Un haut responsable américain s’est entretenu lundi avec les nouvelles
autorités au Caire, où les Frères musulmans, partisans du président
déchu Mohamed Morsi, et leurs adversaires prévoyaient de nouvelles
démonstrations de force dans la soirée. En quelques heures, le
secrétaire d’État adjoint Bill Burns s’est entretenu avec les principaux
responsables intérimaires, selon l’agence officielle Mena : le Premier
ministre Hazem Beblawi, le président Adly Mansour et le général Abdel
Fattah al-Sissi, le nouvel homme fort, qui devrait rester ministre de la
Défense. Peu de choses ont filtré sur ces entretiens. Il s’agit de la
première visite de la part d’un responsable américain de ce rang depuis
le renversement de Mohamed Morsi, le 3 juillet, par l’armée, après des
manifestations monstres réclamant son départ.
La visite survient dans un climat délicat entre les deux pays. L’Égypte
est depuis des décennies un allié-clé pour les États-Unis, qui apportent
à l’armée une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars. Washington
s’est jusqu’à présent abstenu de parler de "coup d’État", ce qui
entraînerait une suspension automatique de cette aide. Deux influents
sénateurs républicains, John McCain et Lindsey Graham, ont toutefois
pressé l’administration Obama d’y mettre fin. Washington a en outre
demandé la remise en liberté de Mohamed Morsi, détenu par l’armée, mais
cet appel n’a pas trouvé d’écho au Caire, où une grande partie des
manifestants et de la presse hostiles aux islamistes accusent les
États-Unis d’avoir été bienveillants envers Mohamed Morsi quand il était
en place.
Le nouveau pouvoir a assuré que l’ex-chef de l’État se trouvait "en lieu
sûr" et était "traité dignement", mais sans le laisser apparaître en
public depuis son arrestation. Durant sa visite de deux jours, Bill
Burns devait aussi rencontrer des responsables de la société civile et
des entreprises. "Dans toutes ces rencontres, il soulignera le soutien
des États-Unis aux Égyptiens", a assuré le département d’État.
Les partisans de Mohamed Morsi, qui dénoncent un "coup d’État militaire"
contre le premier président démocratiquement élu, ont appelé à de
nouveaux grands rassemblements lundi, en particulier aux abords de la
mosquée Rabaa al-Adawiya, dans le faubourg de Nasr City, où ils campent
depuis deux semaines. Une marche est annoncée vers le siège de la Garde
républicaine, devant lequel 53 personnes ont été tuées il y a une
semaine lors de tirs pendant une manifestation pro-Morsi. Les Frères
musulmans veulent continuer de manifester "pacifiquement", a assuré un
porte-parole, Ahmed Aref. "Nous avons une cause juste pour laquelle nous
sommes prêts à nous sacrifier", a-t-il dit.
Les anti-Morsi, qui reprochent au président déchu d’avoir gouverné au
seul profit des Frères musulmans et de ne pas avoir fait face à la crise
économique, comptaient pour leur part rassembler leurs troupes place
Tahrir. En raison du jeûne du ramadan et des températures écrasantes de
l’été, le plus gros des rassemblements était attendu en fin de journée.
La circulation automobile, déjà souvent chaotique dans la capitale
égyptienne, devrait connaître de sérieuses perturbations. Dans le nord
du Sinaï, où la situation sécuritaire s’est encore dégradée ces deux
dernières semaines, au moins 3 personnes ont été tuées et 17 autres
blessées dans la matinée dans l’attaque d’un bus transportant des
ouvriers d’une cimenterie.
Sur le terrain judiciaire, le procureur général a ordonné dimanche le
gel des avoirs de 14 hauts responsables islamistes, parmi lesquels le
guide suprême Mohamed Badie et huit autres dirigeants des Frères
musulmans. Mohamed Morsi ainsi que d’autres membres de la confrérie ont,
eux, été interrogés sur les circonstances de leur évasion de la prison
de Wadi Natroun (au nord-ouest du Caire) pendant la révolte de 2011
contre Hosni Moubarak. Dans ce contexte, M. Beblaoui, qui n’a pas exclu
d’intégrer des Frères musulmans dans son équipe, poursuit ses
tractations pour constituer un gouvernement, dont il avait estimé
pouvoir annoncer la composition mardi ou mercredi.
En visite à Paris, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a fait
valoir que l’Égypte se trouvait "à un tournant critique". "Il ne saurait
y avoir de place pour la vengeance ou l’exclusion d’un parti ou d’une
communauté importante", a-t-il ajouté, se disant "très inquiet" des
arrestations. L’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR),
une ONG locale, s’est pour sa part alarmée d’une recrudescence de
violences contre les Coptes (chrétiens d’Égypte), accusés par certains
islamistes d’avoir oeuvré au renversement de Mohamed Morsi. Cette
minorité chrétienne représente 6 à 10 % de la population du pays,
estimée à 84 millions.
15-07-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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