La famille palestinienne de Bassim Salah a attendu un mois que les
Israéliens lui rendent son corps. Quand ils l'ont fait, il a fallu
retarder le rituel funéraire, la dépouille, gelée, ne pouvant être
enterrée dignement.
Bassim Salah, 38 ans, a été abattu fin novembre à Jérusalem par des
policiers israéliens alors qu'il agressait l'un d'eux au couteau selon
la police.
Son cadavre, comme celui de dizaines d'autres auteurs ou auteurs
présumés d'attaques, est devenu l'objet d'une macabre confrontation,
par-delà la mort, entre l'affliction et le sens du sacré chez les
proches, et les calculs sécuritaires et politiques chez les Israéliens.
Le frère de Bassim Salah, Saad, a fixé en photo sur son portable la
vision d'effroi qui a saisi les siens quand, soulagés de pouvoir enfin
entreprendre leur travail de deuil, ils ont récupéré son corps via le
Croissant rouge palestinien.
Pendant un mois, sa famille, qui vit à Naplouse en Cisjordanie occupée,
avait réclamé ses restes, alors que selon la tradition musulmane, les
corps sont enterrés juste après le décès. "On voulait seulement
l'enterrer. Enterrer un mort, c'est l'honorer", dit Saad.
Mais il a fallu encore retarder son enterrement, car sa dépouille était
figée dans une posture incongrue, apparemment après être restée dans la
chambre froide d'une morgue. Il a fallu "laisser fondre le bloc de glace
pendant une journée", raconte son frère.
Devant l'enchaînement des violences, Israël a annoncé qu'il ne
restituerait plus les corps des auteurs d'attentats aux familles. Cette
confiscation faisait partie d'une batterie de mesures vigoureuses,
contestées pour certaines par les défenseurs des droits de l'Homme.
En réalité, elle a vite été remise en cause, non seulement à cause de
l'indignation dans l'opinion palestinienne, mais aussi à cause des
objections au sein du gouvernement israélien quant à son efficacité et
peut-être sa moralité.
- Jusqu'à 56 corps dans les morgues -
La pratique a surtout consisté à retarder la restitution des dépouilles, parfois jusqu'à plus de trois mois.
Les violences ont fait 156 morts palestiniens et 24 israéliens depuis le
1er octobre, selon un décompte de l'AFP. La plupart des Palestiniens
tués sont les auteurs ou les auteurs présumés d'attentats.
Au plus fort des confiscations, Israël a retenu 56 dépouilles, selon la campagne palestinienne qui s'est créée sur le sujet.
Puis, entre fin décembre et début janvier, des dizaines de corps ont été rendus.
Abdallah Abou Hilal, docteur au centre médical d'Abou Dis près de
Jérusalem, a vu défiler les corps pétrifiés par la glace. La dépouille
de Mazen Aribeh, abattu à 37 ans, "était tellement congelée qu'on a dû
s'y mettre à vingt pour la transporter", dit-il à l'AFP.
"A voir l'état des corps, des têtes, les Israéliens doivent jeter les
corps dans les réfrigérateurs sans la moindre précaution", ajoute-t-il.
Israël détient encore dix corps de Palestiniens, tous de Jérusalem-Est.
C'est la police, sous l'autorité du ministre de la Sécurité intérieure
Gilad Erdan, qui opère dans cette partie arabe de la ville occupée par
Israël. L'armée, elle, a la maîtrise des opérations en Cisjordanie.
- 'Pas de nuit' ! -
"Les familles des terroristes font de leurs funérailles des
manifestations de soutien au terrorisme et des appels au meurtre, c'est
inacceptable", a justifié M. Erdan.
La presse israélienne a rapporté les profondes réserves du ministre de
la Défense Moshé Yaalon et d'une partie de l'état-major. Pour eux,
priver les Palestiniens d'un rituel intangible "accentue les tensions",
dit à l'AFP un responsable.
Les généraux s'inquiéteraient aussi qu'une pratique de l'armée soit
assimilée à celles de leurs ennemis du Hamas palestinien ou du
Hezbollah, coutumiers de marchander les corps israéliens.
Au final, le gouvernement aurait décidé de laisser leur liberté de
manoeuvre aux ministres concernés, selon le quotidien Haaretz.
Même quand il restitue les corps, Israël pose ses conditions. Certains
enterrements doivent avoir lieu de nuit, avec un nombre limité de
personnes.
Des familles en deuil ont rapporté avoir dû verser des milliers de
shekels de caution (1.000 shekels = 250 dollars), non restitués si les
funérailles ne satisfaisaient pas aux exigences israéliennes. Ce dépôt
de garantie a laissé à certains Palestiniens l'impression de payer pour
la dépouille de leurs enfants.
A Jérusalem-Est, Mohammed Aliane, attend toujours le corps de son fils
Bahaa, 22 ans, abattu après avoir tué avec un autre Palestinien trois
personnes mi-octobre. Israël a détruit la maison familiale et garde son
corps.
Mais son père jure qu'il tiendra bon. "Mon fils, je ne l'enterrerai ni
de nuit, ni contre une caution, ni en dehors de Jérusalem".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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