Babylonia a laissé de côté son rôle de mère et son métier de
coiffeuse pour rejoindre ses camarades chrétiennes qui combattent
le groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans le nord-ouest de la
Syrie.
"Mes enfants Limar (9 ans) et Gabriella (6 ans) me manquent et je
pense qu'ils doivent avoir faim, soif et froid mais j'essaie de
leur expliquer que je me bats pour protéger leur avenir", raconte
cette femme de 36 ans à l'allure robuste, vêtue d'une tenue
militaire.
Avant d'être sur le front, Babylonia était coiffeuse. C'est son
mari qui l'a encouragée à prendre les armes pour "lutter contre
l'idée qu'une femme syriaque n'est bonne que pour les activités
ménagères et le maquillage", selon ses propres dires. Lui aussi
est devenu combattant contre l'EI alors que la Syrie est déchirée
par la guerre depuis 2011.
Babylonia fait partie d'un bataillon composé de dizaines de femmes
syriaques et baptisé "les forces de protection des femmes de
Mésopotamie". Ce nom fait référence aux régions historiquement
habitées par cette minorité chrétienne d'Orient entre les fleuves
Tigre et Euphrate.
Les syriaques parlent et prient en langue araméenne. La majorité
est orthodoxe ou jacobite et une minorité catholique, rattachée à
Rome au 18e siècle. Ils sont présents au Liban, en Syrie, en Irak
et même en Inde.
Penser à mes enfants me rend plus forte' -
L'entraînement de la première promotion du bataillon de femmes a
pris fin en août, dans la ville d'Al-Qohtaniyé (Tirbe Sipiyé en
kurde et Kabre Hyore en syriaque) dans la province de Hassaké.
"Je suis une chrétienne pratiquante et penser à mes enfants me
rend plus forte et déterminée dans ma lutte contre Daech (acronyme
arabe de l'EI)", explique Babylonia, le regard perçant.
Lucia, 18 ans, a elle abandonné ses études pour combattre, comme
sa soeur, contre l'avis de leur mère.
"Je me bats avec une kalachnikov mais je ne suis pas encore un
tireur d'élite", avoue la timide jeune fille, une croix en bois au
cou et la tête couverte d'un foulard aux imprimés militaires.
"J'ai participé pour la première fois à une bataille dans la
localité d'al-Hol mais mon équipe n'a pas été attaquée par des
combattants de l'EI", raconte-t-elle.
Cette bataille était la première où les femmes syriaques étaient
sur le front aux côtés des Unités de protection de la femme kurde.
Elle s'inscrivait dans une campagne des Forces démocratiques
syriennes (FDS) qui a permis la reprise de dizaines de villes et
de fermes aux jihadistes de l'EI, dont la localité d'al-Hol, le 13
novembre.
Regroupant des combattants kurdes, chrétiens et arabes, les FDS
ont été créées il y a deux mois pour combattre les jihadistes dans
le nord-est de la Syrie. Elles sont soutenues par Washington.
Ormia, 18 ans, a elle aussi participé à la bataille d'al-Hol.
"J'étais effrayée par les bruits des canons mais la peur s'est
vite dissipée. J'aimerais tellement être en première ligne dans la
lutte contre les terroristes".
Éviter un nouveau massacre
Les femmes suivent des entraînements militaires, sportifs et
académiques pour résister à la tension des combats et manier les
armes. Ils se tiennent dans un ancien moulin spécialement aménagé
dans la banlieue d'al-Qahtaniyé.
Le bataillon récemment formé a peu d'expérience et ses
responsabilités militaires se limitent principalement à la
protection de localités et de régions à majorité chrétienne dans
la province de Hassaké.
Thabirta Samir occupe "l'un des postes de commandement dans
l'entraînement du bataillon de femmes" et affirme que celui-ci
compte "environ 50 combattantes syriaques jusqu'à présent". "Je
travaillais dans une association culturelle syriaque mais je
ressens maintenant du plaisir dans mes activités militaires",
confie-t-elle.
Elle reconnaît que "des forces étrangères ont supervisé les
entraînements", sans en préciser la nationalité. Des forces
spéciales américaines assistent les FDS dans la région.
Toujours souriante, Ithraa, 18 ans, affirme s'être engagée dans
ces forces il y a quatre mois pour défendre la cause syriaque,
"car nous sommes une communauté opprimée par les autres".
Certaines combattantes citent ce qui est ancré dans leur mémoire
collective comme le massacre de Seyfo, perpétré en 1915 par les
Ottomans contre des dizaines de milliers de syriaques, assyriens
et chaldéens, dans le sud-est de la Turquie et le nord-ouest de
l'Iran.
"Nous voulons éviter que les jihadistes réitèrent un nouveau
massacre à l'instar de celui commis par les Ottomans quand ils ont
tenté d'effacer notre identité chrétienne et syriaque."
Les Syriaques représentent en Syrie 15% des 1 200 000 chrétiens.
Ils craignent de subir le sort des chrétiens d'Irak, victimes
d'exactions des groupes jihadistes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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