La bataille qui oppose jihadistes et combattants kurdes pour le contrôle
de la ville syrienne de Kobané a suscité mardi dans toute la Turquie de
violentes manifestations contre le gouvernement islamo-conservateur
turc qui ont fait au moins un mort.
Mobilisés à l'appel du principal parti politique kurde de Turquie, des
milliers de personnes sont descendues dans les rues d'Istanbul, d'Ankara
et des villes du sud-est à majorité kurde du pays pour dénoncer le
refus d'Ankara de voler militairement au secours de Kobané (Aïn al-Arab
en langue arabe), en passe de tomber entre les mains des forces du
groupe de l'Etat islamique (EI).
Dans la plupart de ces villes, la contestation a dégénéré en affrontements.
Un homme de 25 ans a ainsi été tué dans des circonstances encore
indéterminées à Mus (sud-est) et un autre grièvement blessé, ont
rapporté les médias turcs.
Le quotidien Hürriyet a indiqué que la victime avait été atteinte par un
coup de feu d'origine indéterminée, alors que la chaîne d'information
NTV a assuré qu'il avait été touché en pleine tête par une grenade
lacrymogène tirée par la police.
Lundi soir, le Parti républicain populaire (HDP) a appelé les Kurdes du
pays --plus de 15 millions de personnes soit 20% de la population
turque-- à se mobiliser contre l'entrée des jihadistes dans Kobané et
contre le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir,
accusé d'immobilisme et de complicité avec l'EI.
Après une première série de manifestations ponctuées d'incidents lundi
soir à Istanbul ou Diyarbakir, la "capitale" kurde du sud-est, de
nombreux Kurdes ont à nouveau défilé mardi contre le gouvernement.
Comme la veille, les forces de l'ordre sont intervenues massivement avec
des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser des milliers de
protestataires dans le district stambouliote de Gazi, a constaté un
photographe de l'AFP.
Une personne a été grièvement blessée dans le district de Sarigazi, tout
comme l'avocat Tamer Dogan, spécialisé dans la défense des droits de
l'Homme, dans celui de Kadiköy, un fief de l'opposition sur la rive
asiatique d'Istanbul.
De violents incidents ont également été rapportés à Diyarbakir et dans
la capitale Ankara, où plusieurs policiers ont été blessés, ainsi que
dans la station balnéaire d'Antalya et les villes de Mersin et d'Adana
(sud).
Les autorités locales ont par ailleurs décrété le couvre-feu dans
plusieurs quartiers de Mardin, une autre ville du sud-est turc à forte
densité de population kurde.
Après
plusieurs jours d'intenses bombardements, les jihadistes de l'EI sont
entrés lundi dans Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe) et pris le
contrôle de plusieurs quartiers, où de violents combats se poursuivaient
mardi.
Malgré le feu vert formel du Parlement à une opération militaire en
Syrie et en Irak contre l'EI, le pouvoir islamo-conservateur turc s'est
jusque-là refusé à intervenir, provoquant la colère des populations
kurdes.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a froidement indiqué mardi que
Kobané était "sur le point de tomber" et a plaidé, en visitant un camp
de réfugiés syriens à Gaziantep (sud), pour une opération militaire
terrestre contre les jihadistes.
"Nous suivons les attaques lancées sur Kobané et d'autres villes où
vivent nos frères kurdes avec une grande inquiétude", a ajouté M.
Erdogan .
Les
Kurdes ont prévenu que la chute de Kobané provoquerait la fin des
pourparlers de paix engagés il y a deux ans par Ankara et les rebelles
du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour mettre un terme à un
conflit qui a fait 40.000 morts depuis 1984.
Dans un message relayé par son frère, le chef emprisonné du PKK Abdullah
Öcalan a laissé au gouvernement jusqu'à la mi-octobre pour faire un
geste en faveur de la paix.
"Ils (le pouvoir) parlent de résolution et de négociation mais il ne se
passe rien", a dit M. Öcalan, "c'est une situation artificielle qui ne
pourra pas durer".
L'Union des communautés du Kurdistan (KCK), considérée comme la branche
urbaine du PKK, a de son côté appelé les "millions" de Kurdes à
descendre dans la rue.
(07-10-2014)
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