Une locomotive de TGV fabriquée par Alstom à La Rochelle en train d'être
chargée dans un bateau en direction de Tanger en juin 2015. (Afp)
Une centaine d'entreprises de plus de 10 pays et représentant 250 participants se sont déplacés au Rail Industry Summit à Casablanca, en octobre dernier, afin d'échanger sur les problématiques liées aux infrastructures, à l'exploitation ferroviaire, la signalisation, la maintenance, le matériel ainsi que les équipements embarqués et les aménagements intérieurs des véhicules.
Coorganisé par Maroc Export et le Groupement des industries ferroviaires (GIFER) et Advanced Business Event (ABE), l'événement créé en février dernier se veut une plateforme de mise en relation afin de fédérer la filière ferroviaire au Maroc. « Notre pays s'est engagé dans une politique volontariste de développement des réseaux ferroviaires inter et intra-urbains, ainsi le plan « Maroc Rail 2040 » prévoit un réseau LGV de près de 1 500 kilomètres et près de 2 700 kilomètres de lignes classiques, pour près de 20 milliards de dollars d'investissement, la mise en place et l'équipement de nouvelles lignes devront également être accompagnés de la mise à niveau et du renouvellement du réseau existant de près de 2 000 kilomètres, Par ailleurs, plusieurs villes disposent de projets de mise en place ou d'extension de réseaux de tramway urbain (Casablanca, Tanger, Rabat, Agadir...) générant un besoin prospectif significatif, notamment pour le matériel roulant. « Ces investissements colossaux constitueront une opportunité unique pour impulser une industrie marocaine du ferroviaire, à l'instar du benchmark international », a déclaré Latifa Echihabi, secrétaire générale du ministère du Commerce, de l'Industrie, de l'Investissement et de l'Économie numérique. La porte-parole du ministère a précisé lors de son allocution que les projets d'installation, d'extension ou de modernisation de lignes ferroviaires au niveau africain laissent présager une croissance durable de la demande régionale en équipements ferroviaires dans les 20 prochaines années, ce qui constituera un relais de croissance incontestable pour cette industrie.
Le rail occupe déjà une place prépondérante...
Le réseau ferroviaire du Maroc est le plus étendu du Maghreb et le deuxième d'Afrique après celui d'Afrique du Sud. Il se présente sous forme d'un couloir reliant Marrakech à Oujda et dessert les grandes villes et les principaux ports du royaume, à l'exception de ceux d'Agadir, cette initiative prometteuse ambitionne la mise en place d'un « écosystème, ferroviaire » performant dans le sillage, du plan d'accélération industrielle, un plan qui vise à transformer l'industrie marocaine en réel moteur de croissance économique, avec comme objectif à l'horizon 2020 la création de 500 000 nouveaux emplois, une contribution au PIB de 23 % ainsi que le rééquilibrage de la balance commerciale.
... et un partenariat industriel international se construit
Le colloque a eu lieu en présence des deux acteurs majeurs du secteur. Ainsi de Bombardier qui a annoncé son ambition de créer un cluster industriel ferroviaire au Maroc, visant à renforcer l'export vers l'Afrique, et exposé ses objectifs dans les secteurs ferroviaires et aéronautiques.
Le Canadien, présent au Maroc depuis 2011, a détaillé son plan d'action en partenariat avec l'Office national de chemin de fer, pour remettre en état des rames qui ont été fournis par Bombardier dans le passé, un projet de signalisation ferroviaire, qui relie les principales villes au Maroc de la côte casablancaise jusqu'à Tanger serait également en cours de réalisation. « Nous avons créé un bureau d'ingénieurie au Maroc pour développer une industrie ferroviaire Made in Morocco, toutes les conditions sont réunies pour y accéder : un tissu de clients et de fournisseurs étoffés, une stratégie de localisation performante et des projets ambitieux », a lancé Prina Mello, directeur des ventes et du transport Bombardier Afrique.
Pour rappel, le constructeur avait annoncé la création d'une usine qui permettrait à terme la création de 600 emplois directs pour fabriquer un « train marocain ». L'idée est de démarrer avec un taux d'intégration de 30 % et d'arriver à 70 % dans 10 ans. Pour l'instant, la présence de Bombardier transport au Maroc se limite à deux commandes, le renouvellement de 14 trains électriques de l'ONCF opérant sur la ligne Casablanca-Rabat (11 millions d'euros) ainsi qu'un contrat de signalisation pour équiper la ligne ONCF entre Casablanca-Kénitra et Sidi Yahya-Tanger, remporté en 2014 pour 3 millions d'euros.
