Le
Parti indépendant des travailleurs juifs luttait contre l’émigration
des Juifs vers la Palestine (ci-contre, « Vue de Jérusalem » peinte par
James Fairman).
Lorsque les idées et les mouvements sionistes font leur apparition au
cours du dix-neuvième siècle, la plupart des Juifs d’Europe se montrent
méfiants, certains allant même jusqu’à les rejeter avec véhémence. Le
premier congrès sioniste se tient dans la ville suisse de Bâle, le 29
août 1897. Or Bâle comptait très peu de Juifs, alors que ces derniers
étaient légion à Zurich. Malgré cela, les sionistes ne sont pas parvenus
à organiser ce congrès à Zurich, ville des riches parmi les Juifs, ces
derniers refusant de les accueillir dans leur ville. En réponse au
congrès de Bâle, les Juifs socialistes constituent le 15 octobre 1897,
dans la ville alors russe de Vilna (la Vilnius actuelle), le Bund (Union
générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie).
Le Parti indépendant des travailleurs juifs voit le jour en 1901, avec
pour objectif principal la lutte contre l’émigration des Juifs vers la
Palestine ainsi que la lutte pour l’égalité. Toutefois, les événements
prennent une tournure différente. Après la défaite de la Russie dans la
guerre de 1904 et la révolution de 1905 qui s’en est suivie, les
agressions commencent à atteindre les Juifs partout. C’est ainsi que
débute la deuxième émigration juive vers la Palestine, après le premier
exode qui avait suivi la tentative d’assassinat du tsar Alexandre en
1881. Les Juifs ultra-orthodoxes rejettent le mouvement sioniste qui
cherchait à laïciser la religion juive, en la transformant en
nationalisme ; ils insistent quant à eux sur le judaïsme comme axe
principal de la vie des Juifs, en tant que privilège spirituel, les
désignant « peuple choisi de Dieu » ou « peuple du Sabbat », qui ne doit
pas se soucier de la création d’un État national pour lui, mais doit
s’adonner au culte dans l’attente du Messie. La foi selon la halakha
(loi juive) repose sur trois piliers : pas de retour à la terre d’Israël
de manière organisée et en groupes ; pas d’État pour les Juifs et pas
d’indépendance nationale ; pas de rébellion contre les États qui
accueillent les Juifs sur leur sol.
A titre d’exemple, Moses Mendelssohn (qui adhère au courant du judaïsme
réformé) a toujours refusé le nationalisme juif et la création d’un État
national pour les Juifs, dans quelque partie du monde que ce soit,
appelant à l’intégration et à l’égalité. Parmi les principaux mouvements
juifs antisionistes, citons Agudath Israel, inspiré par Samson Hirsch,
le mouvement hassidique Satmar, Neturei Karta (les Gardiens de la cité)
créé en 1938, le mouvement Chabad, dont le leader, le rabbi Schneerson,
n’a eu de cesse de répéter jusqu’à sa mort en 1994 que le sionisme était
le pire ennemi et le péché le plus grave qui corrodait le peuple
d’Israël. Le mot « Habad » qui donne son nom au mouvement, est un
acronyme des mots hébreux suivants : Hokhma (sagesse), Bina
(compréhension) et Daat (connaissance). Tous ces groupes sont issus du
hassidisme, et ils croient que la salvation des Juifs procède de la
volonté divine, non de l’homme.
Parmi les Juifs ultra-orthodoxes antisionistes, on citera le rabbi Josef
Samuel Bloch (1850-1923) et le rabbi Amiram Blaw (1894-1974). Quant aux
Juifs antisionistes en général, on compte parmi eux beaucoup
d’intellectuels et de créateurs ; ils sont nombreux et nous ne saurions
tous les nommer. Leur antisionisme varie toutefois dans son ampleur :
certains refusent catégoriquement l’existence d’Israël (comme Matzpen ou
le Front rouge) ; d’autres ont commencé à accepter l’existence d’Israël
sous réserve de la création d’un État palestinien totalement souverain.
Citons, entre autres, les noms suivants : Mikhaïl Warschawski,
Mordechai Vanunu, Baroukh Kimerling, Abraham Borg, Avi Shlaim, Ilan
Babeh, Yesrael Shamir, Simon Sabar, Ila Chouhot, Amira Has, Samidar
Beri, Amos Oz, Vilitzia Kanger, Lia Tasmil, Tali Fahima, Daoud Tsimoh,
Moshe Makhoufor, Ori Or, Samir Naccache, Naim Kattan, Sami Mikhael,
Chamoun Balas, Amos Kinan, Yazhar Smilanski, A.B. Yahouchouh, Iyal
Sevan, Tania Reinhart. Parmi les Juifs non israéliens, on cite Daniel
Barenboim, Noam Chomsky, Steven Rose et de nombreux autres. Il est
intéressant de noter que l’antisionisme de certains Juifs a commencé à
décliner progressivement après que de nombreux Arabes avaient renoncé à
leur antagonisme envers Israël. C’est ainsi que de nombreuses élites
juives en Israël, en Europe et aux États-Unis, se sont mises à soutenir
le droit des Palestiniens à un État indépendant, tout en édulcorant
leurs critiques de la version israélienne traditionnelle sur la création
de l’État d’Israël en 1948 et sur la « lutte » sioniste pour la
libération du « peuple » juif.
(Novembre 2016
- Par Chahine Abou El-Ezz)
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