La principale coalition d’opposition laïque en Égypte a rejeté
mercredi le plan de transition prévoyant des pouvoirs étendus pour le
nouveau président par intérim et un calendrier pour de nouvelles
élections présidentielles dans six mois en se plaignant de ne pas avoir
été consultée pour son élaboration. Au même moment, des attaques par des
militants armés contre une base de la police et deux points de contrôle
ont fait deux morts dans plusieurs endroits de la péninsule du Sinaï.
Ces violences sont survenues le jour même où les Frères musulmans
enterraient les dizaines de manifestants tués lundi au cours d’un
rassemblement en faveur du président évincé Mohamed Morsi au Caire,
après avoir appelé au "soulèvement" pour ce "massacre".
"Le Front de salut national (FSN) annonce son rejet de la déclaration
constitutionnelle", a indiqué dans un communiqué la coalition laïque,
qui était dirigée par le Prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei
jusqu’à sa nomination comme vice-président chargé des relations
internationales dans le nouveau gouvernement. "Nous exigeons qu’elle
soit amendée et nous proposerons nos propres amendements au président",
ajoute la coalition. Le mouvement Tamarod, qui avait organisé les
manifestations de masse ayant abouti à l’éviction du président Morsi, a
lui aussi regretté de ne pas avoir été consulté pour l’élaboration du
plan de transition.
Le porte-parole de Tamarod, Mahmud Badr, a dit que le mouvement
proposerait lui aussi des changements pour la "déclaration
constitutionnelle", notamment en ce qui concerne les pouvoirs accordés
au nouveau président pendant la période de transition qui doit durer au
moins six mois avant la présidentielle. Ces rejets font suite à
l’annonce, mardi, de la nomination d’un nouveau Premier ministre, Hazem
el-Beblawi, chargé de former un gouvernement de transition, un
économiste de tendance libérale âgé de 76 ans qui a fait une longue
carrière dans des institutions égyptiennes et internationales.
Hazem el-Beblawi a été vice-Premier ministre et ministre des Finances en
2011, pendant la période de transition sous la direction militaire
ayant suivi la chute de Hosni Moubarak. Il aura la lourde tâche de
redresser une économie en particulier en proie à la chute du tourisme, à
un effondrement des investissements étrangers et à une baisse
importante de ses réserves en devises. Un porte-parole de la présidence,
Ahmed al-Muslimani, a annoncé mardi que "quelques postes au
gouvernement seront offerts" au Parti de la liberté et de la justice
(PLJ), le bras politique des Frères musulmans. Peu après la nomination
du Premier ministre, l’armée a mis en garde contre toute perturbation du
"délicat et complexe" processus de transition, dans une déclaration
publique.
Le choix de Hazem el-Beblawi intervient après plusieurs jours de
discussions et le retrait du principal parti salafiste, al-Nour - qui
avait soutenu le coup de force militaire aux côtés de mouvements
majoritairement laïques -, en raison des violences ayant fait des
dizaines de morts parmi les partisans de Mohamed Morsi au Caire. Dans
une tentative de relance de la transition, le président par intérim,
Adly Mansour, a publié dans la nuit de lundi à mardi un communiqué dans
lequel est prévue une révision de la Constitution de 2012. La loi
fondamentale amendée devra être validée par référendum avant
l’organisation d’élections législatives d’ici au début de 2014.
Dans le même temps, des funérailles des victimes de lundi se déroulaient
dans le climat d’extrême tension prévalant depuis la destitution par
l’armée, le 3 juillet, du président islamiste, trois jours après des
manifestations monstres de l’opposition. Les violences de lundi ont fait
au moins 51 morts et 435 blessés, selon les services des urgences.
Selon la confrérie, des soldats et des policiers ont ouvert le feu sans
aucune raison sur les manifestants. L’armée a dit avoir répliqué après
une attaque de "terroristes armés".
"Cela n’était pas une manifestation pacifique", les partisans de Mohamed
Morsi ont utilisé "des mitraillettes et des pistolets", a affirmé le
porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Badr Abdelatty. Le
président par intérim a ordonné l’ouverture d’une enquête. Mardi, une
source judiciaire a indiqué que 650 personnes soupçonnées d’avoir voulu
entrer de force dans le bâtiment de la Garde républicaine étaient
interrogées. Dès lundi, les autorités avaient décidé de fermer le siège
du PLJ au Caire en raison de la découverte "de liquides inflammables, de
couteaux et d’armes", selon un haut responsable de sécurité.