Son concurrent « Alstom », implanté au Maroc depuis 1916, a exposé pour sa part le bilan de la convention industrielle stratégique qui le lie au royaume dans le cadre notamment de la future ligne TGV qui doit entrer en service d'ici à 2018. Le constructeur prévoit 175 millions d'euros de CA à export d'ici fin 2016 la création d'emplois indirects ainsi que le développement de son réseau de fournisseurs sur les 5 prochaines années.
Un enjeu de taille : former et mettre à niveau les acteurs locaux
Autre point abordé lors de ces rencontres, la formation, véritable fer de lance du secteur. « Le modèle marocain de l'expérience ferroviaire est une expérience inédite, un tissu industriel existe avec du savoir-faire, de la logistique qui réponde aux transports de marchandises et des personnes, plusieurs aspects vont accompagner cette industrie, le tourisme, la compétitivité régionale et les échanges commerciaux. Avec le succès de I'IMA créé par le GIMAS, dans le secteur aéronautique, nous souhaitons calquer le même modèle pour l'industrie ferroviaire, et le dupliquer pour d'autres secteurs. Dans le cadre de la formation, nous avons développé des programmes avec l'OFPPT et le ministère de l'Éducation pour un budget total de 40 MDH », a tenu à préciser Zahra Maafiri, directrice générale de Maroc Export.
Intervenant de son côté, Hassan Rebouhate, président du GIFER Maroc et directeur général de la Société chérifienne de matériel industriel et ferroviaire, a passé en revue les objectifs futurs du GIFER. « Nous avons l'ambition d'aller de l'avant, aujourd'hui le matériel tracté est fabriqué localement, les câblages, et les composants électroniques sont élaborés selon les normes internationales, ce qui nous permet de proposer une offre exportable. Par ailleurs, nous avons un panel de fournisseurs locaux qui doit se mettre à niveau et normaliser ses produits. Ce qui manque à notre savoir-faire, c'est la motorisation, un volet que nous essayons de développer avec nos partenaires Bombardier et Alstom, à terme nous prévoyons de créer un train 100 % marocain » a-t-il indiqué.
Selon lui, le groupement ambitionne de développer les métiers ferroviaires à travers plusieurs actions, dont la participation à l'élaboration de la stratégie nationale dans le secteur ferroviaire, la contribution au développement des partenariats public-privé et le développement de la recherche et de l'innovation dans le secteur.
Pour l'ONCF, une feuille de route ambitieuse
Lors de ces rencontres, l'ONCF a également précisé sa feuille de route, la compagnie ferroviaire prévoit une externalisation totale de la maintenance de 47 locomotives, d'origine Alstom, la réalisation au Maroc de 300 voitures, dont 60 en cours, une rénovation de 300 voitures, une construction au Maroc de la quasi-totalité du parc wagon (environ 5 000), la fabrication de 18 locomotives, en partenariat avec un constructeur européen. S'agissant du volet RH, l'Office national des chemins de fer prévoit la création d'un Institut de formation ferroviaire, en partenariat avec la SNCF, ainsi que la mise à disposition de personnel ONCF pour accompagner l'externalisation. Par ailleurs, le premier tronçon du TGV Tanger–Casa, qui a coûté 20 MDH, est en cours de réalisation, les rames sont déjà livrées, et l'infrastructure réalisée à plus de 80 %, le démarrage commercial est prévu courant de l'année 2018. Quant au tronçon Marrakech-Casa, il est en cours d'étude et verra le jour après celui de Marrakech-Agadir.
L'objectif à terme : une filière ferroviaire "Made in Morocco"
Pour Latifa Echilabi, secrétaire générale du ministère du Commerce, de l'Industrie, de l'Investissement et de l'Économie numérique, avec la présence soutenue d'acteurs majeurs de l'industrie ferroviaire, « le Maroc aspire véritablement à renforcer l'intégration locale et ainsi créer de nouveaux emplois ». Dans l'axe Sud-Sud, « le Maroc a une visibilité jusqu'en 2030 », ce dont il peut se prévaloir face à ses amis africains, avec lesquels de nombreux contrats ont été signés lors des voyages du roi Mohamed VI dans différents pays. Dans cette démarche, le royaume chérifien s'appuie sur Maroc export en charge de l'accompagnement des entreprises dans les différents marchés. Une suite logique à une présence marocaine de plus en plus forte commencée avec les banques, les assurances et les télécoms, et poursuivie aujourd'hui par les phosphates par OCP Africa mais aussi dans le domaine de l'énergie où l'expertise chérifienne est reconnue.
(23-11-2016 - Ghizlaine Badri)
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