Plus d’un mois après sa reprise par l’armée syrienne, Maaloula n’est
plus que l’ombre d’elle-même, cette localité célèbre pour ses sites de
pèlerinage chrétien aujourd’hui complètement abandonnée ressemblant
davantage à une ville de garnison.
Quelques soldats se prélassent sur la place principale où sont
placardées des photos du président Bashar al-Assad ou peints des slogans
à sa gloire.
Mais vidée de ses habitants qui parlent encore l’araméen, la langue du
Christ, la localité montagneuse est plongée dans un silence absolu que
vient interrompre par moments le gazouillis d’hirondelles tournoyant
près des grottes troglodytes qui l’entourent et qui datent des premiers
siècles du christianisme.
"Les habitants viennent ici une heure pour inspecter leurs maisons puis
s’en vont", affirme un des soldats à l’équipe de l’AFP autorisée à
visiter la localité située à une cinquantaine de km au nord-est de
Damas.
Si les destructions ne sont pas de l’ampleur d’autres régions syriennes
comme à Homs en raison du conflit qui fait rage depuis trois ans, les
habitations portent les stigmates des combats de près de sept mois entre
l’armée et les rebelles, dont des jihadistes du Front Al-Nosra,
finalement chassés à la mi-avril : maisons incendiées, fenêtres brisées,
portes défoncées et balcons effondrés.
Maaloula avait été emportée dans le conflit en raison de sa situation
stratégique dans les montagnes du Qalamoun, sur une route reliant Damas
au Liban, avant d’être reconquise par l’armée et le Hezbollah. Le dictateur Assad s’y est rendu le 20 avril à l’occasion de la fête de
Pâques.
Tout au long du conflit, son régime s’est posé en "protecteur" des
minorités religieuses face à ceux qu’il qualifie de "terroristes
extrémistes", un discours qualifié de propagande par l’opposition.
Mais malgré le retour de l’armée, la localité en majorité
grecque-catholique mais abritant également une minorité musulmane et qui
comptait 5000 habitants avant le conflit, ne semble pas prête de
renaître de sitôt.
"Il faut des aides car ici les gens ont tout perdu", affirme Fassih,
l’unique habitant que l’AFP a pu rencontrer près du célèbre monastère
orthodoxe de Sainte Thècle, jeune païenne convertie par Saint Paul.
Il est venu inspecter son magasin d’alcool, situé en contrebas du
monastère construit autour d’une grotte, pour découvrir qu’il était
entièrement incendié.
Le réfrigérateur a été écrasé contre un mur. "La marchandise a elle seule vaut plus de 66 000 dollars", dit cet homme.
"Ma maison a également été incendiée et pillée, tous les meubles ont été
volés", lâche Fassih d’un air résigné. "Comment voulez-vous que les
gens reviennent ?"
Le monastère de Sainte Thècle, fermé à clé par l’armée, a servi de
position aux jihadistes. A l’intérieur, sur la plupart des peintures et
des icônes de la Vierge, de Jésus et des saints, à la place des yeux,
des trous ont été creusés.
Les chambres des 12 nonnes enlevées en décembre par Al-Nosra avant
d’être libérées trois mois plus tard ont été incendiées, des livres
pulvérisés et la porcelaine brisée. L’orphelinat situé dans le complexe
offre un spectacle désolant de peluches, de dessins et de vêtements
d’enfants empoussiérés.
Sur la route montant vers le monastère Mar Sarkis (Saint-Serge), on peut
apercevoir, à l’entrée des grottes troglodytes, des sacs de sable
entassés par les rebelles. Ces derniers avaient pris position sur le
haut des falaises au début de l’offensive et notamment dans l’hôtel As
Safir, complètement dévasté par les bombardements.
Tout près, le monastère de Serge et Bacchus, endommagé par de nombreux
obus, notamment sa chapelle encore couverte de remblais. Ce lieu fondé à
la fin du Ve siècle est un des plus anciens monastère du Moyen-Orient
et est dédié à deux officiers romains martyrisés en raison de leur foi
sous le règne de l’empereur Maximien Galère (250-311).
Plusieurs icônes rares y ont été subtilisées et dans le magasin de souvenirs, des évangiles en araméen gisent au sol.
Au milieu de ce spectacle de désolation, "qui va rentrer maintenant ?"
s’interroge un chauffeur de taxi de passage dans sa localité natale. Et
d’ajouter : "Probablement personne, les gens vont attendre que la guerre
se termine".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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