Que la Grande-Bretagne bombarde à son tour le groupe Etat islamique (EI)
en Syrie ne fera pas une grande différence sur le plan opérationnel,
assurent les experts qui continuent à s'interroger sur l'efficacité des
raids aériens tout court.
Après le feu vert du Parlement britannique mercredi soir, les huit
chasseurs-bombardiers Tornado de la RAF, opérationnels en Irak depuis
plus d'un an déjà, n'ont désormais plus à rebrousser chemin à la
frontière syrienne.
Ce n'est que logique, estime le Premier ministre David Cameron qui
insiste sur la portée symbolique de l'engagement britannique en Syrie
après les attentats à Paris contre "un pays allié et ami".
Signe de son impatience, les premières frappes britanniques jeudi matin
contre une installation pétrolière sont intervenues quelques heures
seulement après le vote, au-dessus d'un territoire déjà survolé par les
avions américains, russes et français.
L'apport des Britanniques, spécialisés jusque-là dans les missions de
reconnaissance et de surveillance dans la région (avec seulement 8% des
frappes de la coalition sur l'Irak, selon un rapport parlementaire),
s'annonce marginal.
"Leur contribution va être de l'ordre de ce que peuvent faire les
Français, sachant que les Britanniques ont une défense extrêmement
affaiblie du point de vue des capacités de projection", estime
Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Institut de Relations
Internationales et Stratégiques à Paris
Jusque-là, la RAF disposait sur sa base chypriote d'Akrotiri de huit
Tornado et de dix drones MQ-9 Reaper. Un de ces drones est déjà
exceptionnellement intervenu en Syrie en septembre pour éliminer deux
jihadistes britanniques.
Ce dispositif a été renforcé jeudi par deux autres Tornado et six avions
de combat Typhoon de fabrication plus récente. Cela doublera donc la
capacité actuelle. "Mais pas de quoi faire une grande différence
opérationnelle, comparé à la force de frappe de la coalition en général
et de l'US Air Force en particulier", estime Justin Bronk, spécialiste
en aviation militaire.
Plus que par ses avions, le Royaume-Uni compte faire la différence grâce
à ses missiles à double guidage laser et radar millimétrique Brimstone.
Capable d'atteindre des petites cibles en mouvement, comme une moto
lancée à 100 km/h, ce missile porte une charge explosive réduite et ne
dégage que très peu de débris à l'impact, ce qui est censé limiter le
risque de victimes civiles.
"Il reste beaucoup d'objectifs"
"Même les Américains n'ont rien de tel", assure David Cameron.
"Ce missile est très précis. Il ne va pas entraîner un tournant décisif
dans l'immédiat. Mais il offre plus de souplesse à la coalition et
permettra de viser individuellement des cibles particulièrement
importantes", souligne Ben Barry de l'Institut international pour les
études stratégiques (IISS).
Reste à vérifier le résultat sur le terrain, alors que les experts
restent circonspects quant à l'efficacité définitive des quelque 8.300
bombardements ciblés opérés par la coalition internationale depuis
septembre 2014.
Selon le gouvernement britannique, ils ont permis de "reprendre 30% du
territoire de l'EI" en Irak. Ils ont contribué à libérer Sinjar en appui
des forces kurdes et à empêcher l'EI de s'emparer de points
stratégiques comme Kobane, à la frontière kurde, ou Erbil, dans le
Kurdistan irakien.
"La plupart des frappes ont permis d'appuyer des forces au sol, de faire
reculer les terroristes, viser leurs infrastructures et leurs revenus
pétroliers. Il reste beaucoup de cibles qu'on n'a pas encore frappées.
Les Français étaient surpris qu'il en reste autant", a dit le ministre
de la Défense, Michael Fallon, jeudi.
Mais les frappes aériennes ne suffiront pas à éradiquer l'EI,
s'accordent à dire les experts. La découverte des tunnels creusés à
Sinjar par les jihadistes pour échapper aux bombardements et le fait
qu'ils se fondent dans la population locale rend la tache extrêmement
difficile.
"Envoyer plus de bombes n'est pas la bonne réponse", souligne, dans le
Guardian, Hassan Hassan, spécialiste de l'EI à Chatham House, qui craint
qu'elles ne contribuent surtout à radicaliser une partie de la
population sur place.
Alors que les Etats-Unis s'apprêtent à renforcer l'utilisation des
forces spéciales au sol, David Cameron a reconnu que les frappes
britanniques en Syrie doivent, pour être efficaces, s'inscrire dans un
plan d'action plus global.
Il a notamment évoqué la présence de 70.000 "combattants syriens
modérés" sur lesquels la coalition pourrait s'appuyer au sol. Mais sans
cacher la difficulté d'unir sous une même bannière des forces rebelles
aussi éclatées que divisées.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire