mardi 21 octobre 2014

Syrie : Narine Afrine, la femme qui défie l'"État islamique" (Armin Arefi)

Son nom est sur toutes les lèvres, mais personne ne connaît son véritable visage. Pourtant, son aura est bien présente de Syrie jusqu'en Irak, auprès des combattants kurdes aux prises avec les djihadistes de l'État islamique (EI). "Narine, c'est le symbole de la liberté", affirme au Figaro un combattant des Unités de protection du peuple kurde (YPG) chargées de protéger Kobané. Narine, tel est le nom de guerre de Mayssa Abdo, une femme d'une quarantaine d'années à la tête des YPG, dans cette ville syrienne sous le feu des djihadistes depuis le 16 septembre dernier.
"Narine Afrine est un des chefs des YPG à Kobané, notamment aux côtés de Mahmoud Barkhodan", confirme au Point.fr Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG basée à Londres et disposant d'un vaste réseau d'observateurs et de militants en Syrie. Décrite comme une combattante hors pair, aussi belle que courageuse, Narine Afrine fait partie des centaines de combattantes kurdes résistant à l'EI en Syrie. "Elle s'est engagée très jeune dans la défense des Kurdes", confie une amie d'enfance au Figaro. "C'était une fille très studieuse, très altruiste".
Au coeur des années 1990, la rebelle décide de rejoindre les rangs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en guerre contre la Turquie pour la création d'un État kurde indépendant. "Le PKK a rapidement prôné un discours féministe qui s'est vérifié dans la mise en avant des femmes tant dans sa branche politique que dans ses milices", explique Jordi Tejel, professeur d'histoire internationale à l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève. À cette époque, les combattantes kurdes se font connaître du monde entier en menant des campagnes d'attentats suicides contre Ankara. "Néanmoins, le féminisme du PKK a toujours eu pour objectif premier de servir le nationalisme kurde, poursuit le spécialiste. Et le sommet de la hiérarchie du PKK ne comporte que des hommes."
Narine Afrine tire son nom de guerre de sa région natale, l'un des trois cantons (Afrine, Kobané et Djaziré) du nord de la Syrie abandonnés par Bachar el-Assad aux Kurdes en 2012. Et aujourd'hui administré par le Parti de l'union démocratique (PYD), principal parti kurde de Syrie, qui a réussi à y créer des conseils locaux composés de près de 40 % de femmes. "Dès 2011, le PYD a créé des sections féminines, et encouragé les femmes à aller à l'école et apprendre le kurde, une émancipation qu'elles ne connaissaient pas sous Bachar el-Assad", rappelle Jordi Tejel. Des femmes qui composeraient aujourd'hui quelque 40 % des combattants des YPG, la branche armée du PYD chargée de résister aux assauts djihadistes.
Indéniablement, l'image de femmes ayant pris les armes pour sauver leur ville de djihadistes sanguinaires fait mouche auprès de l'opinion internationale, suspendue au sort de Kobané. Ainsi, le nom de Narine Afrine s'est répandu comme une traînée de poudre sur la Toile comme symbole du courage et de la tolérance du peuple kurde, accompagné d'une multitude de photos - toutes fausses - alimentant sa légende.
C'est oublier qu'Afrine demeure depuis 1980 un bastion du PKK, organisation d'inspiration lénino-marxiste considérée comme terroriste par les États-Unis et l'Union européenne, et très proche du PYD syrien. Un parti qui, au-delà du discours féministe, développe des sections armées au fonctionnement pour le moins sectaire. "La discipline y est de fer. Les hommes et les femmes sont séparés et n'ont pas le droit de se marier", indique le spécialiste Jordi Tejel, qui rappelle que "chacun des combattants est engagé à mort pour la cause". Ainsi, le 5 octobre dernier, la combattante kurde Diar Gencxemis est allée jusqu'à imiter les djihadistes en se faisant exploser devant eux, sur le front de Kobané.

(21-10-2014 - Armin Arefi)

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