Depuis sa révolution en 2011, la Tunisie est devenue une cible majeure
de l'extrémisme islamiste mais aussi l'un des principaux pourvoyeurs de
combattants jihadistes, un phénomène qui s'explique notamment par la
répression historique des islamistes et l'exclusion sociale selon des
analystes.
Le pays, gouverné d'une main de fer par le dictateur Zine El Abidine Ben
Ali pendant 23 ans, a été frappé par plusieurs attentats au cours des
cinq dernières années, dont trois, revendiqués par le groupe Etat
islamique (EI), ont tué 38 touristes et 13 membres des forces de l'ordre
en 2015. Des dizaines de policiers et de militaires ont été tués depuis
2011 et deux opposants ont aussi été assassinés en 2013.
Plus de 5.500 Tunisiens, en majorité âgés de 18 à 35 ans, ont rejoint
des organisations jihadistes à l'étranger, notamment en Syrie, en Irak
et en Libye, selon le groupe de travail de l'ONU sur l'utilisation de
mercenaires, un nombre qui est "l'un des plus élevés parmi ceux qui
voyagent pour rejoindre les conflits".
Parmi les causes de la propagation du jihadisme en Tunisie figure "le
resserrement de l'étau autour des religieux" à l'époque de Ben Ali,
surtout après "les performances électorales relativement fortes des
islamistes" en 1989, explique le centre de recherche américain Carnegie
dans une étude intitulée "un marché pour le jihad: la radicalisation en
Tunisie".
"Des milliers (d'islamistes) ont été emprisonnés, beaucoup d'autres
forcés à l'exil" tandis que la direction du parti islamiste Ennahda,
aujourd'hui un acteur politique majeur en Tunisie, a été transférée en
Europe, poursuit le centre. Le régime avait renforcé dans la foulée "le
contrôle de la sûreté d'Etat sur les mosquées et imposé des restrictions
au port du hijab. Toute expression de religiosité politique, ou même
publique, était considérée comme une menace".
Cette mainmise de Ben Ali sur les affaires religieuses a fait que
beaucoup se sont tournés vers "les réseaux sociaux et les chaînes de
télévision satellitaires religieuses étrangères, surtout à partir de la
moitié des années 1990, provoquant l'expansion de la pensée wahhabite",
une vision rigoriste de l'islam, a affirmé à l'AFP un haut responsable
sécuritaire. "Nous payons aujourd'hui le prix de la politique erronée de
Ben Ali dans son approche à la religion".
Ensuite, "la chute du régime a créé un vide qui a permis à des groupes
radicaux de répandre leurs idées et d'embrigader de nouvelles recrues
parmi les jeunes défavorisés", selon le centre Carnegie.
- Exclusion sociale -
Les jihadistes ont réussi à embrigader dans les banlieues de la capitale
et les régions de l'intérieur du pays, poursuit le centre, et
l'aggravation de la situation économique et sociale après la révolution
n'a fait que "nourrir l'extrémisme".
"Le lien est clair entre la carte de l'expansion du salafisme jihadiste
et celle de l'exclusion sociale et économique", a indiqué dans une étude
publiée en 2014 l'Institut tunisien des études stratégiques, qui dépend
de la présidence de la république.
Pour Omeyya Naoufel Seddik, du Centre pour le dialogue humanitaire,
certains Tunisiens ont rejoint l'EI "dans une optique de promotion
sociale. L'idée circule qu'il procure un standard de vie meilleur que
bien d'autres endroits".
Selon le groupe de travail de l'ONU, les personnes qui travaillent dans
les réseaux de recrutement de combattants tunisiens ont reçu des sommes
allant de 2.700 à 9.000 euros pour chaque nouvelle recrue, selon ses
compétences.
Le phénomène jihadiste n'est pourtant pas nouveau dans ce pays: des
Tunisiens ont déjà combattu aux côtés de jihadistes par le passé -- en
Bosnie et en Tchétchénie dans les années 1990, en Afghanistan et en Irak
au début des années 2000-- et ce sont des Tunisiens qui ont tué le
commandant Massoud en Afghanistan en 2001. Mais c'est la première fois
qu'il prend une telle ampleur.
Le ministère de l'Intérieur assure avoir interdit à 15.000 Tunisiens de
rejoindre des organisations jihadistes à l'étranger entre mars 2013 et
juillet 2015.
Le chaos dans la Libye voisine contribue aussi à l'essor du phénomène.
Beaucoup des combattants tunisiens sont arrivés en Syrie ou en Irak
après être passés par des "camps d'entraînement" en Libye, qui partage
avec la Tunisie une frontière terrestre d'environ 500 km, avant de
"décoller de la capitale libyenne vers Istanbul en Turquie, puis vers le
chemin du front", selon l'International Crisis Group (ICG).
D'après les autorités tunisiennes, les trois auteurs des attentats du
musée du Bardo, à Tunis, en mars et de Sousse en juin ont été formés en
Libye.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire