Deux mois après la libération de la Libye par les insurgés, la France veut tirer les bénéfices de son soutien à une révolution qui a mis fin aux 42 années de règne du régime de Mouammar Kadhafi.
Accompagné d’une centaine de dirigeants de sociétés, dont la moitié de petites et moyennes entreprises, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, est revenu mardi à Tripoli promouvoir l’offre "made in France" dans l’espoir de concrétiser, à moyen terme, de grands contrats à l’exportation dans les domaines de l’énergie, les infrastructures et la santé.
Dans les pas du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, en visite sur place le 15 décembre, Pierre Lellouche effectue son deuxième déplacement en Libye depuis la fin de la guerre civile. Il devrait être suivi jeudi du ministre de la Santé, Xavier Bertrand.
Pierre Lellouche était venu une première fois le 12 octobre prendre des contacts avec les ministres du Conseil national de transition (CNT) et leur présenter un panel de dirigeants français.
"Il y a beaucoup de travail, on ne reconstruit pas un pays en une seule visite. Il y aura des élections au mois de juin et il est important que nos chefs d’entreprise retrouvent des marques auprès des dirigeants libyens et des nouvelles administrations", a déclaré Pierre Lellouche à des journalistes.
"Nous avons un grand capital de sympathie auprès des dirigeants et des gens dans la rue mais ce capital ne durera pas éternellement, nous devons être efficaces avec des propositions, nous devons ’être là’", a-t-il ajouté.
Le CNT, composé de membres représentant plusieurs villes de Libye, a constitué un gouvernement intérimaire et devrait rester l’organe législatif du pays jusqu’à l’élection d’un congrès national, lui-même chargé par la suite d’organiser une élection présidentielle.
Pierre Lellouche a indiqué que sa visite serait l’occasion de signer des lettres d’intention et quelques premiers contrats.
Les entreprises françaises auront néanmoins à affronter une rude concurrence en 2012 et au-delà. Leurs homologues britanniques, italiennes, allemandes, chinoises et turques ont également envoyé leurs représentants ces derniers mois en vue de s’octroyer une part du marché de la reconstruction libyenne, estimé par le Medef à quelque 200 milliards de dollars.
Afin d’apparaître organisée et unie, l’offre commerciale française a été structurée en 11 filières ("clusters") avec de grands groupes chefs de file, comme Total, EADS, ou Veolia, et des petites et moyennes entreprises en soutien.
La France, dont le déficit commercial devrait battre un record en 2011, a souvent pâti de la dispersion de ses sociétés à l’export, notamment en 2009 lorsqu’elle a perdu un appel d’offres de 40 milliards de dollars pour la construction et l’exploitation de centrales nucléaires à Abou Dhabi.
A terme, Paris a l’ambition d’équilibrer ses échanges commerciaux avec Tripoli.
Selon le ministère des Affaires étrangères, le déficit franco-libyen, en défaveur de la France, a atteint quatre milliards d’euros en 2010, à comparer à 1,3 milliard en 2005. Avec une part de marché actuellement estimée à 6%, la France fait la course derrière l’Italie (19%) et la Chine (11%).
Autour de 98% des importations françaises en provenance de Libye l’an dernier étaient constituées de produits pétroliers.
Michel Seguin, conseiller à l’exploration-production de Total, a déclaré à Reuters que les activités "onshore" du groupe reprendraient dans les prochains jours.
La production de brut en Libye, troisième fournisseur de pétrole d’Afrique, était évaluée à 1,6 million de barils par jour avant le début du soulèvement de la population, début 2011. Elle devrait retrouver son niveau d’avant-guerre en 2012.
Au-delà de l’enjeu central des hydrocarbures -la Libye couvre actuellement près de 20% des besoins de la France en pétrole- la France espère remporter de grands contrats d’équipements, notamment dans l’assainissement et le BTP, et prendre des positions dans des secteurs où elle n’était pas présente avant la guerre comme l’agriculture ou le tourisme.
Des discussions devraient également avoir lieu au sujet de la privatisation de la Sahara Bank dont BNP Paribas détient 19% du capital.
"On voit que notre travail paye, la pompe est amorcée mais clairement nos concurrents ne nous feront pas de cadeaux", a averti Pierre Lellouche. "Les Libyens sont très exigeants sur la qualité des offres et sur les prix."
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