Depuis des mois, une centaine de rebelles "repentis" languissent la peur
au ventre dans un centre de détention de l’armée à Homs : ils
craignent, une fois libérés, d’être à nouveau arrêtés par le régime ou
d’être victimes d’une vengeance de leurs ex-compagnons d’armes.
Le centre établi à l’école Al-Andalus est un cas unique en Syrie, pays
ravagé par la guerre civile : Gardé par des soldats, il abrite des
combattants et une poignée de militants qui, tenaillés par la faim lors
du siège de la vieille ville de Homs, se sont rendus contre des
promesses d’amnistie, se faisant taxer de "traîtres" par les autres
insurgés.
Le régime affirme vouloir "rééduquer" ces déserteurs de l’armée et
civils qui ont pris les armes pour le combattre, après la répression
brutale du mouvement de contestation pacifique lancé en mars 2011.
La majorité des 1500 personnes qui sont passées par Al-Andalus ont
obtenu des papiers en règle, mais d’après les détenus, au moins 56 ont
été appréhendées de nouveau ou ont littéralement disparu.
Ces détenus racontent à l’AFP, qui les a visités avec l’autorisation du
gouverneur de Homs (centre), leur crainte de connaître le même sort.
"Mon frère a été arrêté alors qu’il avait ses papiers et depuis j’ignore où il est", affirme Mouaffaq Choufane, ex-chef rebelle.
"Nous pensions bénéficier d’une amnistie, or nos noms ont été
communiqués aux services de sécurité et des gens sont arrêtés à leur
sortie, comme mon frère", dit-il en réclamant des "garanties".
En plus de la centaine de personnes en attente de leur régularisation,
des dizaines d’autres "blanchies" ont préféré rester dans le centre par
crainte d’être appréhendées ou d’être kidnappées par des milices
pro-régime.
Tous ont le sentiment d’avoir été dupés.
Khaled al-Tellawy, militant qui a couvert la rébellion à Homs et fourni
des vidéos aux médias internationaux, "est sorti il y a un mois puis
déféré devant le parquet militaire. On ne sait plus où il est" affirme
Ghanem, un autre détenu.
"Il avait avoué avoir donné des vidéos à Al-Jazeera et Al-Arabiya. Que
veulent-ils de plus ? Moi je n’ose pas sortir", s’insurge-t-il.
Pour Neil Sammonds, chercheur sur la Syrie auprès d’Amnesty
International, il existe un "haut risque de disparitions forcées" pour
les détenus d’Al-Andalous et les garanties offertes à ces personnes sont
"clairement inadéquates".
Et d’après le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme
(OSDH), Rami Abdel Rahman, les noms de ceux qui sortent d’Al-Andalus
sont "très probablement transmis aux miliciens pro-régime qui sont
soupçonnés des rapts".
Le directeur du centre, Ammar Hechmé, reconnaît qu’une vingtaine de
personnes ont été arrêtées de nouveau et déférées devant la justice, en
raison de "poursuites civiles" contre elles.
"Il y a des citoyens qui les accusent d’avoir enlevé leur père ou tué
leur frère. L’Etat peut amnistier ces hommes, mais ne peut pas empêcher
les gens de porter plainte contre eux", assure-t-il. En outre, "certains
sont arrêtés pour avoir cherché à quitter le pays illégalement".
Selon lui, ceux qui ont choisi de rester n’ont pas où aller et reçoivent
la visite d’universitaires et d’hommes de religion pour leur "montrer
le droit chemin".
Malgré tout, rares sont les locataires d’Al-Andalus qui critiquent
ouvertement le régime.
Relativement en bonne santé, ils ont le droit à un téléphone portable et
à une visite de leur proches qui eux aussi risquent gros.
"Mes cousins qui étaient en route pour me rendre visite ont disparu.
J’ai peur de me faire enlever aussi", affirme Firas, 29 ans.
Mais ce dernier est habité par une autre frayeur. "La plupart de nos
familles sont à Waer (dernier quartier rebelle de Homs). Si je les
rejoins, je crains les représailles des rebelles qui nous considèrent
comme des traîtres".
Firas et ses compagnons se sont rendus à l’armée bien avant la fin des
deux ans du siège du Vieux Homs début mai, lorsque les derniers rebelles
ont été évacués sans être arrêtés en vertu d’un accord avec l’armée.
Mais les hommes d’Al-Andalous se justifient. "On avait très faim,
souvent je ne pouvais pas tenir debout", affirme Ziad. D’autres disent
avoir fui les chantages de chefs rebelles qui exigeaient loyauté en
échange de nourriture ou de médicaments.
Entre la peur de se retrouver à nouveau sous les verrous et celle de
subir le "châtiment" des rebelles, "on est pris entre deux feux", dit
Mouaffaq.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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