L'armée américaine a annoncé dimanche soir avoir largué pour la première
fois des armes aux combattants kurdes qui défendent la ville syrienne
de Kobané, assiégée par le groupe État islamique (EI). Les armes, les
munitions et le matériel médical étaient fournis par les autorités
kurdes d'Irak, selon le centre de commandement américain pour le
Moyen-Orient et l'Asie centrale (Centcom).
"L'assistance militaire envoyée par des avions américains à l'aube sur
Kobané était une bonne chose et nous remercions l'Amérique pour son
soutien", a déclaré Redur Xelil, le porte-parole des Unités de
protection du peuple (YPG). "Cela aura un impact positif sur les
opérations militaires menées contre Daesh (acronyme en arabe de l'EI) et
nous espérons en recevoir plus", a-t-il souligné, sans vouloir préciser
les types d'armes reçues par les YPG.
Onze frappes ont été menées sur Kobané samedi et dimanche, portant à 135
le total des frappes visant à freiner la progression de l'EI dans et
autour de la ville depuis fin septembre, précise le Centcom. "Combinées à
une résistance continue sur le terrain", ces frappes ont "tué des
centaines de combattants [de l'EI] et détruit ou endommagé" de nombreux
équipements et positions de l'EI, ajoute le commandement, précisant que
la situation dans la ville restait "fragile".
La bataille pour le contrôle de la troisième ville kurde de Syrie, où
les djihadistes sont entrés le 6 octobre, continue à se mener rue après
rue, s'apparentant à une guérilla urbaine. L'EI est parvenu à progresser
un peu vers le centre, tandis que les Kurdes poussaient dans l'est,
selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Confrontés à
une forte résistance, les djihadistes ont dépêché samedi de nouveaux
renforts à Kobané, dont la prise serait un trophée stratégique et
symbolique, sous l'oeil de dizaines de caméras filmant les combats
depuis la frontière turque.
Les largages d'armes aux combattants kurdes pourraient être vus d'un
mauvais oeil par la Turquie, alliée de la coalition visant à combattre
l'EI en Irak et en Syrie. Les États-Unis et leurs alliés occidentaux
pressent la Turquie de participer plus directement à la lutte contre
l'EI à Kobané, mais Ankara est réticente à l'idée d'armer les Kurdes et
d'intervenir militairement contre les djihadistes. Le président turc
Recep Tayyip Erdogan, qui s'est engagé à renforcer la coopération avec
les États-Unis contre l'EI, a encore rejeté dimanche les appels en ce
sens. Il accuse le principal parti kurde en Syrie, le PYD, d'être une
"organisation terroriste" liée au PKK turc, qui mène depuis trente ans
une insurrection pour réclamer l'autonomie du sud-est de la Turquie. Le
département d'État avait révélé jeudi que des responsables américains
avaient rencontré le week-end dernier pour la première fois des Kurdes
syriens du PYD.
Regrettant que les frappes aériennes ne ciblent que les djihadistes, la
Coalition nationale syrienne, principale force d'opposition en exil, a
réitéré ses demandes d'intervention étrangère contre le régime de Bachar
el-Assad, qu'elle accuse dans un communiqué de "pratiquer le terrorisme
d'État contre le peuple syrien".
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a pour sa part
souligné, lors d'un déplacement à Doha où il s'est entretenu avec l'émir
du Qatar cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, qu'il ne fallait pas "choisir
entre une dictature sanguinaire et un terrorisme assassin" en Syrie.
"Il y a une volonté d'éradiquer le terrorisme, d'éradiquer les
dictatures et de faire en sorte que l'opposition syrienne s'organise et
soit soutenue par la communauté internationale", a-t-il assuré.
Dans sa lutte contre l'EI, la coalition tente d'assécher la manne
financière que représente l'or noir pour les djihadistes et vise
notamment les raffineries que l'organisation contrôle. Elle a encore
mené une frappe ce week-end contre une raffinerie à Deir Ezzor, dans
l'est de la Syrie, selon le Centcom. La coalition lutte également contre
l'EI en Irak, où les avions américains ont frappé des positions
djihadistes près de Baïji (nord), non loin de la principale raffinerie
de pétrole du pays, et autour du barrage stratégique de Mossoul (nord).
Les forces gouvernementales irakiennes peinent à reprendre le terrain
perdu face aux djihadistes, qui contrôlent de larges pans du territoire,
notamment dans le nord et l'ouest du pays, et ont revendiqué plusieurs
attentats meurtriers dans la capitale au cours des derniers jours.
Dimanche, au moins 18 personnes ont péri dans un attentat suicide contre
une mosquée chiite de Bagdad, un type d'attaque souvent attribuée aux
djihadistes sunnites. Les frappes de la coalition fournissent depuis le 8
août un soutien essentiel à l'armée irakienne, incapable pendant des
semaines d'enrayer la progression des djihadistes.
Aux faiblesses militaires venaient s'ajouter les blocages politiques qui
ont retardé pendant plusieurs semaines les nominations des ministres de
la Défense et de l'Intérieur. C'est cependant chose faite depuis
samedi, le Parlement ayant approuvé la nomination de Khaled al-Obaidi à
la Défense et de Mohammed al-Ghabbane à l'Intérieur. Le Premier ministre
irakien Haïder al-Abadi doit se rendre lundi à Téhéran pour tenter
d'"unir les efforts de la région et du monde pour aider l'Irak dans sa
guerre contre le groupe terroriste". L'Iran chiite, très hostile aux
extrémistes sunnites de l'EI, dit apporter son aide à Bagdad pour
combattre les djihadistes.
(20-10-2014)
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