mercredi 8 juillet 2015

Algérie: 22 morts dans la région de Ghardaïa

Une folie meurtrière entre les communautés mozabites (berbères) et chaâmba (arabes) s’est emparée de la wilaya de Ghardaïa, préfecture située à 600 km au d’Alger et porte d’entrée du Sahara. Selon les premiers témoignages recueillis mercredi en fin d’après-midi, le bilan était d’au moins de 22 morts, après 72 heures d’émeutes et de règlements de compte.
Depuis deux ans, la situation est tendue dans le M’zab, cette région du sud algérien, théâtre de heurts récurrents - mais jamais d’une telle ampleur meurtrière - entre les deux communautés. Le conflit avait éclaté une première fois de manière sanglante en 2013 au sujet d’intérêts fonciers, les Mozabites reprochant aux Arabes, plus nombreux, de se saisir «de gré ou de force» de leur foncier et de les repousser hors de Ghardaïa et de son agglomération, alors que ces mêmes Mozabites mettent en avant leur «empreinte séculaire» sur la ville.
Mais le conflit foncier ne serait que l’aspect visible de ces affrontements communautaires «qui tournent définitivement au tragique», selon l’expression d’un observateur. En fait, le conflit se cristallise autour de l’appartenance religieuse. Certes, les deux communautés sont musulmanes mais les Berbères ne sont pas dans une stricte orthodoxie religieuse, du moins du point de vue des Arabes sunnites. Pour qui les Mozabites seraient porteurs «d’une sorte de religion résiduelle qui les rendrait moins légitimes que d’autres», analyse une source algérienne jointe par Libération.
Le ministre de l’Intérieur Nouredine Bedoui s’est rendu sur place, selon l’agence APS, pour tenter de faire revenir les communautés à la raison alors que les témoignages sur la toile font état de corps tués et mutilés à l’arme blanche, de voitures incendiées et de vendetta dans certains quartiers des villes périphériques.
Une question interpelle : comment un pays où rien n’échappe au maillage de la police a-t-il pu laisser ces heurts se transformer en massacre intercommunautaire, alors que les compagnies de CRS étaient déployées depuis longtemps sur zone? «C’est une passivité totalement coupable des forces de l’ordre qui correspond à ce que pense l’Etat profond algérien de la minorité mozabite», analyse un autre observateur de la zone sahélienne, qui se dit «effondré par la tournure de ces événements».

(08-07-2015 - Jean-Louis Le Touzet, Libération)

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