mercredi 6 janvier 2016

Algérie : Le projet de révision de Constitution en cinq mots (Soraya Mehdi)

Tamazight
La mouture de la nouvelle Constitution reconnaît dans l'article 3 bis le « tamazight »  langue nationale et officielle aux côtés de l'arabe. L'État « oeuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national », indique le texte, englobant ainsi tous les parlers amazigh du pays, tels que le kabyle, le mozabite, le chaoui, le tamacheq, etc. Le même article instaure également la création de l'Académie algérienne de la langue amazighe « chargée de réunir les conditions de promotion du tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle ». Réclamée de longue date par une partie de la société civile, la disposition a suscité des réactions positives unanimes sur les réseaux sociaux dont les internautes ont été nombreux à souligner « une avancée importante fruit d'une longue lutte pacifique ».

Mandats
L'avant-projet de loi de la Constitution réintroduit la limitation des mandats présidentiels à deux exercices dans son article 74. Instauré dans la Constitution de 1996, le principe avait été amendé en 2008 par le président Abdelaziz Bouteflika, lui permettant ainsi de se représenter à un troisième mandat en avril 2009, puis à un quatrième en avril 2014. Le nouveau texte va même plus loin qu'une simple réhabilitation en prévoyant par une disposition de l'article 178 que « toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte au fait que le président de la République est rééligible une seule fois ». Ce retournement n'a pas échappé aux commentateurs qui relèvent, sur Twitter, « un retour à la case départ » et, dans les médias, que « Bouteflika efface en 2016 ce qu'il a fait en 2008 ». De nouvelles mesures d'éligibilité à la présidence de la République sont par ailleurs introduites dans l'article 73 qui précise que le candidat devra en plus « ne pas avoir acquis une nationalité étrangère », « attester de la nationalité algérienne d'origine du père et de la mère », « attester de la nationalité algérienne d'origine unique du conjoint » et « justifier d'une résidence permanente exclusive en Algérie durant un minimum de dix années précédant le dépôt de la candidature ».

Rééquilibre
La nomination du Premier ministre par le président de la République devra désormais s'effectuer en concertation avec la majorité parlementaire en vertu de l'article 77 du nouveau texte de loi. Depuis l'amendement de la Constitution en 2008, le président de la République pouvait nommer le chef de l'exécutif sans se référer au Parlement. Le recours aux ordonnances présidentielles sera par ailleurs limité aux seuls cas d'urgence durant les vacances parlementaires, précise l'article 124. Mais ce rééquilibrage d'apparence au profit du pouvoir législatif pourrait être nul. « C'est un conseil que le président peut accepter ou refuser. Il peut ne pas prendre en compte ce conseil », souligne la constitutionnaliste Fatiha Benabou dans une interview au journal en ligne TSA.

Libertés
Plusieurs articles de l'avant-projet de révision de la Constitution s'attachent aux libertés individuelles : le 41 bis proclame ainsi la liberté de manifestation pacifique et le 41 ter garantit la liberté de la presse écrite, audiovisuelle et sur les réseaux d'information, qui « n'est restreinte par aucune forme de censure préalable » (41 ter). Le nouveau texte constitutionnel supprime aussi définitivement le délit de presse introduit dans le Code de procédure pénale de 2002 : il ne pourra désormais être sanctionné par une peine privative de liberté. Mais ces principes, aussi beaux soient-ils, pourraient rester lettre morte en l'absence de décrets d'application et d'un manque cruel de légitimité des institutions, opposent les organisations de défense des droits de l'homme.

Référendum
Sans donner de dates précises, le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, a présenté, lors de la conférence de presse du mardi 5 janvier, les prochains rendez-vous d'adoption de l'avant-projet de révision de la Constitution. Le texte « passera, d'abord, au courant de ce mois de janvier, par le conseil des ministres pour adoption, puis le président de la République saisira le Conseil constitutionnel pour donner son avis sur la voie d'adoption du projet, soit par le Parlement ou référendum», a-t-il déclaré. Lors de la validation du texte fin décembre, le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait annoncé son intention de soumettre le texte au vote du Parlement. « Le président aurait pu utiliser les articles de la Constitution pour aller au référendum, il a choisi le Parlement, mais le Conseil constitutionnel va dire son avis, si le texte touche aux équilibres des pouvoirs ou non », a précisé Ahmed Ouyahia lors de la présentation du document. Pour la constitutionnaliste Fatiha Benabou, le référendum s'impose pour l'adoption des amendements de l'avant-projet de loi de la révision de la Constitution. «  Car la révision  touche aux principes généraux régissant la société algérienne [titre premier de la Constitution, NDLR] et aux équilibres du pouvoir [titre deux de l'organisation des pouvoirs, NDLR] », explique-t-elle dans sa déclaration au journal TSA. Réponse à la fin du mois.

(06-01-2016 - Soraya Mehdi)

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