lundi 6 juillet 2015

Yémen: Les hôpitaux d'Aden débordés se transforment en mouroirs

Débordés par le flot de malades et de blessés d'un conflit qui s'éternise, les hôpitaux d'Aden, la grande ville du sud du Yémen, sont devenus des mouroirs faute de capacité d'accueil et de médicaments.
"Nous sommes en train de mourir lentement sous le regard du monde", se désole un avocat, Abdallah Gahtane, sur son lit de l'hôpital Sadaka où il souffre de la dengue.
"Le médecin m'a prescrit un traitement, mais on ne trouve pas de médicaments", témoigne-t-il.
Comme Abdallah Gahtane, des milliers d'habitants ont attrapé la dengue, une maladie mortelle transmise par les moustiques qui a déjà provoqué 260 morts à Aden ces dernières semaines, selon des sources médicales.
A Aden, elle fait partie de maladies en forte progression, comme le paludisme ou la typhoïde, en raison de la dégradation des conditions d'hygiène provoquée par les violents combats opposant les rebelles chiites venus du nord aux "résistants" de l'ancienne capitale du Yémen du sud.
La situation sanitaire s'est encore dégradée depuis le lancement, le 26 mars, de la campagne aérienne menée par l'Arabie saoudite. Tant et si bien que l'ONU a récemment décrété son niveau d'urgence humanitaire le plus élevé pour le Yémen, où les combats ont fait, selon l'organisation, 2.800 morts -dont 1.400 civils- et 13.000 blessés entre fin mars et fin juin.
La situation catastrophique à Aden a été illustrée par la mort récente de deux patients souffrant d'insuffisance rénale dans l'unité de dialyse de l'hôpital Sadaka ("Amitié", en arabe) qui a cessé de fonctionner cinq jours en raison d'une pénurie de médicaments.
"J'aurai préféré mourir", glisse entre deux sanglots, Saoud Saleh Qaëd, une mère de famille de 56 ans fauchée par un obus de mortier et amputée des deux jambes.
C'est en allant chercher de l'eau dans son quartier de Dar Saad, dans le nord de la ville, que cette femme a été touchée. Elle estime avoir de la chance d'avoir été admise dans l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF).
Mais, faute de chambre disponible, elle patiente depuis des heures d'être prise en charge au milieu d'autres patientes installées dans les couloirs.
Dans cet hôpital géré par l'ONG internationale, Oum Mohammed veille sur sa fille Houyam, 9 ans, touchée par des éclats d'une roquette Katioucha et ne cache pas son admiration pour le personnel.
"C'est admirable de voir ces étrangers venir nous soigner alors que nous ne faisons que nous entretuer".
MSF a récemment indiqué avoir traité plus de 4.000 blessés par les combats sur ses sept sites au Yémen, dont 2.400 à Aden. L'ONG a également réussi à faire entrer plus de 100 tonnes de matériel malgré les conditions très dangereuses.
Tous les hôpitaux publics d'Aden sont confrontés aux mêmes problèmes de pénuries de médicaments, de coupures de courant et de manque de place.
L'hôpital du 22 mai dans le quartier Mansoura, sous le contrôle des combattants anti-Houthis, n'accueille ainsi plus les blessés légers, faute de place.
Adnane Zamki se désole ainsi de n'avoir pas pu faire admettre son frère, blessé par des éclats de bombe, dans cet établissement comme dans plusieurs autres. "Il ne reste plus qu'à aller à l'hôpital de campagne du Croissant-rouge".
Quelque 5.000 blessés auraient besoin d'être évacués pour recevoir des soins à l'étranger, selon Mouhib Obbad, membre d'un organisme de secours d'Aden.
Il implore la coalition anti-Houthis menée par Ryad de "réagir face à la situation" des hôpitaux de sa ville.
Présent à Sanaa depuis dimanche, l'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Ismaïl Ould Cheidkh Ahmed, tente de convaincre les belligérants de s'entendre sur une trêve en mettant en avant une "crise humanitaire qui prend des proportions catastrophiques".
Selon l'ONU, plus de 21,1 millions de Yéménites ont désormais besoin d'assistance humanitaire --soit 80% de la population--, 13 millions d'entre eux souffrent de pénurie alimentaire et 9,4 millions ont un accès réduit à l'eau.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire