La presse américaine a fini par dire tout haut ce que beaucoup de
chancelleries murmurent en coulisse. Trois ans après le début de la
révolution syrienne - qui a fait 150 000 morts et 6,5 millions de
déplacés depuis mars 2011 -, Bachar el-Assad est en passe de l’emporter
sur l’opposition syrienne. Comme un symbole, la ville de Homs (centre),
surnommée la "capitale de la révolution" (elle a vu les premiers
opposants syriens s’armer à l’été 2011 face à la répression
gouvernementale, NDLR), a été vidée de ses derniers rebelles le 7 mai, à
la faveur d’un accord entre régime et insurgés. Une victoire d’ampleur
pour le régime syrien venant couronner un printemps particulièrement
prolifique.
Au nord de Damas, l’armée, aidée des combattants du Hezbollah, a en
effet repris en avril la cité chrétienne de Maaloula, un mois après
s’être emparée de la localité de Yabroud, parachevant la reconquête des
plus grandes villes de la région montagneuse de Qalamoun. Une avancée
cruciale pour les forces loyalistes, qui coupent ainsi les rebelles du
Liban, d’où les combattants s’approvisionnaient en armes et en hommes.
Par là même, les opposants ont perdu toute base arrière pour attaquer
Damas, véritable forteresse du régime. Isolée, la rébellion s’en
retrouve réduite à des poches de résistance autour de la capitale,
notamment dans la banlieue de la Ghouta orientale.
La majorité du territoire (mais pas de la population) reste toutefois
aux mains des rebelles - islamistes modérés et djihadistes -, qui
contrôlent les provinces d’Idlib, Alep, Deir ez-Zor et de Rakka au nord,
et disputent à l’armée syrienne les villes d’Alep (nord) et de Deraa
(sud). Néanmoins, les dernières victoires du régime, à coups de barils
de TNT jetés du ciel, de bombardements aériens et de sièges
interminables affamant combattants et civils, achèvent sa reprise en
main des principaux axes stratégiques du pays. Une opération facilitée
par les combats internes qui minent la rébellion entre factions
islamistes modérées et djihadistes de l’État islamique en Irak et au
Levant, qui ont fait près de 4 000 morts depuis janvier. Du pain bénit
pour Bachar el-Assad.
Victorieux sur le terrain, le président syrien l’est également sur le
plan diplomatique. Fort de ses succès militaires, le maître de Damas n’a
rien lâché face à l’opposition lors des négociations de Genève. Leur
échec retentissant a abouti à la démission mercredi de Lakhdar Brahimi
de son poste d’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie.
Deux ans après sa nomination, le diplomate algérien s’est révélé, en
dépit de ses efforts, incapable de trouver une issue pacifique à la
guerre civile, en raison tout d’abord de l’intransigeance du régime
syrien, mais aussi de l’inflexibilité de l’Arabie saoudite et du Qatar,
parrains de l’opposition. Signe que le vent a tourné, Éric Chevallier,
ancien ambassadeur de France à Damas qui ne s’est pas ménagé pour que la
Coalition nationale syrienne (plus grand conglomérat de l’opposition)
s’impose sur la scène internationale, devrait prochainement quitter ses
fonctions pour être nommé ambassadeur du Qatar, selon une information du
journaliste du Figaro Georges Malbrunot.
"Il ne faut pas se voiler la face. Nous savons que cette guerre va durer
des années", lançait, amer, le diplomate, en janvier dernier,
soulignant que "le prix de la non-intervention en Syrie a été énorme".
L’ambassadeur regrettait à l’époque la volte-face des États-Unis qui
avaient renoncé à la dernière minute à frapper la Syrie à la faveur d’un
rocambolesque accord avec la Russie, alors que l’emploi d’armes
chimiques à grande échelle contre le quartier de la Ghouta en août 2013
était avéré.
Neuf mois plus tard, alors que la situation a changé du tout au tout,
les langues se délient. Et c’est à son ministre de tutelle, Laurent
Fabius, de régler publiquement ses comptes avec l’allié américain en
affirmant "regretter" que Barack Obama n’ait pas frappé la Syrie. À
l’époque, "il s’agissait de l’utilisation massive d’armes chimiques. Et à
l’époque, un grand dirigeant avait dit c’est la ligne rouge", a
rappelé, en visite à Washington, Laurent Fabius, en allusion à la
formule employée par le président américain.
Dans ce contexte, les affirmations du chef de la diplomatie française
selon lesquelles Damas aurait de nouveau utilisé des armes chimiques,
notamment du chlore, à 14 reprises depuis octobre ne devraient pas
changer la donne.
Des accusations pourtant étayées par l’ONG Human
Rights Watch, mais qui ne risquent pas de freiner Bachar el-Assad dans
sa course à la présidentielle du 3 juin prochain.
Jouant à merveille sur le ras-le-bol du chaos qu’il a lui-même contribué
à instaurer dans le pays, le président sortant en est le vainqueur
annoncé.
D’autant qu’il n’aura face à lui que deux candidats
savamment sélectionnés par son régime et que le vote ne se tiendra que
dans les zones contrôlées par le gouvernement. Ultime pied de nez aux
révolutionnaires, Bachar el-Assad a ouvert cette semaine un compte
Twitter de campagne intitulé Ensemble Bachar el-Assad. Il s’y exhibe
tout sourire, en famille, en pleine opération chirurgicale (el-Assad est
ophtalmologiste) ou aux manettes d’un char. Comme si de rien n’était.
(14-05-2014 - Armin Arefi)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire