Autrefois modèle en matière de droits des femmes, l’Irak est aujourd’hui
critiquée pour les discriminations et les violences que subissent les
Irakiennes, une situation au coeur des programmes des candidates aux
élections législatives du 30 avril.
"Je ne m’attendais pas à ce qu’on doive se battre pour les droits des
femmes dans ce pays", assure Inam Abdul Majed, une présentatrice de
télévision, candidate à un siège de députée à Bagdad.
"Je voulais me battre pour un meilleur système éducatif, des meilleurs
services, des meilleures conditions de vie" mais la question du droit
des femmes est un "problème fondamental qui doit être résolu" avant
tout, ajoute-t-elle.
Selon l’ONU, au moins un quart des Irakiennes âgées de plus de 12 ans
sont illettrées, seulement 14% des femmes travaillent ou sont en
recherche d’emploi. Et plus de la moitié des femmes de 15 à 49 ans
pensent qu’un époux a le droit de battre sa femme.
L’emploi est un enjeu majeur car cela "affecte l’indépendance financière
des femmes, et sans cette indépendance, elles ne peuvent pas choisir
leur vie", insiste Frances Guy, la responsable en Irak de l’ONU Femmes.
Les Irakiennes sont en outre victimes de violences, à la fois dans
l’espace privé, mais aussi dans les lieux publics et les transports.
Pourtant dans les années 1970, l’Irak était réputé être le pays le plus
progressiste en matière de droits des femmes au Moyen-Orient. Mais le
régime de Saddam Hussein, puis les violences qui ravagent le pays depuis
l’invasion américaine de 2003, ont fait voler cette liberté en éclats.
Analystes et candidates s’accordent à dénoncer l’impact désastreux des
violences —qui ont fait plus de 2650 morts depuis début 2014 selon un
bilan de l’AFP— sur la situation des femmes.
Mais ils pointent également du doigt les mentalités. Ainsi les hommes
irakiens sont environ 50% à considérer qu’ils sont en droit d’empêcher
leur femme de travailler et qu’ils peuvent la frapper dans certaines
circonstances, selon l’ONU. Et une récente proposition de loi
controversée risque de les conforter dans leur opinion.
Déposé à quelques semaines des élections, ce projet de loi sur la
famille a créé une polémique, ses détracteurs dénonçant en particulier
une clause autorisant les filles à divorcer dès l’âge de neuf ans,
induisant la possibilité de les marier encore plus jeunes.
Une litanie d’autres articles de ce genre, dont l’obligation pour les
femmes d’avoir des relations sexuelles avec leur mari à chaque fois que
ce dernier le souhaite, ont été décriées par des militants laïques
irakiens et des ONG internationales fustigeant une dégradation flagrante
des droits des femmes.
A l’opposé de ce projet, la Constitution irakienne reconnaît la place
des femmes, exigeant qu’un quart des sièges au Parlement leur revienne.
Cette contrainte ne s’impose cependant pas à l’exécutif, et les femmes
ministres ont été de moins en moins nombreuses dans les différents
cabinets entre 2006 et 2010, explique Intisar al-Juburi, députée de la
province de Ninive, qui déplore les vaines promesses.
"Si on regarde les programmes électoraux (...) on voit qu’ils
s’intéressent aux droits des femmes", dit-elle. "Mais lorsque des hommes
gagnent un siège de député aux élections, ils oublient" ces promesses.
Lors d’un récent forum sur les droits des femmes, la question des quotas
a été soulevée, plusieurs intervenants prenant la parole pour critiquer
une loi qui amènerait au pouvoir des politiciennes peu qualifiées.
La majorité des interventions ont néanmoins soutenu ce système.
"Même si les quotas présentent de nombreux aspects négatifs (...) il y a
plus de bonnes choses que de mauvaises", insiste ainsi Maysoon
al-Damaluji, une députée de Bagdad, candidate à sa réélection.
"Au moins cela a familiarisé les femmes à la vie politique et les a fait
devenir une réalité dans la vie politique", explique-t-elle.
Quant aux aptitudes des candidates, l’élue rétorque : "de la même façon,
on peut se demander si certains hommes ont été aussi compétents qu’ils
auraient dû l’être".
"Je pense que la plupart des gens sont d’accord sur le fait que ni les
hommes, ni les femmes, n’ont été à la hauteur de leurs responsabilités",
conclut la députée.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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