L’infatigable secrétaire d’Etat américain John Kerry risque bien de
perdre son pari de convaincre Israéliens et Palestiniens de faire la
paix, un rêve vieux de six décennies qu’il jugeait lui-même être une
"mission pas impossible".
John Kerry est rentré vendredi soir à Washington d’une folle tournée de
deux semaines en Europe et au Proche-Orient, laissant Israël et les
Palestiniens aux prises avec la pire crise depuis la relance en juillet
de leur dialogue direct, sous parrainage américain.
Dans un très rare accès de pessimisme et d’exaspération, le chef de la
diplomatie américaine a clairement évoqué, vendredi à Rabat, la fin
possible du processus de paix qu’il s’est échiné à remettre sur les
rails.
Après une dizaine de navettes en Israël et en Cisjordanie depuis un an,
des centaines d’heures de tractations avec leurs dirigeants, M. Kerry a
prévenu qu’il était "temps de redescendre sur terre". "Il y a des
limites au temps et aux efforts que les Etats-Unis peuvent consacrer si
les parties ne sont pas désireuses de faire des progrès".
Le rôle de médiateur que Washington a toujours tenu entre Israël et les
Palestiniens "n’est pas une démarche sans fin et cela ne l’a jamais
été", s’est agacé le secrétaire d’Etat.
Les négociations directes avaient redémarré sous son égide à Washington
les 29 et 30 juillet 2013, après trois ans de gel, et doivent durer
théoriquement neuf mois, soit jusqu’à la fin avril.
John Kerry s’entretiendra avec le président Barack Obama pour "évaluer
précisément ce qui est possible et n’est pas possible" de faire.
Se refusant à jeter l’opprobre sur l’un ou l’autre camp, il a dit
"regretter qu’au cours des derniers jours les deux parties aient pris
des initiatives qui n’aident pas" à la poursuite des discussions.
Il faisait allusion au refus d’Israël de libérer le 29 mars le dernier
contingent de prisonniers, prévu dans le cadre de la relance des
pourparlers, et à la réaction du président palestinien Mahmud Abbas qui
a demandé le 2 avril l’adhésion de la Palestine à 15 conventions et
traités internationaux.
John Kerry, 70 ans, aux commandes de la diplomatie américaine depuis 14
mois — poste qu’il rêvait d’occuper — est loué pour son "énergie" et sa
"détermination", diplomates et experts se disant "impressionnés" par sa
capacité à sauter dans son avion presque chaque semaine pour voler de
crise en crise : au Proche-Orient, pour la Syrie, pour l’Iran ou pour
l’Ukraine.
Mais aux Etats-Unis, des éditorialistes l’accusent d’être "déconnecté de
la réalité". En Israël, le ministre de la Défense, Moshé Yaalon, avait
jugé en janvier que M. Kerry était "animé par une obsession
incompréhensible et une sorte de messianisme".
Ses quelque 25 voyages en un an, dans une quarantaine de pays, au prix
de plus d’un demi-million de km parcourus, sont aussi montrés du doigt.
"Etre en mouvement ne veut pas dire que l’on progresse (...) Kerry
devrait voyager moins (...) et lier sa présence à l’étranger à une
avancée concrète de ses objectifs diplomatiques", pointe Kori Schake, du
centre d’études Hoover Institution, dans le magazine Foreign Policy.
Au début de l’année, le secrétaire d’Etat, affichant son inébranlable
optimisme, martelait que la paix au Proche-Orient "n’était pas mission
impossible". L’objectif poursuivi depuis plus de 60 ans, mais sur lequel
les administrations américaines successives se sont cassé les dents,
"peut se réaliser", assurait-il encore.
Mais ces dernières semaines, John Kerry avait admis que le "niveau de
méfiance" entre Israéliens et Palestiniens était du "jamais vu" et que
si la paix restait "possible", elle serait "difficile".
Le département d’Etat a aussi prévenu ces derniers jours qu’il revenait
aux deux camps de prendre des "décisions difficiles" et que Washington
ne pouvait pas le faire "pour eux". La diplomatie américaine a toutefois
assuré vendredi qu’elle "était toujours à la table de négociations" et
que le processus de paix n’était pas "mort".
Des responsables proches des pourparlers ont évoqué vendredi une
poursuite, dimanche au Proche-Orient, des discussions
israélo-palestiniennes, en présence du médiateur américain Martin Indyk
resté sur place.
(05-04-2014)
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