Les chrétiens d’Irak, poussés à l’exode par une série d’attentats visant leur communauté, sont inquiets face à la recrudescence des tensions confessionnelles, dans la foulée du retrait des troupes américaines.
Estimés à plus d’un million avant l’invasion américaine en 2003, les chrétiens sont installés essentiellement à Bagdad, Mossoul (nord) et dans la région pétrolifère de Kirkouk (nord). Près des deux tiers ont depuis fui le pays, et l’exode continue.
"Nous sommes inquiets depuis le retrait américain, même si les forces de sécurité affirment que nous serons en sécurité", estime Louis Sakko, archevêque chaldéen de Kirkouk.
"La sécurité des chrétiens n’a pas été assurée. Les forces de sécurité sont incapables d’en garantir la protection. Nous avons à plusieurs reprises demandé le renforcement des mesures de sécurité mais les résultats ne sont pas encourageants".
Les derniers soldats américains qui ont quitté l’Irak le 18 décembre ont laissé des forces de sécurité irakiennes fortes de 900.000 hommes aptes à priori à faire face aux menaces intérieures mais incapables pour le moment d’assurer la sécurité des frontières et protéger l’espace aérien et les eaux territoriales.
Une série d’attentats, qui a fait mardi 60 morts, a montré que ces forces irakiennes étaient encore loin de pouvoir assurer la sécurité dans le pays.
Ces attaques ont exacerbé les tensions confessionnelles, en pleine recrudescence en raison notamment d’un conflit politique opposant le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki au vice-président sunnite Tarek al-Hachémi, suite à un mandat d’arrêt émis contre ce dernier.
"L’avenir est incertain et les conflits religieux et interconfessionnels ont brisé notre confiance, notamment après le retrait américain", affirme Salvan Youhanna Matti, un retraité de 59 ans qui s’apprête à quitter le pays. Ses trois fils sont déjà partis en Belgique, en Suède et au Liban.
Malgré les engagements des dirigeants locaux et les déclarations de hauts responsables selon lesquels la protection des chrétiens constitue une priorité, des violences continuent à viser cette minorité.
Le plus meurtrier des attentats anti-chrétiens depuis 2003 a été perpétré par Al-Qaïda contre une église en octobre 2010. Il avait coûté la vie à 44 pèlerins, deux prêtres et sept membres des services de sécurité.
Les assassinats ciblés et les enlèvements de chrétiens se poursuivent, même s’ils sont moins fréquents qu’avant 2011.
"Si tous les Irakiens (...) ont souffert de la violence dans les années ayant suivi l’invasion américaine, les communautés minoritaires, notamment non-musulmanes, ont été particulièrement vulnérables", indiquait Human Rights Watch (HRW) début 2011.
Selon M. Sakko, 57 églises et lieux de culte ont été attaqués depuis l’invasion, plus de 900 chrétiens ont été tués et plus de 6.000 blessés.
Ces chiffres peuvent sembler dérisoires comparés à l’ampleur des violences dans le pays — l’ONG britannique Iraq Body Count fait état de plus de 100.000 morts depuis 2003. Mais HRW souligne que puisque les communautés minoritaires ne possèdent ni "milices, ni structures tribales susceptibles d’assurer leur défense, un nombre disproportionné s’est enfui".
Par ailleurs, les chrétiens d’Irak suivent attentivement les évènements ailleurs au Moyen-Orient avec un certain malaise.
Saad Serup Hanna, de l’église Mar Youssef de Bagdad, estime que les prochaines années seront "très difficiles" pour les chrétiens, parlant de "défis à relever pour leur sécurité, la protection de leurs droits".
"Je ne sais pas si (...) les politiciens du Printemps arabe sont assez mûrs pour en saisir l’ampleur", poursuit-il, en allusion aux craintes que suscite chez les chrétiens l’arrivée éventuelle au pouvoir d’islamistes dans la région.
Selon lui, "la région se dirige vers un conflit entre les deux grands blocs de l’islam" sunnites et chiites, et "les chrétiens sont pris entre deux feux".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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