Les Egyptiens reprennent mardi le chemin des bureaux de vote pour une
élection présidentielle de deux jours que l’ex-chef de l’armée Abdel
Fattah al-Sissi, pourfendeur des islamistes, est assuré de remporter
dans un pays réclamant avant tout un retour au calme.
Les bureaux de vote qui ont fermé à 18H00 GMT lundi doivent rouvrir à 06H00 GMT mardi.
Au total, 53 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Les résultats
doivent être annoncés avant le 5 juin, et l’élection devrait être suivie
de législatives, probablement vers l’automne.
De longues files d’attente s’étaient formées lundi devant les bureaux de
vote du Caire ouverts de 09H00 à 21H00. Les murs de la capitale sont
littéralement couverts depuis des mois de portraits de Sissi, qui jouit
d’un quasi-culte de la personnalité depuis son coup de force du 3
juillet 2013.
Le maréchal à la retraite de 59 ans dirige déjà de facto le gouvernement
intérimaire installé lorsqu’il a destitué et fait emprisonner il y a 11
mois le président islamiste Mohamed Morsi. Et il est extrêmement
populaire depuis qu’il a lancé une implacable répression contre les
pro-Morsi.
Pour une majorité d’Egyptiens, M. Sissi est l’homme à poigne qui
ramènera la stabilité après les trois années de "chaos" et de crise
économique ayant suivi la révolte populaire de 2011 contre Hosni
Moubarak.
Mahmoud El-Minyawi, 66 ans, a dit voter pour ce "patriote" car "il faut de la discipline dans la période que nous traversons".
Samia Chami, fonctionnaire, a affirmé à l’AFP qu’elle voterait pour
l’ex-militaire car "sans lui, nous n’aurions pas pu nous débarrasser de
Morsi". "Ce n’est pas un bulletin de vote que je glisse dans l’urne,
c’est un +merci+", a renchéri avec véhémence un autre électeur.
Dans le bureau où il a voté, M. Sissi a promis aux Egyptiens "Demain
sera magnifique", alors que la foule se précipitait pour l’embrasser.
Mais pour les détracteurs de M. Sissi, son élection confirmera que
l’armée a repris le pays en main après avoir laissé M. Morsi et les
islamistes se brûler les ailes durant leur année au pouvoir.
Les défenseurs des droits de l’Homme considèrent même déjà le
gouvernement intérimaire comme plus autoritaire que celui de
M. Moubarak.
Pour justifier la destitution du premier président démocratiquement élu
du pays, M. Sissi avaient invoqué les millions de manifestants réclamant
trois jours plus tôt le départ de M. Morsi, accusé de vouloir accaparer
le pouvoir au profit de ses Frères musulmans.
Depuis ce coup de force, policiers et soldats ont tué plus de 1.400
manifestants pro-Morsi et emprisonné plus de 15.000 personnes, tandis
que plusieurs centaines de personnes ont été condamnées à mort dans des
procès de masse expéditifs.
Et "ce scrutin n’effacera pas l’ardoise après 10 mois de violations
flagrantes des droits de l’Homme", a regretté Amnesty International.
"Les partenaires de l’Egypte (...) ne doivent pas se servir de
l’élection comme d’une garantie pour reprendre les échanges comme si de
rien n’était".
La répression, dénoncée par les capitales occidentales et l’ONU, est
toutefois applaudie par une majorité des 86 millions d’Egyptiens et des
médias unanimes, à tel point que le maréchal n’a pas eu besoin de battre
la campagne.
Son unique rival, le leader de gauche Hamdeen Sabbahi, fait bien pâle
figure malgré une campagne très active sur le terrain, et ne semble pas
en mesure d’empocher un nombre significatif de voix, selon des experts
et diplomates unanimes, dont certains le considèrent comme le
faire-valoir, au mieux résigné au pire consentant, d’une élection jouée
d’avance.
Dans des entretiens télévisés fleuves, M. Sissi n’a d’ailleurs pas caché
ses intentions, sachant qu’il ne faisait que conforter les aspirations
d’une opinion publique inquiète de la multiplication des manifestations
et attentats.
L’Egypte ne sera "pas prête pour la vraie démocratie avant 20 ou 25
ans", a-t-il asséné sans ciller, une assertion qui revient comme une
antienne dans la bouche de très nombreux Egyptiens de tous horizons
sociaux.
Et pour M. Sissi, la stabilité ne reviendra qu’avec l’éradication des
"terroristes", comme gouvernement et médias appellent depuis plusieurs
mois les Frères musulmans.
La confrérie vieille de 86 ans, qui avait remporté toutes les élections
depuis la chute de Moubarak, a annoncé qu’elle ne reconnaîtrait pas les
résultats de la présidentielle, qu’elle a appelé à boycotter.
L’un de ses membres a affirmé à l’AFP refuser de voter car l’élection
sans suspense de M. Sissi "est la meilleure preuve" que la destitution
de M. Morsi "était bien un coup d’Etat militaire".
(27-05-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire