"Le
principal chemin qu'il reste aujourd'hui à accomplir pour de
nombreuses femmes est celui de trouver un emploi, car il reste des
femmes qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école."
Femme de dialogue, elle a oeuvré à la transition démocratique de son
pays après le printemps arabe. Wided Bouchamaoui est présidente de
l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat
(Utica), le patronat tunisien, qui est aussi l'une des quatre
organisations du pays à avoir reçu le prix Nobel de la paix en 2015.
Formé en 2013, au moment où la transition éprouvait des difficultés, ce
quartet se compose des syndicats UGTT et Utica, de la Ligue tunisienne
des droits de l'homme et de l'ordre des avocats tunisiens. Un dialogue
national qui a permis au pays de se doter d'une Constitution. Présente
vendredi à l'Institut du monde arabe, la patronne des patrons tunisiens
alerte aujourd'hui sur la situation économique et sécuritaire de la
paix.
De quoi êtes-vous la plus fière dans le travail que vous avez mené à la tête du dialogue national ?
À l'annonce du prix Nobel, j'ai ressenti une grande fierté pour moi,
mais aussi pour tout le peuple tunisien. Il s'agit d'une reconnaissance
internationale de l'effort fourni par le quartet tunisien, qui a abouti à
la rédaction d'une Constitution garantissant le respect des droits
fondamentaux et des libertés individuelles, pour tous les Tunisiens,
quels que soient leur sexe, leur religion ou leur appartenance
politique. Le quartet est parvenu à mettre en place un système de
gouvernance moderne, exemplaire pour l'ensemble du monde arabe, dont
nous pouvons être fiers. Par le consensus et le dialogue, nous avons
donc sauvé la Tunisie et évité une guerre civile.
Votre objectif était de créer un consensus au sein de la société
civile. Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées pour
mettre tout le monde d'accord ?
Nous avons mené un travail de longue haleine afin de convaincre les
partis politiques de signer la feuille de route que nous avions
préparée, mais aussi pour les amener à suivre à la lettre les
engagements pris. Il s'agit d'un travail de négociation ardu. Mais les
leaders des partis politiques sont des représentants du peuple et ont su
se montrer à l'écoute et nous faire confiance. Le quartet était formé
de quatre organisations issues de la société civile, ce qui a assis sa
légitimité à la tête du Dialogue national. Toutes les parties prenantes
savaient que notre objectif était de sortir le pays de l'impasse.
Aujourd'hui, nous pouvons donc conclure que la société civile est
parvenue à mener un travail collectif et collégial efficace.
Vous mettez beaucoup en avant l'émancipation des femmes dans la
société civile tunisienne, ne reste-t-il pas encore du chemin à
parcourir ?
Notre Constitution garantit la parfaite égalité entre les femmes et les
hommes, ce qui est une exception dans le monde arabe. Lorsqu'à un moment
donné le concept de « complémentarité » a été évoqué, la société civile
a su faire pression, ce qui montre qu'il s'agit d'un acquis pour le
peuple. L'un des ingrédients essentiels de la place des femmes en
Tunisie est qu'elles sont éduquées et émancipées, mais cela ne veut pas
dire que nous n'avons aucun problème. Le principal chemin qu'il reste
aujourd'hui à accomplir pour de nombreuses femmes est celui de trouver
un emploi, car il reste des femmes qui n'ont pas eu la chance d'aller à
l'école. Il faut s'occuper d'elles et plus globalement du chômage, qui
est l'un des grands enjeux actuels de la Tunisie.
Vous dénoncez également la solitude de la Tunisie face aux problèmes de sécurité, quelle est la situation du pays ?
La Tunisie a connu des problèmes qui ont fortement impacté le tourisme.
De nombreux moyens ont été débloqués pour assurer la sécurité,
complètement pris en charge par les Tunisiens. La situation s'améliore,
mais nous avons aussi besoin d'une vigilance et d'une aide
internationale, car nous sommes dans une région fragile. À l'heure
actuelle, la priorité est de chercher une solution politique à la crise
en Libye : il faut trouver une solution pacifique, car toute
intervention militaire aura des conséquences dans le pays, mais aussi
dans toute la région.
(23-05-2016 - Propos recueillis par Laurène Rimondi)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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