La campagne législative en Irak est un nouveau facteur de division,
chaque parti flattant les appartenances ethniques et tribales de ses
électeurs au détriment des programmes politiques, a regretté l’envoyé
spécial de l’ONU dans le pays dans un entretien à l’AFP.
Nickolay Mladnov a également souligné l’urgence d’adopter avant le
scrutin le budget annuel, bloqué depuis des semaines au Parlement sur
fond de conflit entre Bagdad et la région autonome du Kurdistan (nord),
assurant qu’un nouveau retard enverrait un mauvais signal aux
investisseurs étrangers, cruciaux pour le pays.
Les législatives du 30 avril interviennent dans un pays confronté à sa
pire vague de violences depuis 2008. Les attaques, quotidiennes, ont
fait plus de 2.200 morts depuis le début de l’année.
Mercredi encore, deuxième jour de campagne électorale, un kamikaze a
fait détoner sa charge explosive devant un centre de recrutement de
l’armée à Riyadh dans la province multi-communautaire de Kirkouk (nord),
tuant six personnes et faisant 14 blessés parmi les recrues, selon des
sources militaire et médicale.
Le Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki, espère remporter un
troisième mandat à l’issue des législatives pour lesquelles quelque
9.040 candidats se disputent les 328 sièges de l’Assemblée nationale.
"La campagne va être un facteur majeur de division", a estimé
M. Mladenov, dans un entretien à l’AFP réalisé mardi dans son bureau de
la Zone verte de Bagdad, quartier sous haute protection où se trouvent
également les ambassades américaine et britannique.
Cette "escalade" a "commencé avant même le début de la campagne
officielle", le 1er avril, poursuit le diplomate. "J’aimerais que la
campagne porte plus sur les vraies questions et sur la façon dont l’Irak
peut régler ses problèmes, mais là, c’est surtout des attaques
personnelles".
"Tous les partis politiques" agissent de la même façon, selon
M. Mladenov, qui déplore le peu d’efforts déployés pour rapprocher les
communautés.
Sur les affiches électorales qui ont fait leur apparition, les candidats
mettent en effet en avant leur tribu ou leur ethnie, plutôt que leur
programme.
Pourtant, les doléances des Irakiens sont nombreuses : coupures de
courant, eau courante insalubre, corruption généralisée, chômage... Sans
mentionner les attaques quotidiennes.
Les violences, qui secouent l’Irak depuis l’invasion américaine de 2003,
ont augmenté ces derniers mois, atteignant le niveau de 2008 lorsque le
pays sortait difficilement d’une quasi-guerre civile opposant sunnites
et chiites.
Selon le dernier bilan de l’ONU, publié mardi, 592 personnes ont été
tuées en mars. Ce bilan ne comprend pas les morts de la vaste province
d’Al-Anbar, en proie à des violences depuis janvier et où des insurgés
contrôlent toujours Fallujah, à 60 km à l’ouest de Bagdad.
Pour éviter une crise encore plus grande, selon M. Mladenov, l’Irak doit
adopter au plus vite son budget annuel, bloqué par un profond désaccord
entre le gouvernement et le Kurdistan.
Au coeur du problème : le pétrole, que les Kurdes veulent exporter directement à l’étranger, sans passer par Bagdad.
Si, pour tenter de résoudre l’impasse, le Kurdistan s’est engagé à
exporter 100.000 barils de pétrole par jour à travers les oléoducs
contrôlés par le gouvernement central, le pompage n’a pas encore
commencé.
Or si le Kurdistan ne se conforme pas à cette promesse, le pourcentage
du budget fédéral qui lui est alloué diminuera en conséquence, une
mesure que les représentants kurdes au Parlement irakien ne sont pas
prêts à voter.
"Il reste environ deux semaines" aux parlementaires pour adopter le
budget, selon M. Mladenov. Après, la loi risque de se transformer en
enjeu électoral, compliquant d’autant les négociations.
"Nous travaillons d’arrache-pied pour trouver un compromis qui
permettrait au Parlement d’adopter le budget si possible avant les
élections, ou immédiatement après", affirme l’envoyé.
En attendant, la situation "est mauvaise pour le climat des affaires, et met des projets en pause".
Outre le différend sur le pétrole, un conflit territorial oppose le
gouvernement central au Kurdistan, qui jouit d’une importante autonomie
et dispose de ses propres forces de sécurité, gouvernement et drapeau.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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