La crise politique en Irak s'est soudainement aggravée samedi lorsque
des milliers de manifestants ont occupé pendant plusieurs heures le
Parlement pour protester contre l'incapacité de la classe politique à
s'accorder sur un nouveau gouvernement.
Criant, chantant et brandissant des drapeaux irakiens, les
protestataires ont pénétré en début d'après-midi dans la Zone verte, le
quartier ultra-sécurisé de Bagdad où se trouvent les principales
institutions de l'Etat.
Ces partisans de l'influent chef chiite Moqtada Sadr se sont dirigés
vers le Parlement, qu'ils ont envahi, certains saccageant du mobilier, a
constaté un journaliste de l'AFP.
"C'est nous qui dirigeons ce pays à présent! Le temps de la corruption
est révolu", a lancé un manifestant, alors que la foule remplissait
l'hémicycle.
"Vous ne restez pas ici! Ceci est votre dernier jour dans la Zone verte", a crié un manifestant à des parlementaires.
Les forces de sécurité étaient présentes mais ne sont pas intervenues pour empêcher l'entrée des protestataires.
Des mesures ont été immédiatement prises par le gouvernement pour
renforcer la sécurité autour de la Zone verte, où sont également
implantés les bureaux du Premier ministre et des ambassades dont celle
des Etats-Unis.
De leur côté, les manifestants ont placé des barbelés sur une route
menant à l'une des sorties du quartier, empêchant certains
parlementaires de s'enfuir. Plusieurs véhicules ont été pris pour cible
et endommagés.
Les manifestants ont occupé les lieux pendant six heures avant de
commencer dans la soirée à quitter le bâtiment abritant le Parlement, à
l'appel de membres de la milice de Moqtada Sadr, a constaté un
photographe de l'AFP.
Le Premier ministre Haider al-Abadi a pour sa part affirmé dans un
communiqué que la situation à Bagdad était "sous le contrôle des forces
de sécurité" et exhorté les manifestants à revenir vers "les lieux
autorisés pour leur protestation".
Cette montée des tensions intervient alors que la capitale irakienne
était déjà placée en alerte ce week-end en raison des craintes
d'attentats à l'occasion d'un important pèlerinage chiite. Une attaque
revendiquée par l'organisation extrémiste Daeshs qui se dit sunnite et qui prétend être Etat islamique (EI) a
d'ailleurs provoqué dans la matinée la mort d'au moins 23 personnes,
dont des pèlerins, selon des responsables irakiens.
Les manifestants ont décidé d'envahir la Zone verte, devant laquelle ils
s'étaient rassemblés dans la matinée, après avoir appris que les
députés avaient de nouveau échoué à approuver la formation d'un
gouvernement de technocrates proposé par le Premier ministre Haider
al-Abadi.
Et l'agitation a débuté quelques minutes après une conférence de presse
de Moqtada Sadr dans la ville sainte chiite de Najaf. Le chef religieux
chiite a vivement condamné l'impasse politique sans toutefois ordonner à
ses partisans d'entrer dans la Zone verte.
Les hommes politiques "ont refusé de mettre un terme à la corruption et
aux quotas", a dénoncé M. Sadr. Il a affirmé que ses partisans et
lui-même ne participeraient à "aucun processus politique dans lequel il y
a une quelconque sorte (...) de quotas sur les partis".
Les postes clés au gouvernement sont depuis des années partagés sur la
base de quotas politiques et sectaires, une pratique avec laquelle les
manifestants veulent en finir.
M. Abadi, un élu chiite arrivé au pouvoir en septembre 2014, tente
depuis des semaines de faire approuver par le Parlement une équipe
gouvernementale composée de technocrates. Cette dernière pourra, selon
lui, mener de manière plus efficace des réformes cruciales pour lutter
contre la corruption.
Mais un certain nombre de politiciens redoutent la disparition de
l'attribution des ministères sur une base politique qui leur assurait de
nombreux avantages.
Mardi, les députés avaient approuvé une partie des candidats proposés
lors d'une séance houleuse qui a vu des parlementaires jeter des
bouteilles en direction du Premier ministre.
La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a condamné
l'assaut du Parlement, mettant en garde contre une nouvelle
déstabilisation du pays.
Cette crise est également suivie avec inquiétude par les Etats-Unis qui
craignent qu'elle "ne détourne" les autorités de la lutte contre l'EI
"qui constitue "la véritable menace" pour les Irakiens, selon un haut
responsable américain.
Des appels à la raison ont ainsi récemment été lancés par le
vice-président Joe Biden et le chef de la diplomatie John Kerry au cours
de visites à Bagdad.
Les Etats-Unis mènent la coalition internationale qui, avec des
bombardements aériens quotidiens, soutient les offensives des forces
irakiennes pour reconquérir les territoires aux mains de Daesh, dont la
deuxième ville du pays Mossoul.
La crise politique s'ajoute aux difficultés économiques liées à l'impact
de la chute des prix du brut sur le budget de l'Etat irakien.
(30-04-2016)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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