mardi 9 juillet 2013

Égypte : Le Qatar, jusqu’ici pro-Morsi, opte pour la prudence (Assawra)

Depuis le renversement de Mohamed Morsi, le Qatar semble perplexe. Quelle position adopter après la chute de son poulain ? Ce petit Etat du Golfe est en effet le principal soutien financier et politique des Frères musulmans, le mouvement islamiste dont est issu Morsi, depuis leur arrivée au pouvoir en juin 2012. Au début de l’année, Doha leur a versé quatre milliards de dollars sous forme de prêts, sur 10 milliards versés en tout. Une manne destinée à aider l’ex-président à rétablir les finances du pays, en chute libre depuis la fin de l’ère Moubarak en février 2011 et la période d’instabilité politique qui a suivi.
La destitution surprise de Morsi oblige le Qatar à revoir sa stratégie. Or le pays connaît lui-même un changement d’ère avec le départ, il y a trois semaines, de l’émir Hamad Ben Khalifa al-Thani, qui a transmis le pouvoir à son fils Tamim. Cette double nouveauté –à la tête de l’Egypte et du Qatar- pourrait favoriser un changement de diplomatie.
Face à la nouvelle configuration politique en Egypte, le nouvel et jeune émir du Qatar, doté d’une réputation de réformateur, semble ainsi avoir opté pour la prudence, en rupture avec la politique volontariste de son père. Il a réagi en termes mesurés au renversement de Mohamed Morsi, semblant vouloir ménager la chèvre et le chou. « Le Qatar continuera à soutenir l’Egypte dans son rôle de leader des mondes arabe et musulman » et il « continuera à respecter la volonté et les choix du peuple d’Egypte », a ainsi déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Doha. Il a toutefois souhaité « un renforcement de l’unité nationale des Egyptiens (...) dans le respect de l’esprit de la révolution du 25 janvier 2011 » qui avait renversé le régime de Hosni Moubarak, un soulèvement que le Qatar avait soutenu à bout de bras.
« Le nouvel émir n’a pas la même vision de politique étrangère que son père. Il veut adopter un profil bas et se montrer flexible face aux changements en Egypte. Il s’agit de montrer que le lien qui unit le Qatar et Morsi n’empêchera pas le pays de travailler avec les nouvelles autorités égyptiennes », explique Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à Genève. Ce pragmatisme a un double objectif : protéger les milliards investis en Egypte et éviter d’avoir de nouveaux ennemis.
De leur côté, les nouvelles autorités devraient accueillir favorablement cette inflexion. « Elles n’auront pas de difficulté pour s’adapter à la nouvelle donne et n’auront pas d’esprit de revanche, parce que leur marge de manœuvre est limitée et qu’elles ne peuvent pas se permettre de tourner le dos à l’aide financière et politique du Qatar. » Dans un contexte de rivalités régionales entre Doha, Riyad et Abu Dhabi (ces deux dernières ont salué le départ de Morsi), l’Egypte pourrait également faire jouer la concurrence, et donc éviter encore plus de braquer le Qatar. « Les Qataris ont compris que chaque période a ses hommes », estime Hasni Abidi. Celle qui s’ouvre, avec ses nouveaux protagonistes, pourrait préfigurer une reconfiguration du paysage politique et diplomatique dans toute la région.

(09-07-2013 - Assawra avec les agences de presse)

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