Le Conseil de sécurité de l’ONU doit voter jeudi sur une proposition
française de saisir la Cour pénale internationale (CPI) des crimes
commis en Syrie, mais des diplomates s’attendent à un nouveau veto de la
Russie et de la Chine.
Il s’agira du quatrième blocage par les deux pays de résolutions
occidentales depuis le début de la crise en Syrie il y a trois ans.
Le projet de résolution français a été "mis en bleu", ce qui signifie
dans le jargon onusien que le texte est figé en vue d’un vote. Celui-ci
n’interviendra que la semaine prochaine, dans l’attente d’autres
parrainages du texte.
La mission luxembourgeoise auprès de l’ONU, qui co-parraine la résolution, a précisé que le vote aurait lieu jeudi 22 mai.
La Syrie n’étant pas membre de la CPI, il faut une décision du Conseil
pour saisir la Cour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité
commis sur son territoire. Le Conseil l’a déjà fait pour le Darfour en
2005 et la Libye en 2011.
Pour les Occidentaux, devant l’escalade des atrocités en Syrie —
attaques chimiques, tortures systématiques, largage de barils
d’explosifs — "il est temps de marquer clairement la volonté de la
communauté internationale de combattre l’impunité", explique un
diplomate.
"Ce n’est pas parce qu’il y a un risque de veto que nous devons soutenir
l’impunité de Bashar" al-Assad, a souligné jeudi le chef de la
diplomatie française Laurent Fabius lors d’une réunion à Londres des
Amis de la Syrie, qui a endossé l’initiative française.
Aux termes du projet de résolution, le Conseil "décide de soumettre la
situation en Syrie (...) depuis mars 2011 au procureur de la Cour pénale
internationale". La guerre civile en Syrie a commencé en mars 2011.
Pour obtenir le maximum de soutiens, le texte se réfère à la fois aux
exactions "commises par les autorités syriennes et les milices
pro-gouvernementales" et à celles perpétrées "par des groupes armés non
étatiques" qui combattent le régime.
De nombreux diplomates à l’ONU s’attendent à un veto russe.
L’ambassadeur
russe Vitali Tchourkine l’a laissé entendre en expliquant qu’il fallait
éviter "d’exacerber les divergences". Moscou estime qu’une saisine de
la CPI serait contre-productive, au moment où Damas est en passe
d’éliminer son arsenal d’armes chimiques, et nuirait aux chances de
relancer les pourparlers de paix de Genève, dans l’impasse depuis
février.
La Chine devrait elle aussi user une nouvelle fois de son droit de veto.
Elle s’était démarquée de la Russie le 15 mars en s’abstenant sur une
résolution occidentale, bloquée par Moscou, qui dénonçait le référendum
séparatiste en Crimée. "Les Russes en ont été très irrités", analyse un
diplomate occidental, qui juge "difficile" une nouvelle abstention
chinoise. "On devrait donc se retrouver à 13 contre deux".
Onze des quinze pays membres du Conseil ont adhéré à la CPI et plusieurs
se sont déjà prononcés pour une saisine de la Cour (France,
Royaume-Uni, Argentine, Australie, Chili, Lituanie, Luxembourg, Nigeria,
Corée du Sud).
Les Etats-Unis, non membres de la CPI, voteront finalement pour la
résolution après avoir obtenu des assurances. Ainsi, les ressortissants
de pays non membres de la CPI ne pourront pas être soumis à cette
juridiction "pour des actes relatifs à des opérations en Syrie décidées
ou autorisées par le Conseil". De plus, la saisine ne serait pas
financée par l’ONU mais par les pays membres de la CPI ou par des
contributions volontaires.
Le Rwanda a souvent critiqué la CPI mais Paris espère qu’il se rangera
de son côté, de même que les deux autres membres africains du Conseil,
le Nigeria et le Tchad.
A plus long terme, les Occidentaux veulent aussi faire passer une
résolution qui imposerait, par la force si nécessaire, le passage des
convois humanitaires par la frontière turque pour secourir plus vite des
millions de Syriens.
Là encore, la Russie a "une approche différente", a averti Vitali
Tchourkine. Il a proposé une résolution alternative préconisant des
accords locaux comme celui qui a permis de lever le siège de Homs
(centre de la Syrie).
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