Quelques heures après la libération de Sheikh Khodr Adnan, les autorités
ennemies l’ont arrêté au cœur d’al-Quds. Alors que la nouvelle de son
arrestation se propageait, des voix palestiniennes se sont élevées pour
critiquer ce pas, pendant que d’autres s’élevaient pour critiquer son
interview accordée à la presse « israélienne ». Depuis ce jour, les
nouvelles de Adnan ont disparu, son état de santé s’est détérioré, et il
a été transféré plus d’une fois à l’hôpital. Les rapports « israéliens »
disent qu’il vit ses derniers jours, en conséquence de la grève de la
faim menée sans support de vitamines et sans examens médicaux, pendant
54 jours. Et la knesset « israélienne » vient d’approuver la loi sur
l’alimentation forcée des prisonniers grévistes de la faim.
Qu’est-ce qui a changé au cours de ta deuxième grève de la faim ?
Cette expérience nous a fait acquérir, à nous Palestiniens, une nouvelle
victoire sur l’occupant et le geôlier « israélien », et a suscité une
nouvelle vigueur à notre peuple et sa résistance. Elle a convaincu
beaucoup qu’il est possible, et même nécessaire de vaincre l’occupant et
le briser. Beaucoup ne s’attendaient pas à ce que je sorte de prison,
mais j’ai été libéré, par la grâce et la puissance de Dieu. Il est vrai
que la précédente grève (2012) a été accompagnée par une mobilisation
populaire et médiatique plus importante, mais la valeur de cette
victoire est plus grande.
Au cours de cette grève, la solidarité des Palestiniens de l’intérieur
occupé (en 48) et al-Quds a été remarquable. Ceci est probablement dû à
l’état de division politique, mais je dois beaucoup à notre peuple dans
al-Quds et l’intérieur. Sa voix m’est parvenue. Ils étaient (les
Maqdissis et les Palestiniens de 48) à deux mètres de mon lit, et ont
essayé d’ouvrir les fenêtres de ma chambre.
Est-ce cela la raison de ta victoire ?
Oui, Les Maqdissis et les Palestiniens de l’intérieur ont introduit la
peur dans le cœur du geôlier, avec leurs slogans, comme les
déclarations de dr. Ramadan Abdallah (secrétaire général du mouvement du
Jihad islamique) ont introduit la peur dans le cœur de la direction «
israélienne », qui a bougé « le dôme de fer » craignant la réaction de
la résistance si je tombais martyr. L’occupant n’a pas réalisé que Khodr
Adnan pouvait revenir à la grève. Certains geôliers et les dirigeants
sécuritaires et des renseignements disaient aux prisonniers qu’ils
attendaient l’instant où Khodr Adnan reprendrait la grève. Ils disaient
que Khodr commencerait la grève mais ne la terminerait pas, la grève se
terminerait par son martyre, puis les grèves de la faim s’arrêteraient.
Mais je suis sorti vivant et victorieux.
A ton avis, pourquoi la mobilisation populaire et officielle a reculé ?
Personnellement, je souhaitais au cours de ma grève que personne ne soit
atteint, ni par une arrestation ni par un martyre. Je suppliais Dieu
qu’Il allège mon fardeau, car dans les grèves précédentes, j’ai senti
que certains voulaient me faire payer leur attitude solidaire. De plus,
dans les grèves précédentes, le président palestinien et le premier
ministre avaient accueilli la famille, mais cette fois-ci, cela n’a pas
eu lieu ni au cours de la grève, ni après. En réalité, je ne comprends
pas pourquoi est-ce ainsi, si nous sommes politiquement divergents !
J’ai mené la grève de la faim pour la liberté et la dignité, et c’est
une grève pour tous les Palestiniens.
Comment perçois-tu l’avenir de la grève de la faim en tant que moyen de pression ?
Je souhaite que le bénéfice soit partagé par les prisonniers, qu’ils
mobilisent plus leur moral et notamment après le recul des pas
collectifs dans les prisons. Je n’aime pas mener une grève tout seul,
mais le mouvement des prisonniers n’a plus mené des grèves collectives
depuis 2004, et même en 2012, ce ne sont pas tous les prisonniers qui
ont lutté, à cause de la division et l’influence des partis. Il est
important que les gens sachent que les prisonniers ne veulent pas
seulement de l’argent, mais une protection sociale qui comble le vide
lors de l’absence du prisonnier, ou même du martyr, loin de sa famille.
