Trois mois après le commencement de l’opération saoudienne dite «
Tempête Décisive » entamée avec fracas par une coalition majoritairement
composée des pays membres du Conseil de Coopération du golfe, l’heure
d’un premier bilan est arrivée. Un bilan hélas particulièrement lourd
par son cout humain. En effet, à date d’aujourd’hui, d’après les
chiffres de l’ONU, cette guerre saoudienne a causé la mort de plus de 2
800 personnes, dans leur immense majorité des civils, entrainée un
million de déplacés et a laissé dans une détresse humanitaire flagrante
plus de 21 millions de personnes, c’est-à-dire, 80 pour cent de la
population yéménite.
Et quel a été l’objectif initial proclamé de cette guerre ? Rétablir le
Président soi-disant « légitime » Abd-Rabbu Mansour Hadi, en exil dans
la capitale saoudienne et bloquer la montée en puissance de la milice
apparentée chiite Houthis. Or, malgré plus de 10,000 sorties aériennes
de l’aviation saoudienne, contre un pays qui en est dépourvue, l’ancien
Président Hadi est toujours en exil à Riyad et les Houthis contrôlent la
quasi-totalité des zones urbaines du pays.
Il est évident que l’opération « tempête décisive » a bien été mal nommé
ainsi car la seule chose qui fut décisive est la détresse d’une
population civile aux abois. Il convient également d’analyser la
situation yéménite à la lumière de coup d’Etat de Palais organisé par le
Roi Salman qui a modifié l’ordre de la succession décidée par feu le
Roi Abdallah, son demi-frère, en ramenant en première ligne sa branche
familiale dite des « Sudeiris » à l’exclusion des autres descendants
d’Ibn Saoud, fondateur de ce pays. Les feux des projecteurs sont portés
en particuliers sur le fils du Roi Salman, Mohammed, qui cumule entre
autres, les fonctions de Ministre de la Défense et de deuxième prince
héritier malgré ses trente ans, à peine. Les observateurs et avec eux la
population saoudienne en ce y compris certains membres de la famille
royale ont de plus en plus de mal à comprendre le pourquoi de cette
guerre qui a non seulement poussé le budget national saoudien en déficit
mais qui, de surcroit, a mis à mal les alliances jusque-là considérées
comme solide de ce pays. La crédibilité du jeune Prince héritier, à
peine désigné, semble largement épuisée.
C’est ainsi, que ni l’Egypte de Sisi, au pouvoir après un coup d’Etat
contre les frères musulmans soutenu et financé par l’Arabie Saoudite ni
le quasi vassal Pakistanais, récipiendaire de milliards de dollars
d’aides saoudiennes, n’ont voulu contribuer des troupes à ce qu’ils
percevaient comme une guerre condamnée d’avance. Il est vrai que les
égyptiens se souviennent encore des milliers de soldats qu’ils ont
perdus au Yémen lors de leur dernière tentative de déploiements dans les
années soixante. A l’occasion de ce même refus, les Pakistanais ont
rappelé aux Saoudiens qu’un quart de leur population était chiite et
qu’ils supportaient difficilement le soutien que Riyad apportait aux
islamistes sunnites radicaux pakistanais à l‘origine des tensions
intra-communautaire dans ce pays. Ainsi, la version saoudienne du
conflit yéménite fondée sur une narration décrivant Téhéran comme le
manipulateur des Houthis avec comme visé ultime la conquête stratégique
du détroit de Bab-el-Mandeb sur la mer Rouge ne mord plus. D’où la
volonté saoudienne de faire usage de leur diplomatie du portefeuille
pour acheter des articles de presse favorables dans les médias arabes et
occidentaux comme démontrée par les récents télégrammes de Wikileaks.
Enfin comme si la débâcle militaire, le désastre humanitaire, le gouffre
budgétaire et la crise diplomatique ne suffisaient pas l’UNESCO vient
de placer les deux villes antiques du Yémen, Sanaa et Shibam, sur sa
liste du patrimoine mondial en péril. Les destructions infligées par
l’aviation saoudienne sur ces sites historiques font pâlir de jalousie
les excités de l’Etat islamique qui doivent s’en mordre les doigts
d’envie. Il est vrai néanmoins que tant l’Etat islamique que les
saoudiens ont une même idéologie, celle du Wahhabisme !
(03-07-2015
- Ardavan Amir-Aslani)
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