L’Égypte attendait mardi, ou mercredi, l’annonce de la composition de
son prochain gouvernement au lendemain de nouvelles manifestations
rivales au Caire où un haut responsable américain a appelé à
l’apaisement et au dialogue. Lundi soir, des échauffourées ont éclaté
entre 200 personnes, qui ont bloqué un des principaux ponts de la
capitale en scandant "Morsi est notre président", et des forces de
l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes, selon un journaliste de
l’AFP. "La première des priorités doit être de mettre fin à la violence
(...) et de commencer un dialogue sérieux et soutenu entre toutes les
parties", a fait valoir le secrétaire d’État adjoint Bill Burns après
des entretiens avec les nouvelles autorités du Caire. "Un tel dialogue
permettrait de ramener le calme."
Jugeant que les derniers événements représentaient "une seconde chance
(...) de créer un État démocratique", il a exclu que l’Égypte vive un
scénario comparable à celui de la Syrie, ravagée par une guerre civile.
Bill Burns a refusé de commenter l’appel des États-Unis à la libération
de Mohamed Morsi, arrêté peu après sa destitution par l’armée le 3
juillet. "Vous devrez vous adresser aux autorités égyptiennes à ce
propos. Mais nous avons (de notre côté) été clairs sur la question",
a-t-il dit lors d’une conférence de presse. Le nouveau pouvoir égyptien
n’a pas donné d’écho à cette requête, assurant que l’ex-chef d’État se
trouvait "en lieu sûr" et était "traité dignement".
Auparavant, Bill Burns s’était entretenu avec les principaux
responsables intérimaires, selon l’agence Mena : le Premier ministre
Hazem Beblawi, le président Adly Mansour et le général Abdel Fattah
al-Sissi, le nouvel homme fort du pays, qui devrait rester ministre de
la Défense. Le mouvement Tamarrod, à l’origine des rassemblements de
masse contre Morsi fin juin, a en revanche refusé de le rencontrer,
invoquant le sentiment, largement partagé parmi les manifestants
anti-Morsi, que Washington avait soutenu le président déchu. La visite
de Bill Burns est la première d’un haut responsable américain depuis le
renversement de Mohamed Morsi par l’armée, après des manifestations
monstres. Les violences qui ont suivi ont fait une centaine de morts.
L’Égypte est depuis des décennies un allié-clé pour les États-Unis, qui
apportent à l’armée une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars.
Washington s’est jusqu’à présent abstenu de parler de "coup d’État", ce
qui entraînerait une suspension automatique de l’aide.
Parallèlement à cette visite, les partisans de Morsi, qui dénoncent un
"coup d’État militaire" contre le premier président démocratiquement élu
du pays, ont de nouveau manifesté lundi, en particulier aux abords de
la mosquée Rabaa al-Adawiya, dans le faubourg de Nasr City, où ils
étaient encore des milliers. "Je ne suis pas un membre des Frères
musulmans (...) mais je suis là pour défendre mon vote", a déclaré Gamal
Hassan, un pharmacien. Il était question d’une marche vers le siège de
la Garde républicaine, devant lequel 53 personnes ont été tuées il y a
une semaine par des tirs pendant une manifestation pro-Morsi. Les Frères
musulmans veulent continuer à manifester "pacifiquement, a assuré un
porte-parole, Ahmed Aref. Nous avons une cause juste pour laquelle nous
sommes prêts à nous sacrifier."
Les anti-Morsi, qui reprochent au président déchu d’avoir gouverné au
seul profit de sa confrérie et de ne pas avoir fait face à la crise
économique, comptaient pour leur part se rassembler sur la place Tahrir
et aux abords du palais présidentiel, mais leur mobilisation semblait
plus faible que celle de leurs adversaires en milieu de soirée. Dans le
nord du Sinaï, où la situation sécuritaire s’est encore dégradée ces
dernières semaines, au moins 3 personnes ont été tuées et 17 autres
blessées dans l’attaque d’un bus transportant des ouvriers d’une
cimenterie. Dans ce contexte, Hazem Beblawi, qui n’a pas exclu
d’intégrer des Frères musulmans dans son équipe, poursuit ses
tractations pour constituer un gouvernement, dont il avait estimé
pouvoir annoncer la composition mardi ou mercredi.
En visite à Paris, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a souligné
que l’Égypte se trouvait "à un tournant critique". "Il ne saurait y
avoir de place pour la vengeance ou l’exclusion d’un parti ou d’une
communauté importante", a-t-il ajouté, se disant "très inquiet" des
arrestations dans les rangs des Frères musulmans, dont plusieurs
dirigeants sont visés par des mesures de gel de leurs avoirs.
L’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), une ONG
locale, s’est, elle, alarmée d’une recrudescence des violences contre
les chrétiens coptes, accusés par certains islamistes d’avoir oeuvré au
renversement de Mohamed Morsi.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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