S’agissant du religieux, au sens strict du terme,
c’est-à-dire la croyance et les pratiques strictement religieuses,
l’entité coloniale sioniste ne mène pas une guerre systématique contre
l’islam ou le christianisme, les musulmans ou les chrétiens
palestiniens. Bien au contraire, tout comme les Etats impérialistes ou
les Etats dits « laïques », elle réserve un espace restreint aux
religions « non-juives » pour maintenir une image libérale et
démocratique, à condition que les fidèles à ces religions se soumettent
d’abord à l’idéologie dominante, c’est-à-dire le sionisme destructeur en
Palestine occupée, comme la « laïcité » érigée en religion en France,
ou « l’exportation de la démocratie » par les Etats-Unis. Maintenir
cette croyance est primordial pour l’entité sioniste et les Etats
dominateurs, car elle façonne profondément la pensée et la pratique des
fidèles. C’est par cet espace réduit et bien délimité aux fidèles des
religions « non-juives » que l’entité coloniale sioniste est parvenue à
mystifier le monde (ou la communauté internationale qui lui ressemble en
de nombreux points), se présentant comme respectant les pratiques
religieuses des fidèles « non-juifs ».
Mais s’agissant de la Palestine, la guerre menée par la
colonie sioniste dépasse le cadre religieux proprement dit : c’est le
fait d’affirmer et de vivre sa religion en tant que pensée et pratique
libératrices de l’être humain que les sionistes, et leurs maîtres et
alliés impérialistes, veulent éradiquer. Penser et vivre l’islam ou le
christianisme comme leviers pour la libération de l’être humain doit
être combattu, alors que respecter l’espace intellectuel et spatial fixé
par les dominateurs, en acceptant et justifiant sa propre faiblesse ou
soumission est non seulement toléré mais encouragé. C’est une des
batailles qui se déroule à présent dans la mosquée al-Aqsa : les
colonisateurs sionistes sont prêts à laisser entrer quelques fidèles
triés (musulmans autres que Palestiniens, délégations musulmanes venant
des pays du Golfe ou de pays asiatiques, Shalgoumi et consorts) à
condition que ces derniers reconnaissent la mainmise sioniste sur les
lieux saints en Palestine et notamment la mosquée al-Aqsa et la
« légalité » de la présence sioniste en Palestine : ce sont les mêmes
qui accompagnent les «fidèles » musulmans venus d’ailleurs, et qui
interdisent aux fidèles palestiniens d’y entrer, d’abord parce que et
surtout les Palestiniens ne demandent pas la « permission » aux
colonisateurs pour entrer dans leurs mosquées, pour prier ou étudier.
Si les Palestiniens, jeunes et adultes, hommes et
femmes (moins de 50 ou 60 ans parfois), sont interdits d’entrer dans
leur mosquée, c’est parce qu’elle symbolise à leurs yeux plus qu’une
simple mosquée, elle est le symbole de la lutte contre la barbarie
moderne et le symbole de ce qui unit le peuple palestinien aux peuples
arabes et musulmans dans le monde. Défendre la mosquée al-Aqsa contre
les envahisseurs n’est pas seulement défendre sa propre religion ou sa
mosquée contre les profanateurs, mais plutôt défendre un lieu historique
et une civilisation, une histoire millénaire falsifiée par les
archéologues et les historiens occidentaux à la solde des colons et une
mémoire qui remonte loin dans l’histoire, où al-Quds, ses mosquées, ses
ribat(s) et ses écoles représentaient non seulement un lieu de
pèlerinage mais la destination ultime de nombreux musulmans, comme en
témoignent les cimetières, (Ma’manullah profanée et détruite par l’Etat
colon), les multiples bâtiments d’accueil construits au fil des siècles,
et les domaines des awqafs.
L’entité coloniale sioniste ne s’attaque pas seulement à
l’espace religieux et sacré des musulmans et chrétiens en Palestine,
elle s’attaque même à la présence arabe palestinienne et à l’histoire de
cette présence, par la falsification et la destruction et par la
judaïsation d’un espace qui ne fut jamais juif, sauf pour les esprits
tortueux de quelques archéologues et stratèges politiques. Si la mosquée
al-Aqsa est menacée par la judaïsation, d’autres mosquées et églises
sont profanées, détruites ou incendiées. Des centaines de lieux saints
ont été transformés en bars et restaurants, en musées ou parkings, en
enclos pour les animaux, et ce depuis 1948, parce que pour les sionistes
et leurs alliés, il faut affirmer le caractère juif de cette entité,
donc effacer toute l’histoire et arracher les racines du pays.
Aujourd’hui encore, les sionistes tendent à restreindre le champ sacré
des Palestiniens, en interdisant l’appel à la prière dans les villes et
villages palestiniens, occupés en 48 ou même en Cisjordanie, prétextant
que cela dérange la tranquillité des colons, et interdisent toute
reconstruction d’une mosquée ou église démolie en 48, à moins de
recevoir l’autorisation des circuits « officiels » sionistes,
c’est-à-dire en reconnaissant de facto la « souveraineté » sioniste sur
les lieux.
Entériner la présence des juifs en Palestine, en tant
que colons et en tant que « race supérieure » parce que de culture
occidentale, installés pour représenter un pont civilisationnel vers
l’Orient « barbare », c’est ce que souhaite avant tout l’entité
coloniale et ses alliés. Elle est prête à s’allier avec des Etats ou des
élites qui se proclament de l’islam comme ils se proclameraient de
toute autre chose, mais ne peut tolérer toute idée ou forme de
résistance qui remet en cause sa domination, sa présence ou son
existence. Elle ne peut tolérer et est prête à combattre, par les
assassinats et les guerres, toute représentation de la Palestine comme
lieu principal de la lutte arabo-musulmane contre la domination
étrangère et la falsification de l’histoire, et comme le centre de la
lutte moderne de la civilisation contre la barbarie. Car la Palestine
est plus qu’une terre spoliée, elle est l’idée même de la résistance à
l’injustice et au « taghout ». La résistance des Palestiniens dans
al-Quds et la mosquée al-Aqsa doit se traduire par notre prise de
conscience de cette guerre à l’échelle de la civilisation.
Fadwa Nassar
16 octobre 2014
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