Les régions sous contrôle du régime en Syrie s’apprêtent à réélire
Bashar al-Assad, alors que la guerre civile semble tourner à son
avantage face à des rebelles qui se déchirent et une communauté
internationale très divisée.
Confronté à deux concurrents agréés par le régime et servant de
faire-valoir, le député indépendant Maher al-Hajjar et l’homme
d’affaires ayant appartenu à l’opposition tolérée Hassan al-Nouri, Assad est certain de l’emporter dans les régions tenues par l’armée
dans ce pays dévasté par plus de trois ans de conflit.
Aucun candidat de l’opposition n’est en lice, pour ce qui est
théoriquement la première présidentielle depuis plus de 50 ans en Syrie.
Bashar et son père Hafez, qui a dirigé le pays d’une main de fer de
1970 à 2000, avaient été désignés par référendum.
Les opposants qualifient ce scrutin de "farce" et le pouvoir a
verrouillé l’élection en empêchant tout exilé de se présenter et en
exigeant que toute candidature reçoive le parrainage de 35 députés dans
un Parlement acquis au régime.
"Ce vote n’a pas pour but de mesurer sa popularité mais de prouver que
le régime a la capacité de forcer le pays, ou plus exactement les
régions qu’il contrôle, à faire acte d’allégeance", explique Volker
Perthes, directeur de l’Institut allemand de politique étrangère et des
questions de sécurité.
Théoriquement, tous les Syriens âgés de 18 ans et plus sont appelés à
voter, y compris les 7 millions de déplacés par la guerre à l’intérieur
du pays.
Mais dans les faits l’affaire se révèle plus compliquée.
"Les élections se dérouleront dans toutes les villes syriennes, à
l’exception de Raqa", entièrement tenue par les jihadistes
ultra-radicaux de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), a affirmé
à l’AFP Majed Khadra, porte-parole de la Cour constitutionnelle.
En mentionnant seulement les "villes", il laisse entendre qu’il n’y aura
pas de bureau de vote dans les campagnes, comme celles autour de Damas,
dans le nord ou l’est du pays, ou dans les quartiers des villes tenus
par les rebelles, comme à Alep ou à Deir Ezzor.
Le scrutin se déroulera dans 40% du territoire, où vivent 60% de la
population, selon le géographe français spécialiste de la Syrie, Fabrice
Balanche.
Quant aux Syriens se trouvant à l’étranger, seuls 200 000 des 3 millions
de réfugiés ou d’expatriés sont inscrits sur les listes électorales
dans 39 ambassades, où le vote était prévu mercredi, selon une source au
ministère des Affaires étrangères citée par le quotidien Al-Watan.
"Il s’agit d’un chiffre relativement acceptable, si nous tenons compte
du fait que la France, l’Allemagne et la Belgique ont interdit aux
citoyens syriens" de voter, selon la même source.
Le scrutin se déroule alors que la guerre a fait plus de 162 000 morts,
des combattants des deux camps mais aussi des civils. Entamé en mars
2011 par des manifestations pacifiques réprimées dans le sang, le
conflit s’est transformé en guerre civile qui laisse une économie
exsangue, un pays détruit et un peuple épuisé.
"Bashar veut prouver qu’il est l’alternative politique et qu’il est
capable de rétablir l’ordre et la légalité, même si cette légalité est
obtenue à travers un processus politique non démocratique et truqué",
assure Souhail Belhadj, auteur français de la "Syrie de Bashar al-Assad,
anatomie d’un régime autoritaire".
Ce scrutin, dénoncé par l’Occident et des pays arabes mais appuyé par
Moscou et Téhéran, alliés indéfectibles de Damas, a lieu dans une
situation militaire plutôt favorable au régime appuyé par les
combattants aguerris du Hezbollah, même si les gains des uns et des
autres restent très limités.
Le pouvoir peut en revanche se féliciter de la guerre intestine
sanglante opposant dans certaines régions l’EIIL au Front al-Nosra,
branche syrienne d’Al-Qaïda, ex-alliés dans le combat auprès de la
rébellion syrienne.
Cependant, l’élection ne devrait pas entraîner de modifications
majeures. "Il y aura peut être un remaniement ministériel mais il n’y a
absolument aucune raison d’espérer un changement de politique", assure
Aron Lund, auteur d’articles sur le conflit pour l’Institut suédois pour
les Affaires internationales.
"Le régime fera peut-être quelques petits gestes pour la consommation
internationale et pour prouver à ses partisans qu’il a un plan réaliste
pour l’avenir", ajoute-t-il.
Pour M. Perthes, auteur de "la Syrie sous Bashar", "cela rend une
solution politique plus compliquée, mais pas impossible. Il faut
désormais que l’Iran et l’Arabie saoudite (qui soutient les rebelles)
discutent d’un partage du pouvoir à Damas".
(28-05-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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