Il y a des journées qui rappellent le passé. Reçu dans son palais par le
président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, trimballé
dans un convoi entouré des forces de sécurité, attendu par des dizaines
de journalistes devant le palais du Bardo, Nicolas Sarkozy a regoûté au
rythme trépidant des voyages officiels, lundi 20 juillet.
Lors de ce déplacement de 36 heures en Tunisie, l’ancien chef de l’Etat a
apporté son soutien à ce pays marqué par les attentats djihadistes au
musée du Bardo, le 18 mars, et à Sousse, le 26 juin. « J’entends
certains pointer du doigt le fait qu’il est dangereux de se rendre en
Tunisie, mais le terrorisme peut frapper partout », a déclaré M.
Sarkozy.
Suivis par le Danemark et la Finlande, le Royaume-Uni et la Belgique,
les deux pays qui ont payé le plus lourd tribut lors de la tuerie de
Sousse, viennent de déconseiller à leurs ressortissants de voyager en
Tunisie, un pays qui accueillait avant les attentats près de 900 000
touristes français par an. L’économie tunisienne est déjà durement
touchée puisque le ministère du tourisme a révélé que les entrées
touristiques avaient baissé de 57,7 % entre les 1er au 10 juillet par
rapport à la même période l’année dernière. « Le seul printemps arabe
réussi, c’est celui de la Tunisie », a insisté M. Sarkozy après sa
rencontre d’une heure avec le président tunisien.
L’ancien chef de l’Etat s’est ensuite rendu au musée du Bardo pour
déposer une gerbe devant une stèle recensant les noms des 24 victimes du
mois de mars. « Ici, c’est l’illustration de la guerre des barbares
contre la civilisation », a confié l’ancien président de la République
lors d’une visite. Dans certaines salles remplies de mosaïques datant de
l’époque romaine, on peut encore apercevoir des impacts de balles dans
des vitrines. « C’est très émouvant. Monter cet escalier où des
malheureux touristes ont été assassinés, ce n’est pas la même chose que
de le lire dans un article de presse ou de le regarder à la télévision
», s’est confié le président du parti Les Républicains.
Avec Nicolas Sarkozy, la politique française n’est jamais loin. Devant
quelques journalistes français puis devant de nombreux médias tunisiens,
l’ancien président de la République est revenu sur la situation de la
Libye. En 2011, M. Sarkozy avait pris la tête d’une coalition qui avait
permis la chute de Mouammar Kadhafi. Depuis, ce pays qui partage 500
kilomètres de frontière avec la Tunisie est en plein chaos. Mais M.
Sarkozy en rejette la faute sur la communauté internationale et
implicitement sur François Hollande.
« Depuis trois ans, la Libye a été abandonnée. Aujourd’hui, c’est un
pays à la dérive », a-t-il estimé avant de rappeler l’importance de
l’Union pour la Méditerranée, fondée sous son quinquennat, le 13 juillet
2008, et qu’il estime délaissée par son successeur : « Il faut
mobiliser les moyens économiques pour permettre à la démocratie
tunisienne de s’installer dans la paix car il n’y a pas de différence
entre l’enjeu sécuritaire et l’enjeu économique. C’est l’alliance entre
les pays du nord et du sud de la Méditerranée qui permettra de
développer les conditions de développement. »
M. Sarkozy a l’habitude de critiquer la diplomatie française : lors d’un
voyage en Israël, le 8 juin, il avait notamment jugé « dangereux » un
projet de résolution sur le conflit israélo-palestinien que Laurent
Fabius entend soumettre au Conseil de sécurité avant la fin de l’année.
Entre deux poignées de mains et des bises, l’ancien président a reçu un
accueil chaleureux lors d’une balade dans le souk de la médina de Tunis
où les commerçants l’appelaient par son nom. « Vous êtes chez toi en
Tunisie, Sarkozy », lui a lancé un commerçant. Pourtant, son arrivée
avait été critiquée par une partie de la presse tunisienne, notamment
dans une tribune du caricaturiste Lofti Ben Sassi qui décrivait la
semaine dernière « Bernard-Henry Lévy bombant le torse à Tripoli ». Lors
des premières semaines de la révolution tunisienne de 2010-2011, la
ministre de la défense de M. Sarkozy, Michèle Alliot-Marie avait proposé
d’aider la police tunisienne de Zine el-Abidine ben Ali. Mais aucun
accroc n’a pour le moment perturbé sa visite. Et les autorités
tunisiennes ont soigné leur hôte. Pas moins de quatre ministres ont
ainsi déjeuné avec lui.
M. Sarkozy et le président tunisien Béji Caïd Essebsi entretiennent de
bonnes relations. Lors du voyage d’Etat de M. Essebsi en France, en
avril, ils s’étaient rencontrés dans un hôtel parisien et le chef de
l’Etat tunisien avait insisté pour que l’ancien président se rende dans
son pays.
(20-07-2015
- Matthieu Goar, Le Monde)
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