Sept ans. Il aura fallu presque sept ans pour que le jeune Franco-Palestinien Salah Hamouri recouvre le goût de la liberté. Une peine purgée dans sa quasi-totalité pour que le président Nicolas Sarkozy intervienne en sa faveur, à l’occasion de la seconde vague de libération de 550 prisonniers palestiniens obtenue par le Hamas, en échange de la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit. Pourtant, sept années durant, Salah Hamouri, accusé d’avoir participé à un complot visant à assassiner le rabbin ultraorthodoxe Ovadia Yossef, n’a cessé de clamer son innocence. D’autant que l’acte d’accusation du jeune homme de 26 ans repose sur un complot "loin de la réalisation" et avec "des éléments essentiels manquants". Dans une interview au Point.fr, le Franco-Palestinien explique pourquoi Paris a fait véritablement preuve d’un "deux poids deux mesures" entre son cas et celui du soldat Gilad Shalit.
Salah Hamouri, quand avez-vous appris votre libération ?
Salah Hamouri : J’ai été transféré de ma prison mercredi dernier à six heures du matin vers un autre centre pénitentiaire du nord d’Israël, où j’ai passé une nuit. Cela a recommencé le jeudi, à 6 h 30, où j’ai été transféré dans une autre prison, au Nord, où j’ai cette fois passé sept heures. C’est là que la Croix-Rouge m’a annoncé que mon nom figurait sur la liste de la seconde vague de prisonniers palestiniens libérés. J’ai été ensuite à nouveau déplacé dans une prison, du Sud cette fois. J’y ai passé les trois derniers jours, totalement isolé, avant ma libération dimanche à 22 heures.
Comment avez-vous réagi à cette annonce ?
Recouvrer la liberté est tout simplement extraordinaire. C’est comme une renaissance pour moi. Mais je n’arrive même pas à l’exprimer avec des mots. La liberté était ce qu’il y avait de plus cher à mes yeux.
Vous attendiez-vous à être libéré ?
Ayant fini ma peine, je devais normalement être libéré le 28 novembre. Mais les autorités israéliennes en ont décidé autrement. Ils ont annulé une loi administrative qui retirait une semaine à chaque année de condamnation (cette loi autorisait la justice militaire israélienne à convertir au cours d’une même peine les années civiles - 365 - en années administratives - 345 jours. Dès lors, le Franco-Palestinien devait passer 140 jours supplémentaires en prison, et ne pas sortir avant mars 2012, NDLR). Après la première vague de libération de prisonniers, cette mesure permettait ainsi à la justice de remplir ses quotas de prisonniers palestiniens en nous maintenant en prison.
Le président Sarkozy est intervenu en votre faveur auprès du rabbin Ovadia Yossef. Avez-vous davantage d’informations à ce sujet ?
Je continue de croire que ma libération a été obtenue grâce aux efforts depuis sept ans de mon comité de soutien en France, présidé par Jean-Claude Lefort (député honoraire communiste, NDLR). C’est ce soutien qui a accentué la pression sur le gouvernement français afin qu’il utilise à son tour ses moyens de pression sur le gouvernement israélien pour obtenir ma libération. Celle-ci est la conséquence directe du travail acharné de mon comité de soutien.
Comment considérez-vous l’action du gouvernement français qui a demandé votre libération au bout de sept ans ?
L’intervention du gouvernement français n’est arrivée que trop tardivement. J’aurais voulu être libéré il y a des années. Or, pendant tout ce temps, les demandes de libération formulées par Paris n’étaient que trop timides. Je n’ai pas été défendu comme un vrai citoyen français.
Estimez-vous avoir été traité de la même façon que le soldat franco-israélien Gilat Shalit ?
Il est clair que, pendant toutes ces années de détention, il y avait une différence entre moi, un civil, et Gilad Shalit, un soldat. Malheureusement, la France n’a pas réagi sur les bases du droit international.
Receviez-vous en prison des informations sur la mobilisation en votre faveur ?
Mes amis et mes parents m’en informaient. Cela a été quelque chose de magnifique pour moi, et cela m’a soutenu psychologiquement. Cela m’a donné d’autant plus de foi et de croyance. La nécessité d’une amitié profonde entre tous les peuples.
Vous avez donc entendu parler du soutien de François Cluzet, et de la polémique qu’il a suscitée...
Cet acteur a réalisé un geste tout bonnement héroïque, qui m’a énormément touché. Je l’ai d’ailleurs contacté et remercié depuis ma cellule. En s’exprimant au 13 heures de France 2 à mon sujet, François Cluzet a fait un choix d’autant plus admirable qu’il a subi par la suite beaucoup de pressions diverses... C’est pourtant ce que l’on appelle la liberté d’expression.
Comment avez-vous été traité en prison ?
Comme tous les prisonniers palestiniens, nous vivions dans des conditions difficiles, à huit par cellule. Les Israéliens nous mettaient constamment sous pression, de toutes les façons possibles. On nous empêchait par exemple de recevoir des livres, d’étudier, ou parfois de recevoir des visites.
Pourquoi avez-vous mené une grève de la faim en septembre ?
Je n’étais pas seul. Nous étions 234 prisonniers politiques à protester contre l’aggravation de nos conditions de détention depuis l’enlèvement du soldat Shalit. Cela m’a valu une semaine d’isolement, sans possibilité de voir ni ma famille, ni mon avocat, ni même le consul de France. Mais au bout du compte, l’administration israélienne s’est résignée à accepter nos revendications, même si elles n’ont pas été appliquées à ce jour.
Vous avez été accusé d’avoir participé à un complot visant à assassiner le rabbin ultraorthodoxe Ovadia Yosef.
Les Israéliens continuent de parler de délit d’intention. Ma seule réponse, c’est que, pendant ce temps, 11 000 Palestiniens, dont 350 enfants, ont été arrêtés. C’est très grave. Du point de vue israélien, tout le peuple palestinien est condamné d’avance.
On vous accuse d’être un militant politique proche du Front de libération de la Palestine...
Je suis tout d’abord membre du peuple palestinien. Ce peuple, vivant sous l’occupation, est donc nécessairement politisé. J’ai toujours été militant pour les libertés de mon peuple. Ce droit à la liberté est reconnu au niveau international. Tous les peuples, les Français, les Vietnamiens et autres y ont droit. Je ne pense pas qu’il eût été acceptable en France de condamner la résistance du peuple français à l’occupation durant la Seconde Guerre mondiale. Par conséquent, je trouve inacceptable de condamner notre lutte. Notre peuple ne doit pas être exclu de l’histoire.
Maintenant que vous êtes libre, qu’allez-vous faire ?
Je vais rester quelques jours après de ma famille. Je vais ensuite essayer de me rendre en France pour remercier tous ceux qui se sont mobilisés pour moi. Je suis français, ne l’oubliez pas.
Pendant votre incarcération, les Palestiniens ont connu deux bouleversements majeurs. La demande de Mahmoud Abbas d’adhésion d’un État palestinien à l’ONU ainsi que les deux vagues de libération de détenus palestiniens, obtenues par le Hamas en échange de la libération de Gilad Shalit. Comment les avez-vous accueillies ?
Il existe bien évidemment une contradiction entre les deux méthodes. Je considère néanmoins les deux comme très importantes. Celle du Hamas m’a libéré, et celle de Mahmoud Abbas, je l’espère, permettra de libérer mon peuple.
(Propos recueillis par Armin Arefi)
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