Le pape François veut relancer le dialogue inter-religieux et la
réconciliation entre Églises d’Orient, lors de son premier voyage en
Terre Sainte pour tenter de désactiver les mèches d’un conflit régional
multiforme qui ne cesse de dégénérer.
Sur fond de guerre atroce en Syrie, d’impasse du processus de paix
palestino-israélien et de poussée islamiste au Moyen-Orient, c’est un
dédale d’intérêts divergents que Jorge Bergoglio, populaire dans les
communautés musulmane, juive et chrétienne, parcourra à Amman, Bethléem,
Jérusalem, du 24 au 26 mai. Annoncé par le Vatican comme "pèlerinage",
ce voyage sera forcément aussi politique.
Pas moins de 14 discours, deux bains de foule à Bethléem et Amman... Le
pape multipliera les cérémonies dans des lieux chargés de symbole :
Jourdain, où selon la tradition, le Christ fut baptisé ; basilique de la
Nativité à Bethléem ; Saint-Sépulcre ; Esplanade des mosquées ; Mur des
Lamentations ; Mémorial du Yad Vashem et enfin Cénacle à Jérusalem. Il
rencontrera des réfugiés palestiniens et syriens. Beaucoup attendent des
gestes novateurs de ce pape qui sait surprendre.
C’est rejoint par un rabbin et un professeur musulman, Abraham Skorka et
Omar Abbud, vieux amis de Buenos Aires, que le pape argentin se rendra
dans le berceau du christianisme : le dialogue inter-religieux, selon
ce pape, peut rapprocher les camps politiques irréconciliables et
démontrer que la religion n’est pas un facteur de haine.
L’unité entre chrétiens d’Orient (catholiques et orthodoxes), affaiblis
par leurs divisions jusqu’en Ukraine, est l’autre point fort de ce
quatrième voyage d’un pape en Terre Sainte : François a choisi le 50e
anniversaire de l’accolade à Jérusalem de Paul VI et du patriarche de
Constantinople, Athenagoras. François y retrouvera son successeur,
Bartholomée, "primus inter pares" parmi les patriarches orthodoxes. Ils
se verront à quatre reprises.
"François traversera les frontières, rendant visite à trois réalités
politiques. Il s’adressera à tous pour qu’ils ouvrent leur imaginaire
dans une région marquée par les refus mutuels", analyse pour l’AFP le
jésuite David Neuhaus.
"Ce sera difficile de rester aimé par tous" quand il "dira certaines
vérités", prédit ce responsable de la petite communauté catholique
hébraïque d’Israël. D’autant que François a tranché pour un voyage
court, faisant l’impasse sur les chrétiens arabes de Galilée.
"Le geste politique de ce pape, c’est de venir en pèlerin" sur un lieu
fondateur des monothéismes, non seulement en chef catholique ou en
leader politique qu’il n’est pas, analyse Mgr Pascal Gollnisch,
directeur-général de l’Oeuvre d’Orient.
L’étape d’Amman sera la plus simple. Le Royaume hachémite défend la
présence minoritaire chrétienne au Proche-Orient. Il verra le roi, dira
une messe au stade et rencontrera 600 handicapés et réfugiés, beaucoup
venus de Syrie. Moment d’évoquer la fuite des chrétiens d’Orient, et
prier pour la réconciliation en Syrie, ainsi que pour le Liban et l’Irak
fragilisés.
A Bethléem, après avoir été reçu par Mahmud Abbas, une voiture
découverte le mènera sur la place de la Mangeoire pour la plus grande
messe de son voyage. Il priera à la Grotte de la Nativité, entre un
sobre déjeuner avec des familles pauvres et une étape au camp de
réfugiés palestiniens de Dheisheh, marques de son attention aux
souffrances palestiniennes.
Dès le soir, à Jérusalem, il retrouvera les patriarches catholiques et
orthodoxes à la basilique du Saint-Sépulcre, qui abrite selon la
tradition le tombeau du Christ, pour une prière commune sans précédent
dans ce lieu.
La dernière journée, sans bains de foule, sera la plus délicate. Il se
rendra sur l’Esplanade des mosquées, visitant le Dôme du Rocher et le
Grand Conseil des musulmans.
Dans la foulée, il ira au Mur des lamentations où il déposera comme ses
deux prédécesseurs un message. Au cimetière national du Mont Herzl (du
nom du fondateur du sionisme Theodor Herzl) -une première inédite pour
un pape—, il déposera une couronne de fleurs. Suivra un temps de
recueillement au mémorial de l’Holocauste, le Yad Vashem.
Le pape aura de brèves entrevues avec le président Shimon Peres et le
Premier ministre Benjamin Netanyahu, au moment où les laborieuses
négociations entre le Saint-Siège et Israël pour parvenir à un accord
sur le régime fiscal et immobilier des biens des congrégations
catholiques semblent avoir avancé.
Une messe au Cénacle, lieu du dernier repas du Christ, conclura le
voyage, sur un site qui abrite aussi la Tombe du Roi David. Étape
sensible qui risque de susciter la colère de jeunes juifs religieux
nationalistes qui ont perpétré récemment des actes de vandalisme
anti-chrétiens.
Autre difficulté : la présence annoncée à Jérusalem du patriarche
maronite libanais Bechara Raï —qui ne fera pas partie de la délégation
papale— a suscité le mécontentement du Hezbollah. Israël est encore
officiellement en guerre avec le Liban.
Tout comme l’été dernier à Rio, le pape n’aura pas de papa-mobile
blindée. Il évitera aussi les cérémonies protocolaires. "Partout, a
confié Mgr Gollnisch, il a voulu des repas sobres, demandé à être reçu
dans la pauvreté, à n’être pas servi à table, et à éviter toutes les
mondanités".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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