Dans sa maison d'un camp de réfugiés palestiniens, Maliha Awwad ne
comprend toujours pas ce qui s'est passé le jour où sa fille de 14 ans a
blessé un homme avec des ciseaux, avant d'être tuée par la police
israélienne. Les Nations unies et des organisations de défense des
droits de l'homme se sont inquiétées d'un possible usage excessif de la
force par les forces de sécurité israéliennes face aux attaques menées
par des Palestiniens.
Le 23 novembre, Maliha a vu sa fille Hadil partir de la maison pour
l'école avec sa cousine Nourhane, 16 ans. Mais, au lieu de se rendre en
classe, elles ont pris le chemin d'un marché de Jérusalem-Ouest, la
partie israélienne de la Ville sainte, et ont blessé un homme. Un
Palestinien de 70 ans, légèrement atteint et apparemment pris par erreur
pour un Israélien, assure la police israélienne. "Je ne comprends
toujours pas ce qui a pu arriver", affirme Maliha, les larmes au bord
des yeux, dans sa maison du camp de Qalandia, bordé d'un côté par
Ramallah en Cisjordanie occupée et de l'autre par Jérusalem.
En mesure de rétorsion, les autorités israéliennes n'ont rendu le corps
de l'adolescente que près d'un mois après l'attaque et Maliha n'a pu
enterrer sa fille que vendredi soir. Nourhane, elle, a été grièvement
blessée. Elle a survécu et est désormais inculpée pour tentative de
meurtre. La justice israélienne a, de son côté, ouvert une enquête sur
le policier qui a tiré sur les deux adolescentes, soupçonné d'avoir eu
la gâchette trop facile. Une première depuis le début d'une nouvelle
vague de violences meurtrières le 1er octobre.
Réponse excessive
Depuis cette date, 123 Palestiniens, dont un Arabe israélien, ont été
tués dans des heurts avec les forces israéliennes ou pour avoir mené ou
tenté de mener, selon les autorités israéliennes, des attaques,
majoritairement à l'arme blanche, qui ont tué 17 Israéliens et un
Américain. Les images de caméras de surveillance ont montré les deux
adolescentes, vêtues de leur uniforme de collégienne, poursuivant un
homme avec des ciseaux avant d'être touchées par des tirs. Sur ces
enregistrements, les deux jeunes Palestiniennes sont à terre après avoir
essuyé des tirs. Le policier revient ensuite en courant vers l'une
d'elles - apparemment Nourhane - et tire sur elle alors qu'elle est
roulée en boule au sol.
Les avocats du policier font valoir qu'il redoutait qu'elles ne portent
des ceintures d'explosifs, une technique souvent utilisée lors de la
deuxième intifada durant laquelle des attentats-suicides menés par des
Palestiniens ont semé la terreur en Israël de 2000 à 2005 mais qui n'a
jusqu'ici pas été employée au cours de la nouvelle vague de violences.
Cette semaine, Cécile Pouilly, la porte-parole du bureau des droits de
l'homme de l'ONU, a dénoncé des attaques "inacceptables", mais également
"les informations sur un usage excessif de la force par les forces
israéliennes". "La réponse des forces de sécurité israéliennes a mené à
ce que des assaillants présumés, des manifestants et même des passants
soient tués et blessés", a-t-elle ajouté.
Amnesty International (AI) a salué l'enquête israélienne mais a regretté
que d'autres cas ne bénéficient pas du même examen. "Le fait que ce
soit la première enquête est très troublant, surtout qu'il existe de
fortes indications montrant que plusieurs Palestiniens ont été tués
alors qu'ils ne représentaient aucune menace de tuer ou de blesser
grièvement quiconque", a estimé Philip Luther, directeur d'AI pour le
Moyen-Orient. Il avait récemment accusé Israël de mener des "exécutions
extrajudiciaires".
"Fraction de seconde"
"Qu'est-ce qu'Amnesty peut comprendre de décisions que les officiers de
police doivent prendre en un quart de seconde alors qu'un terroriste
brandit un couteau de 30 centimètres devant leur visage, prêt à les
égorger ?" rétorque Micky Rosenfeld, porte-parole de la police
israélienne. Interrogé par l'Agence France-Presse au sujet de Hadil et
Nourhane, il estime que "chaque attaque est différente et que chaque
scénario (...) relève d'une réaction prise en une fraction de seconde".
La mort de l'adolescente a également relancé le débat sur les mesures
adoptées par l'État hébreu pour tenter d'endiguer les attaques,
notamment la démolition des maisons des familles des auteurs présumés et
la confiscation de leur corps. En outre, des figures politiques ont
incité les Israéliens à se munir d'armes pour sortir de chez eux.
La politique israélienne de "tirer pour tuer", assure Hanane Achraoui,
membre de la direction palestinienne, "crée plus de ressentiment, de
colère et devient le moteur de revanches personnelles". "Si vous tuez
l'ami, le cousin, la soeur de quelqu'un, il y a des gens qui vont sortir
et chercher à se venger", ajoute-t-elle. Le grand frère de Hadil avait
été tué d'une balle dans la tête il y a deux ans lors d'une
manifestation contre l'occupation israélienne en Cisjordanie.
(19-12-2015)
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