L'attentat sanglant ayant frappé lundi la Turquie et portant la marque
du groupe Etat islamique (EI) pourrait être le signe précurseur de plus
d'attaques dans ce pays et pousser Ankara à s'impliquer dans la lutte
antijihadistes en Syrie voisine, selon les experts.
Au moins 32 personnes ont été tuées lorsqu'un kamikaze présumé de l'EI
s'est fait exploser à un rassemblement de jeunes proches de la cause
kurde dans la ville turque de Suruç, près de la frontière de la Syrie en
guerre depuis plus de quatre ans.
"Jusqu'à présent, et même sans revendication de l'EI, ce groupe est
l'auteur le plus probable de l'attentat", affirme à l'AFP Charles
Lister, analyste au Brookings Doha Centre.
"Pour le moment, tout semble pointer du doigt l'EI: la manière
d'attaquer, la cible spécifique et les implications politiques de
l'attentat", ajoute-t-il.
L'EI a été rapidement désigné comme coupable par Ankara qui, pour la
première fois, a accusé directement l'organisation ultraradicale de
perpétrer un acte terroriste sur son sol.
Les jeunes victimes rassemblées dans le centre culturel de Suruç
préparaient une mission d'aide à Kobané, ville syrienne frontalière
devenue un symbole de la lutte antijihadistes après que les combattants
de l'EI en ont été chassés par les miliciens kurdes syriens en janvier.
Depuis ce succès, les kurdes syriens sont parvenus à grignoter
progressivement le territoire contrôlé par l'EI, notamment avec l'appui
des frappes de la coalition internationale dirigée par Washington
commencées en septembre. Mais l'EI a lancé une contre-offensive,
attaquant de nouveau Kobané, Hassaké et Qamichli (nord).
Pour les analystes, l'attentat pourrait renforcer la volonté d'Ankara de
combattre en territoire syrien l'organisation jihadiste qui contrôle de
larges pans de territoires en Syrie mais aussi en Irak, pays également
voisin de la Turquie.
"Cela va encourager la Turquie à s'impliquer plus dans la lutte anti-EI,
avec la possibilité d'envoi de troupes au sol", d'après Max Abrahms, un
expert du "terrorisme" et professeur à la Northeastern University aux
Etats-Unis.
M. Abrahms estime que les rafles des forces de sécurité durant
lesquelles des dizaines de membres et partisans de l'EI en Turquie ont
été arrêtées sont des "mesures sérieuses même si elles sont tardives".
"Le fait que ces mesures aient été suivies d'une attaque présumée de
l'EI contre la Turquie n'est pas du tout surprenant", selon lui.
Selon M. Lister, le risque est qu'il y ait davantage d'attaques sur le
sol turc. "La véritable inquiétude est que cet attentat pourrait être le
déclencheur d'attaques plus fréquentes et d'incidents similaires".
Ces dernières années, la Turquie a été vivement critiquée d'avoir fermé
l??il sur l'utilisation par l'EI de sa frontière pour faire passer
combattants et armes en Syrie.
- Une attaque 'contre les kurdes' -
Le principal objectif d'Ankara dans le conflit syrien a été dès le
départ l'éviction du pouvoir du tyran Bashar al-Assad et
l'endiguement des groupes pro-kurdes en Turquie.
Celle-ci a exprimé à plusieurs reprises sa crainte de voir émerger en
Syrie une région autonome tenue par les milices kurdes proches du Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène la rébellion sur son sol
depuis 1984 et classé "organisation terroriste".
La Turquie a même été alarmée par la montée en puissance des miliciens
kurdes de Syrie, ne cachant pas sa déception face à leurs victoires
contre l'EI.
Aaron Stein, analyste auprès de l'Atlantic Council, voit dans l'attentat
un "débordement de la bataille entre les Kurdes et l'EI" en Syrie. "Il
s'agirait plus d'une attaque contre des Kurdes (turcs) soutenant la
cause de Kobané" plutôt qu'une attaque contre la Turquie.
"Nous constatons une recrudescence de la violence contre les Kurdes en Turquie", dit-il.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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