Depuis le renversement de Mohamed Morsi, le Qatar semble perplexe.
Quelle position adopter après la chute de son poulain ? Ce petit Etat du
Golfe est en effet le principal soutien financier et politique des
Frères musulmans, le mouvement islamiste dont est issu Morsi, depuis
leur arrivée au pouvoir en juin 2012. Au début de l’année, Doha leur a
versé quatre milliards de dollars sous forme de prêts, sur 10 milliards
versés en tout. Une manne destinée à aider l’ex-président à rétablir les
finances du pays, en chute libre depuis la fin de l’ère Moubarak en
février 2011 et la période d’instabilité politique qui a suivi.
La destitution surprise de Morsi oblige le Qatar à revoir sa stratégie.
Or le pays connaît lui-même un changement d’ère avec le départ, il y a
trois semaines, de l’émir Hamad Ben Khalifa al-Thani, qui a transmis le
pouvoir à son fils Tamim. Cette double nouveauté –à la tête de l’Egypte
et du Qatar- pourrait favoriser un changement de diplomatie.
Face à la nouvelle configuration politique en Egypte, le nouvel et jeune
émir du Qatar, doté d’une réputation de réformateur, semble ainsi avoir
opté pour la prudence, en rupture avec la politique volontariste de son
père. Il a réagi en termes mesurés au renversement de Mohamed Morsi,
semblant vouloir ménager la chèvre et le chou. « Le Qatar continuera à
soutenir l’Egypte dans son rôle de leader des mondes arabe et musulman »
et il « continuera à respecter la volonté et les choix du peuple
d’Egypte », a ainsi déclaré un porte-parole du ministère des Affaires
étrangères à Doha. Il a toutefois souhaité « un renforcement de l’unité
nationale des Egyptiens (...) dans le respect de l’esprit de la
révolution du 25 janvier 2011 » qui avait renversé le régime de Hosni
Moubarak, un soulèvement que le Qatar avait soutenu à bout de bras.
« Le nouvel émir n’a pas la même vision de politique étrangère que son
père. Il veut adopter un profil bas et se montrer flexible face aux
changements en Egypte. Il s’agit de montrer que le lien qui unit le
Qatar et Morsi n’empêchera pas le pays de travailler avec les nouvelles
autorités égyptiennes », explique Hasni Abidi, directeur du Centre
d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à
Genève. Ce pragmatisme a un double objectif : protéger les milliards
investis en Egypte et éviter d’avoir de nouveaux ennemis.
De leur côté, les nouvelles autorités devraient accueillir favorablement
cette inflexion. « Elles n’auront pas de difficulté pour s’adapter à la
nouvelle donne et n’auront pas d’esprit de revanche, parce que leur
marge de manœuvre est limitée et qu’elles ne peuvent pas se permettre de
tourner le dos à l’aide financière et politique du Qatar. » Dans un
contexte de rivalités régionales entre Doha, Riyad et Abu Dhabi (ces
deux dernières ont salué le départ de Morsi), l’Egypte pourrait
également faire jouer la concurrence, et donc éviter encore plus de
braquer le Qatar. « Les Qataris ont compris que chaque période a ses
hommes », estime Hasni Abidi. Celle qui s’ouvre, avec ses nouveaux
protagonistes, pourrait préfigurer une reconfiguration du paysage
politique et diplomatique dans toute la région.
(09-07-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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