Malgré un appel de l’armée à lever les sit-in, des islamistes ont
manifesté lundi soir dans plusieurs villes et, mardi matin, des milliers
de partisans de Mohamed Morsi étaient encore devant la mosquée Rabaa
al-Adawiya, où le rassemblement dure depuis près de deux semaines. Les
pays étrangers ont manifesté leur vive inquiétude après les dernières
effusions de sang, les heurts en Égypte ayant fait une centaine de morts
en moins d’une semaine. Mardi, les États-Unis, qui avaient exprimé
leurs craintes face aux violences, ont toutefois affirmé être
"prudemment encouragés" par le calendrier des élections. L’Arabie
saoudite et les Émirats arabes unis sont pour leur part devenus les
premiers pays à apporter une aide financière, à hauteur respectivement
de cinq et trois milliards de dollars.
***
Beblawi se lance dans la formation du gouvernement égyptien
Hazem el Beblawi, nommé la veille Premier ministre égyptien par
intérim, a dit vouloir s’atteler dès mercredi à la formation du
gouvernement en consultant d’abord Mohamed ElBaradeï et Ziad Bahaa
Eldin, chefs de file du courant libéral.
Interrogé par Reuters, il a reconnu qu’il serait difficile de faire
l’unanimité.
"Evidemment, nous respectons l’opinion publique et nous essayons de nous
conformer aux attentes, mais il y a toujours un moment où il faut
choisir. Il n’y pas qu’une possibilité. On ne peut pas satisfaire tout
le monde", a-t-il souligné.
L’ancien ministre des Finances âgé de 76 ans a été porté mardi à la tête
du gouvernement provisoire au lendemain de la mort de plusieurs
dizaines de sympathisants islamistes lors d’affrontements avec l’armée.
Mohamed Elbaradeï, ex-directeur général de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA) et lauréat du prix Nobel de la paix, a quant à
lui été nommé vice-président chargé des Affaires étrangères.
***
Les Frères musulmans rejettent l’offre d’entrer au gouvernement
Les Frères musulmans, dont est issu le président égyptien déchu Mohamed
Morsi, ne "pactisent pas avec des putschistes" et rejettent l’offre
d’entrer au nouveau gouvernement, a indiqué mercredi un porte-parole du
mouvement islamiste.
"Nous ne pactisons pas avec des putschistes. Nous rejetons tout ce qui
émane de ce coup" militaire, a déclaré à l’AFP Tareq al-Morsi, au sujet
de l’offre formulée par le nouveau Premier ministre.
Dans la nuit, un porte-parole de la présidence, Ahmed al-Muslimani, cité
par l’agence officielle Mena, avait indiqué que Hazem Beblawi, désigné
mardi soir, allait offrir "quelques postes" au sein du gouvernement de
transition au Parti de la Liberté et de la Justice, le bras politique
des Frères musulmans.
Après des violences au Caire ayant fait lundi, selon les urgences, au
moins 51 morts lors d’un rassemblement pro-Morsi, les Frères musulmans
avaient appelé au "soulèvement (...) contre ceux qui sont en train
d’essayer de (...) voler la révolution avec des chars".
M. Morsi a été déposé le 3 juillet par l’armée, après des manifestations monstres de l’opposition réclamant son départ.
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Des attaques dans le Sinaï font deux morts
Deux personnes ont été tuées mercredi dans l’attaque par des militants
armés d’un point de contrôle de sécurité au centre du Sinaï, peu après
l’annonce d’une autre attaque contre une base de la police au nord de la
péninsule égyptienne, a-t-on appris de source médicale.
Selon des médecins et des responsables de la sécurité, l’une des
victimes est un civil dont la voiture a été touchée par une grenade.
L’autre mort n’a pas été identifié.
Le point de contrôle, au milieu de la péninsule, était géré par des militaires et des policiers, selon ces sources.
L’autre attaque s’est produite près de la ville de Rafah, sur la
frontière nord du Sinaï, où des militants armés ont bombardé une base de
la police avec des obus de mortier et à l’arme lourde. Ces assaillants
ont également attaqué un autre point de contrôle de la police dans la
ville d’El-Arish, à environ 45 km à l’ouest de Rafah.
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Mohamed Morsi se trouve "en lieu sûr"
Le président déchu Mohamed Morsi se trouve "en lieu sûr" et il ne fait
"pour l’heure l’objet d’aucune poursuite" judiciaire, a assuré mercredi
un porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Badr
Abdelatty.
"Mohamed Morsi se trouve en lieu sûr, pour son propre bien, et il est
traité dignement. Il ne fait pour l’heure l’objet d’aucune poursuite"
pénale, a déclaré à des journalistes Badr Abdelatty, une semaine après
la destitution du président islamiste par l’armée, à l’issue de
manifestations monstres.
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