Abdel Fattah al-Sissi, ex-chef de l’armée égyptienne et favori pour
l’élection présidentielle, s’est montré intransigeant à l’occasion de sa
première interview télévisée, se présentant comme le rempart absolu
contre les islamistes qu’il a chassés du pouvoir.
Le maréchal à la retraite, véritable homme fort de l’Egypte depuis qu’il
a annoncé l’arrestation du président islamiste Mohamed Morsi le 3
juillet, est assuré de remporter la présidentielle prévue les 26 et 27
mai selon les experts, tant sa popularité est grande. Et également parce
qu’un seul autre candidat ose l’affronter.
Lundi, dans sa première interview depuis l’annonce officielle de sa
candidature il y a deux mois, M. Sissi est apparu intransigeant.
Il n’a fait aucune allusion aux critiques dont il fait l’objet pour
avoir renversé le premier président démocratiquement élu d’Egypte, pour
la terrible répression de ses partisans ou encore les mesures adoptées
pour empêcher toute manifestation de l’opposition, notamment une loi
très controversée rendant quasiment impossible toute manifestation dans
le pays.
Au contraire, M. Sissi a adopté une ligne dure affirmant notamment que
s’il est élu il n’y aurait "pas" en Egypte de Frères musulmans, la
confrérie de M. Morsi.
"Il n’y aura rien qui ressemble aux Frères musulmans sous votre
présidence ?", a demandé une journaliste. "Oui, c’est cela", a rétorqué
fermement M. Sissi.
"Il a choisi d’opter pour une ligne dure en évacuant toute possibilité
de réconciliation avec les Frères musulmans", souligne James Dorsey,
spécialiste du Moyen-Orient à la Rajaratinam School of International
Studies de Singapour.
Le gouvernement intérimaire que M. Sissi a installé dès le 3 juillet
mène depuis une implacable et sanglante répression contre les partisans
de M. Morsi et contre les Frères musulmans, qui avaient remporté toutes
les élections depuis la chute de Hosni Moubarak en 2011 et dont tous les
leaders ou presque sont désormais en prison.
Depuis plusieurs mois, les mouvements de gauche et laïcs, dont celui du
6-Avril, principal groupe de la jeunesse qui a mené la révolte ayant
conduit à la chute du président Moubarak, sont également dans le viseur
des autorités.
Le mouvement du 6-Avril a été récemment interdit, et le seul opposant de
M. Sissi, Hamdeen Sabbahi, s’est dit inquiet d’un retour aux méthodes
de Moubarak.
Mais M. Sissi a défendu ces mesures, jouant notamment sur la lassitude
des Egyptiens face à l’instabilité dans laquelle est plongé leur pays
depuis 3 ans. Et il est vu comme celui qui saura rétablir la sécurité .
"Nous ne parviendrons pas à relever les défis de l’Egypte dans ce chaos.
Et l’une des façons (de mettre fin au chaos), c’est la loi
anti-manifestation", a-t-il déclaré lundi.
En réitérant sa détermination à éliminer les Frères musulmans du paysage
politique, M. Sissi "veut consolider sa base, et non convaincre
l’opposition", explique Nevine Massaad, professeur de Science politique à
l’Université du Caire.
"Ce qu’il dit, c’est +prenez moi comme je suis, ou ne me prenez pas+. Et
il ne gagnera aucun opposant à sa cause en insistant sur le fait qu’il
fera tout pour rétablir la sécurité."
Depuis le 3 juillet, policiers et soldats ont tué plus de 1400
manifestants pro-Morsi —dont plus de 700 en une seule journée au Caire
le 14 août— et emprisonné plus de 15.000 de ses partisans, selon les
organisations de défense des droits de l’Homme.
Des tribunaux ont condamné à mort des centaines d’entre eux après une
seule journée d’audience dans des "procès de masse sans précédent dans
l’Histoire récente", selon l’ONU.
Pour Moustapha Kamal al-Sayyed, également professeur de Science
politique à l’Université du Caire, les déclarations de M. Sissi sont la
preuve qu’il est "résolu" à tout faire pour que la sécurité revienne en
Egypte, permettant de redémarrer l’économie, fragilisée par la chute du
tourisme et des investissements.
"Toutes les mesures adoptées depuis le 3 juillet vont perdurer. Rien ne
va changer. Ce qu’on a vu hier (lundi), c’est un chef fort, qui sait ce
qu’il veut, et fera tout pour l’avoir", estime le politologue.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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