Le chef religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr, exécuté samedi en Arabie
saoudite, était un défenseur charismatique de la minorité chiite et un
critique virulent de la dynastie sunnite au pouvoir. Il avait mené en
2011, en plein Printemps arabe, le mouvement de contestation dans l'est
de l'Arabie saoudite, où se concentre la minorité chiite qui se plaint
d'être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite. Le cheikh de
56 ans à la longue barbe grise avait fait des études de théologie en
Iran.
Considéré comme un "instigateur de l'insurrection", il a été arrêté le 8
juillet 2012 et blessé à la jambe en opposant "une résistance aux
forces de sécurité". Son arrestation avait déclenché des affrontements
avec la police dans les villages chiites de l'est du royaume, riche en
pétrole.
Sa condamnation à mort pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au
souverain" et "port d'armes" a été annoncée le 15 octobre 2014 par un
tribunal de Riyad. Dans un entretien téléphonique avec l'Agence
France-Presse, son frère Mohammed al-Nimr l'avait décrit comme "un homme
religieux, humble, qui menait une vie simple qui le rendait attractif
auprès des jeunes". Il a affirmé que son exécution "provoquera(it) la
colère des jeunes" chiites en Arabie saoudite, appelant toutefois à des
"manifestations pacifiques".
Détenu à plusieurs reprises
Selon lui, après le retour de son frère d'Iran en 1994, Nimr était
devenu un "faqih", juriste théologien de l'islam, et jouissait d'une
"position spéciale et distinguée" auprès des chiites en Arabie saoudite.
C'est dans la mosquée Imam Hussein à Awamiya, son village natal, qu'il
tenait ses prêches du vendredi, très politiquement engagés, a-t-il
poursuivi. C'est également dans ce village chiite du royaume que les
attaques et manifestations contre la police sont courantes.
Il a par ailleurs été un court instant détenu à plusieurs reprises entre
2003 et 2008 pour avoir réclamé la remise en liberté d'activistes,
davantage de droits pour la communauté chiite, dont le droit des
enseignants à exercer dans les écoles, selon son site officiel
www.sknemer.com qui est géré par sa famille. Mais c'est en 2009 qu'il a
commencé à énerver sérieusement les autorités en appelant à une
sécession de l'est de l'Arabie saoudite, une région majoritairement
chiite, et de sa fusion avec le royaume proche de Bahreïn.
"Une vengeance personnelle"
Dans un discours en novembre 2011, à la suite de la mort de quatre
chiites dans la province orientale, le cheikh Nimr avait appelé à "la
remise en liberté de tous les détenus au cours de manifestations et de
tous les prisonniers de conscience, sunnites et chiites". Au cours des
funérailles d'un des manifestants de l'époque, il avait assuré : "Nous
sommes déterminés à réclamer nos droits légitimes par des moyens
pacifiques."
Mais, en 2012, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre Nimr
se réjouissant de la mort du ministre de l'Intérieur de l'époque, le
prince héritier Nayef. "Que les vers le mangent", disait-il, critiquant
également les dynasties sunnites régnantes en Arabie saoudite et au
Bahreïn où les autorités ont écrasé en 2011, avec l'aide des troupes
saoudiennes, un mouvement de protestation animé par la majorité chiite.
Père de quatre enfants
Le fils de Nayef, Mohammad ben Nayef, est devenu prince héritier l'an
dernier. "Il est regrettable que le verdict (de sa mise à mort) prenne
davantage des allures de vengeance personnelle" plutôt qu'elle ne soit
basée sur une preuve criminelle, a affirmé à l'Agence France-Presse le
frère du leader chiite exécuté. Nimr "a prononcé des mots qui peuvent
être durs, mais il était le porte-parole d'une opinion. Il aurait pu
être tenu politiquement responsable", mais pas exécuté, a ajouté le
frère.
L'épouse de Nimr étant décédée d'un cancer en 2012, il laisse orphelins
un garçon et trois filles. Ses enfants font leurs études aux États-Unis,
à l'exception de sa plus jeune fille qui vit en Arabie saoudite. Son
neveu, Ali al-Nimr, dont l'arrestation alors qu'il était mineur avait
suscité de vives critiques des défenseurs des droits de l'homme dans le
monde, est actuellement emprisonné et condamné à mort.
(03-01-2016 - Assawra)
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