Le président et leader historique du mouvement islamiste tunisien
Ennahda, Rached Ghannouchi, a sans surprise été réélu lundi à l'aube à
la tête de cette formation qui vient d'acter la séparation entre ses
activités politiques et religieuses.
Le parti a tenu son dixième congrès, qualifié d'"historique" dans le
projet de communiqué final, samedi et dimanche dans un hôtel de
Hammamet, à une soixantaine de km au sud de Tunis.
M. Ghannouchi, 74 ans, a été réélu à plus de 75% des voix en obtenant
800 votes. Les deux autres candidats, le président sortant du Conseil de
la Choura (la plus haute autorité du parti) Fethi Ayadi, et Mohamed
Akrout, un responsable du parti, ont respectivement obtenu 229 et 29
voix.
Le résultat du vote, affiché sur un grand écran, a été acclamé par la salle qui a ensuite entonné l'hymne national.
Prédicateur enflammé dans les années 1970, M. Ghannouchi, l'une des
principales figures du mouvement islamiste tunisien et même arabe, a
vécu en exil à Londres pendant une vingtaine d'années avant d'être
accueilli triomphalement par des milliers de personnes à son retour en
Tunisie après la révolution de 2011.
Pendant son congrès, Ennahda, première force au Parlement tunisien, a
fait le bilan de son action notamment depuis la révolution de 2011, et
établi sa stratégie pour les années à venir.
Ennahda est un "mouvement tunisien qui évolue avec (...) la Tunisie", avait dit dimanche à la presse M. Ghannouchi.
"Nous nous dirigeons de manière sérieuse, cela a été adopté aujourd'hui,
vers un parti politique, national, civil à référent islamique, qui
oeuvre dans le cadre de la Constitution du pays et s'inspire des valeurs
de l'islam et de la modernité", avait-il ajouté.
Très commentée en Tunisie, cette évolution en gestation depuis quelques
années est présentée par les responsables d'Ennahda comme le résultat de
l'expérience du pouvoir et du passage de la Tunisie de la dictature à
la démocratie suite à la révolution.
Réprimé sous la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, Ennahda avait été
le grand vainqueur des premières élections de l'après-révolution en
2011. Mais après deux années mouvementées au pouvoir, il avait dû se
résoudre à céder la place sur fond de crise politique majeure.
Battu lors des élections législatives de fin 2014 par le parti Nidaa
Tounès de l'actuel président Béji Caïd Essebsi, Ennahda demeure un poids
lourd de la politique tunisienne, même si sa décision de sceller une
alliance gouvernementale avec ses adversaires de Nidaa a suscité la
controverse en interne.
Sa mue semble épouser l'avis d'une grande partie de la population
puisque près de 73% des Tunisiens seraient favorables à "la séparation
entre la religion et la politique" selon un récent sondage réalisé par
l'institut tunisien Sigma, en collaboration avec l'Observatoire arabe
des religions et des libertés et la Fondation Konrad-Adenauer.
Cette évolution est très suivie par les autres partis et les médias, qui
s'interrogent sur sa réelle portée et sur son impact politique.
Ennahda entend-il "démocratiser l'islam ou islamiser la démocratie?",
s'est demandé le quotidien La Presse, tandis que la députée Bochra
Belhaj Hamida, qui a démissionné de Nidaa Tounès notamment en raison
d'un manque de "clarté" sur la relation avec Ennahda, a dit attendre des
preuves de ce changement.
"Au niveau des déclarations, c'est rassurant, mais ce n'est pas
suffisant. Il faut que le parti prouve dans son discours politique de
tous les jours et dans ses relations avec les associations" qu'il dit
vrai, a-t-elle dit à l'AFP.
Les quelque 1.200 délégués du parti ont élu lundi à l'aube les deux
tiers du Conseil de la Choura. Il reste au président du parti à désigner
le tiers restant.
Le congrès s'était ouvert vendredi à Radès, dans la banlieue sud de
Tunis, en présence de plusieurs milliers de personnes dont celle,
remarquée, du président Caïd Essebsi.
Ce dernier avait pourtant mené, avec son mouvement Nidaa Tounès, une
virulente campagne contre les islamistes, les taxant d'obscurantisme et
de laxisme avec la mouvance jihadiste lorsqu'ils étaient au pouvoir.
Mais aujourd'hui MM. Ghannouchi et Caïd Essebsi aiment à afficher leur
entente, au grand dam d'une partie de leurs bases respectives.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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