Égypte/ Palestine : Daech mène une guerre ouverte dans le Sinaï et affiche son hostilité envers le Hamas. (Luc Mathieu)
Jamais l’Etat islamique n’avait commis une attaque aussi longue,
impliquant autant de combattants et d’armements dans le Sinaï. Mercredi,
après huit heures d’affrontements, d’explosions de voitures piégées, de
tirs de roquettes et de missiles anti-chars, les jihadistes d’Ansar
Beït al-Maqdess, la branche de Daech dans la région, se sont retirés
d’Al-Arich, chef-lieu du Nord Sinaï, et de Cheikh Zouweid. Au moins 70
soldats et civils ont été tués, selon des responsables de la santé et de
la sécurité. L’armée a indiqué avoir abattu 100 jihadistes.
Ce bilan prouve que Daech, qui menait une guérilla faite d’embuscades et
d’attaques contre des barrages ou des convois militaires, est passé à
une guerre ouverte en Egypte. «L’EI est dans une stratégie de long
terme. Ils misent sur l’affaiblissement de l’Etat et une crise
économique, inévitable, pour s’emparer de nouvelles villes», explique
Romain Caillet, chercheur et consultant sur les questions islamistes.
Le Sinaï est depuis longtemps un territoire qui attire les jihadistes.
Majoritairement bédouine, la population a été discriminée, privée des
postes dans l'administration et l'armée durant le régime d'Hosni
Moubarak, au pouvoir entre 1981 et 2011. Elle se méfie aujourd'hui de la
politique ultra-sécuritaire du président Abdel Fattah al-Sissi.
Le Sinaï est d’autant plus une cible pour l’EI qu’il est frontalier
d’Israël. Dans une vidéo diffusée mardi, un jihadiste promettait de
«déraciner l’Etat des juifs». Dès son apparition, en 2011, Ansar Beït
al-Maqdess s’était fait connaître en tirant des roquettes sur le
territoire hébreu.
Le groupe tente également de s’implanter à Gaza, relié à l’Egypte par le
poste-frontière de Rafah. Dans la même vidéo de mardi, il a
officiellement déclaré la guerre au Hamas, qui contrôle le territoire
palestinien depuis 2007, et à l’Autorité palestinienne, qui gouverne la
Cisjordanie. L’EI affirme vouloir appliquer la charia à Gaza.
Les relations entre les deux groupes ont toujours été mauvaises, Daech
considérant le Hamas comme «apostat». Leurs combattants se sont même
affrontés dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, en Syrie, où
Daech a attaqué début avril une milice locale liée au Hamas, Aknaf Beif
al-Maqdas. S'ils ont annoncé plusieurs fois s'être retirés, les
jihadistes contrôlent toujours la majorité du camp.
Leurs chances à Gaza paraissent toutefois infimes. Le Hamas, même
affaibli par l’opération israélienne de l’été 2014 et la destruction de
la quasi-totalité de tunnels qui reliaient Gaza à l’Egypte, contrôle
encore très largement l’enclave palestinienne. Il a en outre l’habitude
de gérer des groupuscules jihadistes, les laissant opérer jusqu’à ce
qu’ils deviennent gênants. Le Hamas a arrêté des dizaines de salafistes
ces dernières semaines et tué l’un de leurs responsables. «La seule
chance de l’EI à Gaza serait qu’une intervention israélienne démantèle
le Hamas», poursuit Romain Caillet.
Pour l’heure, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Selon plusieurs
médias du Proche Orient, Israël et le Hamas auraient ouvert des
négociations sur la mise en place d’un cessez-le-feu durable en échange
de l’ouverture d’un port dans la bande de Gaza.
(02-07-2015
- Luc MATHIEU)
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