De jeunes juifs extrémistes préparent-ils une attaque de grande
envergure contre un site catholique durant la visite du pape en Israël
et dans les Territoires palestiniens ? À moins de quinze jours de la
venue du souverain pontife, cette éventualité suscite l’inquiétude des
responsables catholiques de Terre sainte, du Shin Beth et de la police
israélienne.
Ce dimanche, monseigneur Fouad Twal, le patriarche latin de Jérusalem,
n’a pas caché sa préoccupation. Après avoir déploré la multiplication
ces dernières semaines des actes de vandalisme perpétrés contre des
sites chrétiens et musulmans, "des actes incontrôlés qui empoisonnent
l’atmosphère de coexistence et de coopération", le plus haut dignitaire
de l’Église catholique en Terre sainte a reproché aux dirigeants
israéliens leur manque de fermeté : "Certes, ces actes font l’objet de
condamnations verbales de la part des responsables en Israël, mais il y a
peu d’arrestations", a-t-il dit, avant d’ajouter : "Le gouvernement
doit s’inquiéter, car cela nuit à l’image de l’État d’Israël à
l’étranger. C’est aussi une tache sur la démocratie dont Israël se
réclame."
"Néonazis hébreux"
Ces extrémistes juifs regroupés sous l’appellation de "Tag Mekhir", "le
prix à payer" en français, s’en prennent régulièrement aux Palestiniens
de Cisjordanie. Incendie de mosquées, de vergers, de champs, destruction
de plantations d’oliviers, violences physiques contre les villageois.
Il y a un peu plus d’un an et demi, ils sont passés à l’action à
Jérusalem-Est et en territoire israélien. Un incident très médiatisé a
eu lieu en septembre 2012, avec l’incendie du portail en bois du
monastère de Latroun, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de
Jérusalem, ainsi que des tags sur les murs adjacents. De fait, depuis
2011, jusqu’à la fin du mois de mars de cette année, vingt-deux attaques
ont été recensées contre des monastères, couvents, églises et autres
biens appartenant au clergé.
Mais depuis un mois, les choses se sont accélérées. Le 27 avril, le jour
de la canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II, trois actes de
vandalisme et de profanation de sites chrétiens ont eu lieu en Galilée,
autour du lac de Tibériade. Le même jour, le vicariat patriarcal de
Nazareth recevait une lettre d’intimidation demandant à tous les
chrétiens de quitter la "Terre d’Israël". Elle était signée d’un rabbin
de la région. Il y a quelques jours, cette fois devant le bureau de
l’Assemblée des évêques à Notre-Dame de Jérusalem, une inscription en
hébreu menaçait : "Mort aux Arabes, aux chrétiens et à tous ceux qui
haïssent Israël." Le grand écrivain israélien Amos Oz a condamné les
auteurs de ces actes racistes en les qualifiant de "néonazis hébreux".
Le terme n’a pas plu au Conseil des colonies de Cisjordanie, qui a
déposé une plainte contre son auteur "pour incitation au racisme".
Ambiance.
"Jésus est une ordure"
Une intervention de la police israélienne n’a pas calmé les esprits du
côté catholique. Les franciscains ont accroché sur un de leurs bâtiments
dans la vieille ville de Jérusalem une affiche géante souhaitant la
bienvenue au pape François. "Il faut l’enlever !" a déclaré un officier
de police aux responsables de cette initiative. Motif : "Cela risque
d’énerver encore plus les jeunes extrémistes." Réponse des
franciscains : "Si les autorités israéliennes veulent la décrocher,
qu’elles le fassent, nous ne nous y opposerons pas." Pour l’instant,
l’affiche est toujours là.
Le principal objet de frictions est ailleurs : sur le mont Sion. Plus
précisément à l’emplacement du cénacle. Un bâtiment de deux étages où,
selon la tradition, se trouverait la pièce évoquée dans les Évangiles et
où aurait eu lieu le dernier repas de Jésus avec les apôtres. Dans le
même édifice se trouve ce qui serait le tombeau du roi David, un lieu
saint juif. L’Église catholique entend récupérer au moins la salle de la
Dernière Cène, mais nationalistes et religieux israéliens s’y opposent.
Des négociations entre le Vatican et le gouvernement Netanyahou
seraient sur le point d’aboutir. Le pape François va s’y recueillir.
Avant lui, Jean-Paul II, lors de son pèlerinage jubilaire de l’an 2000,
avait pu, exceptionnellement, y célébrer une messe. La semaine dernière,
un graffiti anti-chrétien était découvert sur un mur situé à proximité
d’une église de la vieille ville signé du "Prix à payer" : "Le roi
David, c’est pour les Juifs, et Jésus est une ordure."
Reconnaissant une hausse des attaques contre des sites chrétiens,
musulmans et arabes israéliens, un porte-parole de la police n’a
toutefois pas voulu confirmer que le phénomène était lié à la venue du
pape. En revanche, les patrons de la police ont demandé à tous leurs
commandants de district de renforcer la sécurité autour des sites
sensibles. Une présence sécuritaire sur laquelle a ironisé le patriarche
latin : "Nous n’avons aucune raison d’avoir peur, car Israël met à
notre disposition une dose nécessaire de sécurité, voire une overdose."
Il a donc appelé tous les chrétiens de Terre sainte à venir prier "sans
crainte" aux côtés du pape François.
(13-05-2014 - Danièle Kriegel )
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