefi)
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