Six étudiants de Kairouan ont été condamnés pour "pratiques
homosexuelles" à trois ans de prison ferme et cinq ans d'interdiction de
séjour dans cette ville du centre de la Tunisie, a indiqué lundi leur
avocate. Interpellés fin novembre-début décembre après avoir "été
dénoncés par des voisins", ces six hommes ont reconnu avoir eu des
"pratiques homosexuelles" et ont été condamnés jeudi à trois ans de
prison, soit la peine maximale au titre de l'article 230 du code pénal, a
dit à l'Agence France-Presse Me Boutheina Karkni.
La mesure d'interdiction de séjour, également prévue par le code pénal
(art. 5), sera applicable à leur sortie de prison, a-t-elle ajouté.
Située à 150 kilomètres au sud de Tunis, Kairouan est la principale
ville sainte du pays. Déplorant "des condamnations extrêmement sévères",
Me Boutheina Karkni a annoncé avoir fait appel, et le nouveau procès
devrait avoir lieu devant la cour de Sousse "d'ici 2-3 semaines".
Un jugement "honteux"
Outre leurs aveux, des vidéos ont été retrouvées sur l'ordinateur d'un
prévenu, qui a, lui, écopé d'une peine de six mois de prison ferme pour
"atteinte à la pudeur", a rapporté le HuffPost Tunisie. D'après leur
avocate, les six étudiants ont subi durant leur détention préventive un
examen anal, une pratique vivement critiquée par les ONG, qui la juge
"inhumaine" et "dégradante".
Vice-président de "Shams", association qui milite pour la dépénalisation
de l'homosexualité, Ahmed Ben Amor a fustigé un jugement "honteux pour
un État qui se dit démocratique". "Nous n'allons pas rester sans
réagir", a-t-il clamé. L'ONG fait notamment valoir que l'État tunisien
est le "garant de la protection de la vie privée des citoyens", selon la
nouvelle Constitution adoptée en 2014, et que ses responsables militent
depuis quelques mois au grand jour. Certains ont toutefois récemment
déclaré à des médias locaux avoir été l'objet de "menaces homophobes",
ce que Ahmed Ben Amor a confirmé à l'Agence France-Presse.
"Bannissement"
La responsable de Human Rights Watch (HRW), Amna Guelali, a également
dénoncé le jugement de Kairouan, évoquant "un cas très grave d'atteinte à
la vie privée des personnes et à leur intégrité physique". Les peines
prononcées, dont celle "rarissime" du "bannissement", "sont
moyen-âgeuses et ne sont pas conformes à l'évolution de la Tunisie",
a-t-elle ajouté. "Le bannissement est un vrai scandale", a renchéri la
première vice-présidente de la Ligue tunisienne pour la défense des
droits de l'homme, Balkis Mechri, appelant "à une réaction forte de la
société civile dans cette affaire". Cité par la radio Shems FM, le
porte-parole du ministère de l'Intérieur, Walid Louguini, a de son côté
défendu l'action des forces de l'ordre. "Notre fonction est de faire
respecter la loi", a-t-il relevé, renvoyant au Parlement la question de
toute modification de la législation.
En septembre, un étudiant tunisien a été condamné à un an de prison pour
"homosexualité" dans la région de Sousse, après avoir lui aussi subi un
examen anal. Il a été remis en liberté début novembre, dans l'attente
du procès en appel prévu jeudi. Dans le sillage de cette condamnation,
le ministre de la Justice de l'époque, Mohamed Salah Ben Aïssa, s'était
dit favorable à l'abrogation de l'article 230 du code pénal. Il a été
limogé dans les semaines suivantes, la présidence du gouvernement
évoquant des propos manquant de "sérieux" dont ceux en faveur de la
dépénalisation de l'homosexualité.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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