vendredi 5 juillet 2013

Égypte : Le camp islamiste se mobilise après l’éviction de Mohamed Morsi

Les partisans de Mohamed Morsi sont appelés à manifester ce vendredi contre la destitution du président égyptien, renversé par l’armée, et contre la création d’un gouvernement provisoire soutenu par leurs adversaires démocrates.
L’appel à un "vendredi du rejet" par la Coalition nationale de soutien à la légitimité, qui regroupe plusieurs partis et mouvements islamistes dont les Frères musulmans, intervient alors qu’une répression s’est abattue sur le camp islamiste dans les heures qui ont suivi la destitution de Morsi.
Le premier président démocratiquement élu de l’histoire du pays, issu des frères musulmans, a été placé en résidence surveillée. Plusieurs cadres de la confrérie islamiste et de son émanation politique, le Parti liberté et justice (PLJ), ont été arrêtés.
Dans son appel lancé depuis une mosquée du Caire où les partisans du président déchu sont rassemblés depuis plusieurs jours, la Coalition nationale islamiste demande au peuple égyptien de "descendre dans la rue et se mobiliser de façon pacifique pour dire ’non’ aux détentions par les militaires, ’non’ au coup d’Etat militaire".
L’armée égyptienne a assuré tard jeudi soir qu’elle ne prendrait de "mesure exceptionnelle ou arbitraire" contre aucun groupe politique et qu’elle respecterait la liberté d’expression et de manifestation tant que les rassemblements ne menaceront pas la sécurité nationale.
Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le commandement militaire prévient cependant que "l’usage excessif de ce droit (ndlr, à manifester) sans raison pourrait avoir des implications négatives, dont le blocage des routes, le retard du versement des salaires et la destruction d’institutions, ce qui menacerait la paix sociale, l’intérêt national et affecterait la sécurité et l’économie de notre précieuse Egypte".
Au lendemain de la destitution de Morsi, accueillie dans la liesse par des millions d’Egyptiens réunis au Caire et dans d’autres villes du pays et dans l’amertume par le camp islamiste qui considère que l’armée lui a volé ses succès électoraux, de nouveaux affrontements entre factions ont fait des dizaines de blessé jeudi à Zagazig, la ville natale du président déchu dans le Delta du Nil.
Vendredi matin, dans le Sinaï, des objectifs militaires ont été la cible d’attaques d’islamistes armés à El Arish et Rafah, près de la frontière avec la bande de Gaza. Un soldat a été tué et deux autres blessés. On ignore si ces assauts sont liés à la situation politique du pays.
De la capacité de l’armée à faire face à de possibles troubles va déprendre en partie le soutien des Etats-Unis et d’autres puissances internationales.
Les opposants à Mohamed Morsi assurent que l’Egypte n’a pas vécu un "coup d’Etat militaire" et que l’armée, au centre du jeu politique depuis le coup d’Etat contre le roi Farouk en 1952, n’a fait qu’imposer la "volonté du peuple" exprimée lors des manifestations monstres de dimanche.
Adli Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle qui a prêté serment jeudi en tant que chef d’Etat par intérim, a immédiatement tendu la main aux Frères musulmans.
"Les Frères musulmans font partie du peuple et ils sont invités à participer à la construction de la nation dont personne n’est exclu et, s’ils répondent à cette invitation, ils seront les bienvenus", a-t-il déclaré à la presse.
Mais ces paroles d’apaisement contrastent avec les actes de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre.
Mohamed Badie, guide suprême des Frères musulmans, aurait été arrêté dans le nord de l’Egypte, a-t-on appris jeudi de sources proches des services de sécurité. Son adjoint Khaïrat al Chater et lui seraient poursuivis pour incitation à la violence contre des manifestants.
Morsi et quinze autres responsables islamistes font par ailleurs l’objet d’une enquête pour "outrage à la justice".
Les chaînes de télévisions proches du président déchu, dont Egypt25, la chaîne des Frères, ont été brutalement coupées dès mercredi soir tandis que l’imprimerie nationale a interdit jeudi de rotatives le quotidien de la confrérie.
Dans son communiqué diffusé jeudi soir, le commandement militaire assure que "la sagesse, le vrai patriotisme et les valeurs humaines dans lesquelles se retrouvent toutes les religions exigent de nous que nous ne prenions aucune mesure exceptionnelle ou arbitraire contre quelque mouvement ou courant politique que ce soit".
Un peu plus tôt dans la soirée, c’est Mohamed Kamel Amr, ministre des Affaires étrangères, qui avait tenté de rassurer dans une conversation téléphonique avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
"J’espère que les Américains lisent la situation de la bonne manière, qu’il ne s’agit en aucun cas d’un coup d’Etat. Il s’agit en fait de la volonté irrésistible du peuple", a-t-il affirmé après cette conversation.
La qualification des événements intervenus au cours de la journée de mercredi revêt une importante cruciale pour Le Caire car ils pourraient valoir au pays des sanctions économiques et un arrêt de l’aide fournie par les Etats-Unis - Washington octroie chaque 1,5 milliard de dollars au Caire, pour l’essentiel sous la forme d’une aide militaire.
"Il n’y aura pas d’actes de violence ou d’exclusion. Tout le monde sera pris en compte", a ajouté Amr, qui avait remis sa démission à Morsi la veille de l’intervention de l’armée mais a été maintenu en fonction pour expédier les affaires courantes. "L’idée, a-t-il insisté, c’est que tout le monde participe au processus de transition."
Mais dans le camp islamiste, un des dirigeants de la confrérie, Rahman al-Barr, a exclu toute collaboration avec les "usurpateurs".

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