Je refuse que le prisonnier demeure une icône, de laquelle on parle
seulement, car il doit être libéré.
Quelle était la position de la famille ? Sa crainte de ton martyre a-t-elle influé sur la grève ?
Ma famille a compris le pas de la grève. J’ai fait mon possible pour les
convaincre encore plus, car cette fois-ci, je n’ai pas entamé la grève
dès le début de mon arrestation, mais après 9 mois d’emprisonnement.
J’ai reporté la grève pour prouver à tous que si je ne menais pas la
grève, je ne serais pas libéré. Pendant neuf mois, qui a agi pour me
libérer ? Au début, j’ai mené une grève de la faim de sept jours, pour
alerter. Et après le troisième renouvellement, j’ai entamé la grève,
malgré ma conviction et les mises en garde des prisonniers que
l’occupant m’emmènerait là où il le désire. Les instructeurs disaient :
Khodr Adnan a gagné une fois, et nous l’attendons s’il essaie une fois
encore, il ne vaincra pas.
As-tu pensé, en ton for intérieur, qu’il fallait arrêter ou reculer ?
J’étais certain, dès le début, que celui qui envisage ce pas ne peut
reculer, même s’il devenait martyr. Au contraire, je souhaite que les
prisonniers soient libérés, sans faim ni douleur, et ceux qui affirment
qu’ils sont contre la grève de la faim, qu’ils agissent pour libérer les
prisonniers, de manière à éviter la grève, s’ils le peuvent.
Crains-tu une nouvelle arrestation ?
Nous sommes sous occupation. Nous l’étions et le sommes toujours.
Evidemment, car dans ma grève, je ne réclamais pas le statut de VIP de
la part d’ « Israël », la protection populaire et des libres de ce monde
suffit. C’est cela qui rend l’occupant anxieux si une photo de Khodr
Adnan circule, alors qu’il est menotté et attaché au pied gauche, selon
la méthode appelée « attaché en croix ». L’individu qui mène une grève
est affaibli, malade, mais il est attaché sur son lit, dans les
toilettes, et même au cours de la prière.
De nombreuses critiques t’ont été adressées pour avoir visité al-Quds, disant que tu cherchais la popularité..
Ceci a été une critique issue d’une voix qui n’a aucune valeur auprès
des Palestiniens, et d’une personnalité qui ne représente pas le Fateh,
et s’il l’avait représenté, je répondrais au Fateh à ce moment. Si
j’avais recherché la popularité, je ne serais pas entré seul, et
déguisé. Ce n’était pas par crainte de l’occupant, mais afin que
personne ne me voit, parmi les Maqdissis, et qu’il n’y ait pas de remous
à l’extérieur d’al-Aqsa ou des affrontements, qui briseraient la
sérénité de « la Nuit du Destin ». Je suis entré déguisé, pour arriver
calmement et tranquillement à al-Aqsa, pour rencontrer les maqdissis et
les Palestiniens de Cisjordanie, qui s’y trouvaient, pour leur parler
des prisonniers et des malades.
Avant d’arriver à la mosquée, je suis entré dans quatre maisons, celle
de l’avocat Jawad Boulos, du martyr Mohammad Abu Khdayr, des prisonniers
Issawi et Muslimani, sans les prévenir à l’avance, tout comme je n’ai
pas contacté les médias dans ces maisons pour y prendre des photos. Je
ne cherche pas un poste dans le cadre de l’occupation, qui nous écrase
tous. Si une personne s’imagine pouvoir obtenir un passeport
diplomatique ou autre chose, tout cela ne vaut pas le sang des martyrs
et la souffrance des prisonniers.
Lorsque je suis entré dans al-Quds, la porte-parole de la police de
l’occupation m’a attaqué et dit : Khodr est un terroriste et du Jihad
islamique, il est interdit d’entrer dans al-Quds. Mais elle est aussi
lâche que son gouvernement, elle a tout de suite émis un communiqué aux
médias disant que Adnan serait libéré quelques heures après, pour ne pas
susciter des réactions.
Tu prévoyais d’être arrêté dans al-Quds et tu as pris le risque ?
