Abou Ali, chauffeur de taxi à Damas, affirme travailler "uniquement
pour manger, boire et dormir". A l’instar des millions de Syriens dont
la guerre a détruit le pouvoir d’achat, il a vu son niveau de vie
s’écrouler.
"Les prix sont exorbitants, mon revenu suffit à peine à nourrir ma
famille", déclare ce père de cinq enfants qui limite désormais ses
achats aux produits de première nécessité.
Dans un pays ravagé par les violences depuis plus de deux ans, la
population doit faire face, impuissante, au fossé qui se creuse entre
revenus et dépenses.
"La guerre a appauvri la très grande majorité des Syriens et a engendré
une baisse importante de leur pouvoir d’achat", affirme à l’AFP Jihad
Yazigi, rédacteur en chef du Syria Report, site d’information et
d’analyse économique.
"Mon salaire ne vaut rien", renchérit un fonctionnaire, Salim, en
expliquant que les 15.000 livres syriennes (SYP, 75 dollars) qu’il
touche à la fin du mois couvrent à peine ses besoins alimentaires.
Selon la presse officielle, les prix des produits de première nécessité
ont augmenté de 200 à 300% ces derniers mois, mais d’après des habitants
et l’AFP, la hausse a été encore plus vertigineuse ces quatre dernières
semaines, atteignant 400%.
Le gouvernement syrien a augmenté à plusieurs reprises les tarifs du
carburant, ce qui a eu "un impact significatif" sur le niveau général
des prix, propulsés à des niveaux jamais atteints.
Les Syriens sont aussi désorientés par la chute libre de leur monnaie,
qui a perdu les trois quarts de sa valeur par rapport au dollar (200 SYP
contre 50 SYP en 2011 selon le cours du marché).
"Notre monnaie n’a plus de valeur", déclare, démoralisé, Moustapha, employé dans un magasin de jouets.
En prévision du mois de jeûne du ramadan, qui démarre le 9 juillet, il a
fait des provisions de riz, de sucre et d’huile "avant que les prix ne
grimpent de nouveau".
"Tous les jours, les prix augmentent" suivant les variations du dollar,
relève une mère de famille. Elle vient d’acheter pour 1.300 SYP (6,5
dollars) un poulet qu’elle trouvait encore pour cinq fois moins cher il y
a quelques mois.
"Il faut faire la queue pour un sachet de pain, qui est de mauvaise qualité en plus", dit Omar, dans le centre de Damas.
Mois après mois, la situation empire. Beaucoup ont perdu leur emploi,
surtout dans les zones touchées par les violences, qui ont fait plus de
100.000 morts depuis mars 2011, selon l’Observatoire syrien des droits
de l’Homme (OSDH).
Les sanctions imposées par les Etats-Unis, les pays arabes et l’Union
européenne en principe pour punir le régime de Bashar al-Assad affectent
en réalité gravement les Syriens dans leur ensemble.
L’ONU a tiré mardi la sonnette d’alarme, après une enquête menée auprès
de 105 familles dans sept gouvernorats syriens. Les Syriens se voient de
plus en plus obligés de "mendier" ou de faire travailler leurs enfants,
pour "pallier la détérioration totale de leurs conditions de vie", a
averti le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM).
La proportion de personnes ayant indiqué avoir dû mendier est passée à
9% en avril/mai, contre 5% en mars. Et 82% des personnes interrogées par
l’ONU ont diminué leurs achats de produits frais et de viande.
D’après les experts, l’impact de la crise est énorme sur l’économie. Les
investissements, le tourisme et le commerce extérieur sont proches de
zéro.La production pétrolière, importante source de devises, a chuté de
95%.
La Banque mondiale a estimé la chute du PIB syrien en 2012 à 30%. Elle prévoit une baisse supplémentaire de 10% en 2013.
Mais pour le régime, l’économie syrienne est puissante, "malgré la crise
(...) et les opérations de sabotage", a estimé Raslane Khadour, un
expert économique cité par l’agence officielle Sana. La hausse des
salaires des fonctionnaires, récemment annoncée, "prouve que l’économie
résiste", a-t-il ajouté.
Pour M. Yazigi, les amis du régime ont beaucoup aidé à le renflouer, en
particulier l’Iran, qui a fourni 4 milliards de dollars d’aides à Damas.
(06-07-2013)
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