C’est devenu une dramatique habitude à New York, trois ans après le
début de la révolution syrienne. La Russie et la Chine ont mis jeudi
leur veto à un projet de résolution français à l’ONU qui prévoyait de
saisir la Cour pénale internationale (CPI) des crimes commis en Syrie
par les deux camps. Il s’agit du quatrième blocage par les deux pays de
résolutions occidentales depuis le début de la crise en Syrie, le
précédent datant du 19 juillet 2012. Moscou protège systématiquement son
allié syrien de toute pression et Pékin s’aligne généralement sur la
position russe.
Le texte, rédigé par la France, était coparrainé par 65 pays, membres du
Conseil ou non, dont les membres de l’Union européenne, le Japon et la
Corée du Sud et des États africains (Côte d’Ivoire, Sénégal). La Syrie
n’ayant pas adhéré à la CPI, c’est le Conseil qui doit décider de saisir
la Cour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur son
territoire. Il l’a déjà fait pour le Darfour en 2005 et la Libye en
2011. Avant le vote, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait
appelé, dans un message lu par le vice-secrétaire général Jan Eliasson,
le Conseil à adopter enfin une position commune sur la Syrie, affirmant
que, sinon, "la crédibilité de cet organe continuerait d’en souffrir".
L’ambassadeur français Gérard Araud a prévenu juste avant le vote que si
la résolution était bloquée "ce serait une insulte pour des millions de
Syriens qui souffrent" et il a dénoncé d’avance "le soutien
inconditionnel" de Moscou au régime syrien. Les États-Unis, non membres
de la CPI, s’étaient ralliés au texte français après avoir obtenu que
leurs soldats ne soient pas soumis à la CPI en cas d’opération autorisée
par l’ONU en Syrie, et à condition de ne pas être obligés de payer. Le
ministre britannique des Affaires étrangères William Hague s’est déclaré
"consterné" par le veto russo-chinois, le jugeant "indéfendable".
Les représentants russe et chinois ont justifié leur veto en affirmant
qu’une saisine de la CPI risquait de nuire aux maigres chances de
relancer les pourparlers de paix. L’ambassadeur russe Vitali Tchourkine a
aussi accusé la France de vouloir "créer un prétexte pour une
intervention militaire extérieure dans le conflit en Syrie". Il a évoqué
le précédent de l’opération internationale en Libye qui a abouti à la
chute de Muammar Kadhafi et a rappelé que le ministre français des
Affaires étrangères Laurent Fabius avait critiqué récemment Washington
pour avoir renoncé in extremis à une frappe militaire en Syrie.
Son collègue français Gérard Araud a qualifié cette accusation
d’"absurdité" et a fustigé le "culot" de Vitali Tchourkine. Il a mis
celui-ci au défi de voter un embargo sur les armes à destination de la
Syrie, rappelant que Moscou "ne cesse de vendre des armes au régime". Il
a aussi rejeté l’autre argument de Moscou en affirmant qu’il n’y avait
pour l’instant "pas de perspectives de règlement politique" en Syrie. La
Chine "est embarrassée", selon des diplomates occidentaux, mais elle a
choisi de ne pas mécontenter la Russie une nouvelle fois après s’être
démarquée de Moscou le 15 mars lors du vote d’une résolution occidentale
qui dénonçait le référendum séparatiste en Crimée. Moscou avait bloqué
le texte, mais Pékin s’était abstenu.
Pour Amnesty International, le blocage "sans pitié" de Moscou et Pékin
"risque d’inciter ceux qui commettent des crimes impunément et il montre
une nouvelle fois que la communauté internationale abandonne les
Syriens à leur sort". Malgré ce veto, les Occidentaux veulent maintenir
la pression et l’ampleur des co-parrainages les incite à persévérer,
soulignent des diplomates. Une des options est de faire adopter un texte
par l’Assemblée générale de l’ONU, où le veto n’existe pas.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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