La menace est arrivée à ma famille par l’intermédiaire du poste
militaire de l’occupation en Cisjordanie, rapportée par une personnaité
officielle palestinienne à des proches, et tous m’ont mis en garde
contre une arrestation. Ils ont juste arrêté une partie de moi, mon
épouse était dans al-Aqsa et a célébré « La Nuit du Destin », bien
qu’elle ait su que j’ai été arrêté aux portes de la mosquée. De toute
façon, j’ai prié et célébré la Nuit du destin, dans al-Quds, en prison.
J’ai mené une grève de la faim de quatre heures et demi, la plus courte
grève que j’ai menée jusque là.
Il faut cependant savoir que ceux qui m’ont fait entrer dans al-Quds, ce
ne sont pas des membres du Jihad islamique, mais de la gauche et du
Fateh. Je suis entré calmement, je n’ai pas grimpé sur le mur. Je ne
dirai pas comment je suis entré, mais il y a une faille sécuritaire chez
l’occupant. Cela ne fut pas difficile. Et je dis à tous les
Palestiniens en Cisjordanie : ne prenez pas des autorisations de
l’occupant pour entrer dans al-Quds, il y a d’autres moyens. Là où mes
jambes me porteront, j’irai librement et si je peux arriver à Ras
an-Naqura (extrême nord du pays, à la frontière avec le Liban), j’y
entrerai.
De même, des critiques t’ont été adressées à cause de l’interview accordée à la presse « israélienne »
J’étais d’abord hésitant, sur cette interview avec les médias «
israéliens ». Mais après la première grève, j’ai consulté un « cher
frère », de ceux qui ont retenu le Livre d’Allah, je ne citerai pas son
nom afin qu’il ne soit pas ciblé, et de ceux en qui j’ai confiance et
qui a passé deux décennies en prison. Il m’avait dit que si j’étais sûr
de mes pas, il faut y aller, et si je savais que cela servirait notre
cause, de le faire.
Je suis sceptique quant à la relation avec la presse « israélienne »,
j’emprunte un langage fort à tout moment et je sais que même si elle
censure des passages, elle ne changera pas mes paroles. C’est moi-même
qui donne les réponses. On me pose des questions sur l’est, et je
réponds sur l’ouest. Malgré cela, je n’approuve pas l’ouverture des
portes, c’est tout de même le média de l’ennemi, mais il parvient aux
prisonniers dans les prisons. Quant à ceux qui souhaitent que Khodr
Adnan ne rencontre pas la presse « israélienne », qu’il vienne me
rencontrer et qu’il fasse parvenir ma voix, et notamment dans les médias
arabes.
Que réponds-tu à ce qui a été publié dans la presse « israélienne », que tu vivrais tes derniers jours ?
Ces paroles sont graves, et réclament que les Palestiniens s’y
attardent. C’est probablement pour préparer la rue à propos de quelque
chose qui arriverait à Khodr Adnan, quelque chose qu’ils sont en train
de préparer dans les coulisses. Ils ont peut-être fait quelque chose sur
le plan médical et ils attendent les résultats. Ils veulent également
faire passer un message aux prisonniers pour les empêcher de faire comme
Khodr, et ils veulent masquer les traces de leur défaite. Il n’est pas
étonnant que ceux qui ont tué Yasser Arafat, les dirigeants et les fils
de notre peuple, fassent de même contre moi.
Mon message à ceux qui se sont solidarisés avec ma lutte et à la
jeunesse arabe : l’occident porte la responsabilité de ce qui se passe
en Palestine. Il ouvre les portes aux jeunes musulmans pour qu’ils
arrivent à tous les pays, sauf en Palestine, pour qu’ils tuent et soient
tués, et élargir ces mares de sang. C’est de la Palestine que les
défauts sont découverts. Ceux qui se dirigent vers la Palestine,
s’élèveront, mais quiconque tourne le dos à la Palestine, perdront. Nous
avons été influencés par ce qui s’appelle « printemps arabe ». Voyez
nos préoccupations et notre blessure en Palestine. Etes-vous proches de
nous ou bien lointains ?
Interview réalisée par Amoun Sheikh, pour al-Akhbar
Vendedi, 31 juillet 2015
"Baladi"
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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