jeudi 3 décembre 2015

Syrie: L'impact des frappes britanniques symbolique mais marginal

Que la Grande-Bretagne bombarde à son tour le groupe Etat islamique (EI) en Syrie ne fera pas une grande différence sur le plan opérationnel, assurent les experts qui continuent à s'interroger sur l'efficacité des raids aériens tout court.
Après le feu vert du Parlement britannique mercredi soir, les huit chasseurs-bombardiers Tornado de la RAF, opérationnels en Irak depuis plus d'un an déjà, n'ont désormais plus à rebrousser chemin à la frontière syrienne.
Ce n'est que logique, estime le Premier ministre David Cameron qui insiste sur la portée symbolique de l'engagement britannique en Syrie après les attentats à Paris contre "un pays allié et ami".
Signe de son impatience, les premières frappes britanniques jeudi matin contre une installation pétrolière sont intervenues quelques heures seulement après le vote, au-dessus d'un territoire déjà survolé par les avions américains, russes et français.
L'apport des Britanniques, spécialisés jusque-là dans les missions de reconnaissance et de surveillance dans la région (avec seulement 8% des frappes de la coalition sur l'Irak, selon un rapport parlementaire), s'annonce marginal.
"Leur contribution va être de l'ordre de ce que peuvent faire les Français, sachant que les Britanniques ont une défense extrêmement affaiblie du point de vue des capacités de projection", estime Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques à Paris
Jusque-là, la RAF disposait sur sa base chypriote d'Akrotiri de huit Tornado et de dix drones MQ-9 Reaper. Un de ces drones est déjà exceptionnellement intervenu en Syrie en septembre pour éliminer deux jihadistes britanniques.
Ce dispositif a été renforcé jeudi par deux autres Tornado et six avions de combat Typhoon de fabrication plus récente. Cela doublera donc la capacité actuelle. "Mais pas de quoi faire une grande différence opérationnelle, comparé à la force de frappe de la coalition en général et de l'US Air Force en particulier", estime Justin Bronk, spécialiste en aviation militaire.
Plus que par ses avions, le Royaume-Uni compte faire la différence grâce à ses missiles à double guidage laser et radar millimétrique Brimstone.
Capable d'atteindre des petites cibles en mouvement, comme une moto lancée à 100 km/h, ce missile porte une charge explosive réduite et ne dégage que très peu de débris à l'impact, ce qui est censé limiter le risque de victimes civiles.


"Il reste beaucoup d'objectifs"
"Même les Américains n'ont rien de tel", assure David Cameron.
"Ce missile est très précis. Il ne va pas entraîner un tournant décisif dans l'immédiat. Mais il offre plus de souplesse à la coalition et permettra de viser individuellement des cibles particulièrement importantes", souligne Ben Barry de l'Institut international pour les études stratégiques (IISS).
Reste à vérifier le résultat sur le terrain, alors que les experts restent circonspects quant à l'efficacité définitive des quelque 8.300 bombardements ciblés opérés par la coalition internationale depuis septembre 2014.
Selon le gouvernement britannique, ils ont permis de "reprendre 30% du territoire de l'EI" en Irak. Ils ont contribué à libérer Sinjar en appui des forces kurdes et à empêcher l'EI de s'emparer de points stratégiques comme Kobane, à la frontière kurde, ou Erbil, dans le Kurdistan irakien.
"La plupart des frappes ont permis d'appuyer des forces au sol, de faire reculer les terroristes, viser leurs infrastructures et leurs revenus pétroliers. Il reste beaucoup de cibles qu'on n'a pas encore frappées. Les Français étaient surpris qu'il en reste autant", a dit le ministre de la Défense, Michael Fallon, jeudi.
Mais les frappes aériennes ne suffiront pas à éradiquer l'EI, s'accordent à dire les experts. La découverte des tunnels creusés à Sinjar par les jihadistes pour échapper aux bombardements et le fait qu'ils se fondent dans la population locale rend la tache extrêmement difficile.
"Envoyer plus de bombes n'est pas la bonne réponse", souligne, dans le Guardian, Hassan Hassan, spécialiste de l'EI à Chatham House, qui craint qu'elles ne contribuent surtout à radicaliser une partie de la population sur place.
Alors que les Etats-Unis s'apprêtent à renforcer l'utilisation des forces spéciales au sol, David Cameron a reconnu que les frappes britanniques en Syrie doivent, pour être efficaces, s'inscrire dans un plan d'action plus global.
Il a notamment évoqué la présence de 70.000 "combattants syriens modérés" sur lesquels la coalition pourrait s'appuyer au sol. Mais sans cacher la difficulté d'unir sous une même bannière des forces rebelles aussi éclatées que divisées.

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