L’élection présidentielle en Egypte n’opposera que deux candidats, et
Abdel Fattah al-Sissi, issu de la toute-puissante armée, est donné
gagnant sans l’ombre d’un doute face à Hamdeen Sabbahi, leader de gauche
qui dit incarner les idéaux de la révolte de 2011.
Le scrutin prévu les 26 et 27 mai doit doter le plus peuplé des pays
arabes d’un nouveau président, onze mois après l’éviction, annoncée par
M. Sissi, du premier chef d’Etat du pays élu démocratiquement,
l’islamiste Mohamed Morsi.
Depuis cette destitution, les Frères musulmans de M. Morsi, première
force politique organisée du pays et vainqueurs de toutes les élections
depuis la révolte de 2011 ont été déclaré "terroristes".
La quasi-totalité de leurs dirigeants sont en prison et encourent la
peine de mort tandis que leurs membres sont interdits de se présenter à
une élection. Leur boycottage pourrait faire grimper l’abstention.
La présidentielle intervient sur fond de violences dépassant toutes celles enregistrées à partir de la révolte de 2011.
Depuis juillet, policiers et soldats répriment les manifestants
pro-Morsi, dans une campagne qui a fait plus de 1.400 morts, 15.000
arrestations et des centaines de condamnations expéditives. En
représailles, des attentats ont tué près de 500 policiers et soldats,
selon le gouvernement.
C’est en partie de cette insécurité et de la réponse implacable des
nouvelles autorités que M. Sissi tire sa popularité, dans ce pays auquel
l’armée a fourni tous ses présidents, à l’exception de M. Morsi.
Pour le politologue Gamal Abdel Gawad, "l’Egypte est aujourd’hui à un
carrefour : achever la révolte de 2011" dont le slogan était "pain,
dignité humaine et justice sociale" ou "se tourner vers plus de
stabilité".
Dans un pays à l’économie exsangue, le maréchal (à la retraite) Sissi
incarne pour une importante partie de la population hostile aux
islamistes l’homme à poigne qui fera revenir stabilité, touristes et
investisseurs.
Mais M. Sabbahi pourrait capitaliser sur les craintes d’un retour au
pouvoir autoritaire de l’époque de Hosni Moubarak avec la répression
—qui vise désormais jusqu’aux progressistes ayant soutenu l’éviction de
Morsi— et la guerre judiciaire contre les voix dissidentes.
"Nous sommes devant une situation claire : il y a d’une part le candidat
de l’avenir et de l’autre celui qui voudrait nous ramener dans le
passé", assurait ainsi à l’AFP Amr Badr, un porte-parole de M. Sabbahi,
alors que ce dernier déposait officiellement samedi sa candidature au
milieu de jeunes —le gros des troupes de sa campagne— qui scandaient "La
justice avant la force" ou "Pas besoin d’être maréchal pour être fort".
Pour ses partisans, ce militant de longue date, plusieurs fois
incarcéré, est celui qui mettra en place les politiques de justice
sociale inspirées du charismatique président Gamal Abdel Nasser,
champion des Non-Alignés dans les années 1960.
M. Sabbahi, qui s’était hissé à la troisième place de la présidentielle
de 2012, "représente les jeunes qui veulent encore réaliser les idéaux
pour lesquels ils ont manifesté en 2011", a expliqué M. Abdel Gawad. Des
jeunes chauffés à blanc par les récentes poursuites contre des figures
de la "révolution", mais chez qui l’abstention atteint des records.
Même s’il a reçu le soutien d’Al-Dostour, un parti libéral fondé par le
prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, M. Sabbahi a peiné à rassembler
les 25.000 parrainages d’électeurs nécessaires à sa candidature.
M. Sissi, lui, en a produit 200.000.
Pourtant, note Michele Dunne, du Carnegie endowment for international
peace, "les Egyptiens ne savent pas où M. Sissi se situe" sur "la
sécurité, les droits de l’Homme et les questions politiques et
économiques (...) ni ce qu’il prévoit de faire une fois élu".
Le gouvernement intérimaire a jusqu’à présent fait de la "gestion de
crise", "la vraie question est +est-ce que Sissi, une fois président
(...), va commencer à prendre des mesures pour résoudre ces
problèmes ?+", écrit-elle.
Et "contrairement à la présidentielle de 2012", qui comptait une dizaine
de candidats, "il y a peu de chance qu’il y ait en 2014 un débat
sérieux entre les deux adversaires", regrette-t-elle.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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