Transformer le brouillard en eau: cette idée insolite a changé la vie
des habitants de cinq villages du sud-ouest marocain, qui n'ont plus à
parcourir chaque jour plusieurs kilomètres pour aller chercher le
précieux liquide.
A 1.225 mètres d'altitude, au sommet de la montagne Boutmezguida qui
surplombe cinq villages de la région de Sidi Ifni, une quarantaine
d'immenses filets font face à un dense brouillard.
Ils piègent les gouttelettes d'eau, qui sont ensuite traitées, mélangées
à de l'eau de forage puis transportées via des canalisations aux
villageois en contre-bas.
Dans une région au climat semi-aride, avoir de l'eau en ouvrant un
simple robinet est une "révolution", souligne Aïssa Derhem, président de
l'association "Dar Si Hmad pour le développement, l'éducation et la
culture".
A Douar Id Achour, l'une des cinq localités desservies, les femmes et
les enfants perdaient auparavant quatre heures par jour en moyenne à
faire des allers-retours pour récupérer l'eau de puits. Et encore
davantage en été, où l'eau se fait plus rare.
"Je remplissais deux bidons de 20 litres à quatre reprises dans la
journée. Mais ces 160 litres ne nous suffisaient même pas, car on a du
bétail!", se rappelle Massouda Boukhalfa, 47 ans.
"Moissonner le brouillard", comme on a surnommé ici le projet, est une
technique née il y a une vingtaine d'années au Chili, dans la Cordillère
des Andes, région également très brumeuse. Mise au point par l'ONG Fog
Quest, qui l'a déjà expérimentée dans plusieurs pays (Guatemala, Pérou,
Namibie, notamment), elle est pour la première fois introduite en
Afrique du Nord.
Symboliquement, les vannes ont été ouvertes pour la première fois le 21
mars, journée mondiale de l'eau. Et depuis, "92 foyers soit près de 400
personnes" reçoivent l'eau courante jusqu'à leur domicile, explique
Mounir Abbar, chargé de la gestion technique du projet.
"Le Maroc a beaucoup de brouillard à cause de trois phénomènes: la
présence d'un anticyclone, celui des Açores, d'un courant maritime froid
et de l'obstacle représenté par la montagne", explique M. Derhem, à
l'origine de cette initiative.
Cette technique "ne fait qu'imiter la nature", s'amuse-t-il, en montrant
la toile d'une araignée, qui a de tout temps piégé l'eau dans ses
filets pour s'abreuver.
"C'est écologique et cela permet de préserver la nappe phréatique de la
région, qu'on est en train de vider", poursuit M. Derhem.
Outre cette question écologique, l
L'eau du brouillard permet de faire faire des économies aux villageois,
qui en période de sécheresse devaient faire acheminer des citernes
d'eau.
"Cela prenait 15 jours et coûtait 150 dirhams (15 euros) les 5.000
litres en moyenne", explique Houcine Soussane, un jeune habitant du
douar.
Selon l'ONG Dar Si Hmad, l'eau de brouillard coûte trois fois moins
cher, et cela, malgré la petite contribution que les habitants doivent
verser pour disposer d'un compteur, qui fonctionne à l'aide de cartes
magnétiques prépayées.
Grâce à cette eau tombée du ciel, les habitants du village gagnent un
temps précieux qu'ils veulent mettre à profit pour fabriquer notamment
davantage d'huile d'argan, un produit qui fait la réputation du Sud
marocain.
"Nos femmes et nos filles ne se fatiguent plus, elles vont à l'école et
sont en sécurité (...) Avec le temps gagné, on fait de l'huile d'argan.
Une seule bouteille d'huile permet de payer l'eau de toute une année !",
s'enthousiasme Lahcen Hammou Ali, 54 ans.
L'association Dar Si Hmad veut désormais équiper un maximum de villages
aux alentours et remplacer les filets actuels par de nouveaux modèles
capables de résister à un vent de 120 km/h.
Les filets ont en effet été perfectionnés au Maroc avec l'aide d'une
fondation allemande spécialiste des questions d'eau, Wasserstiftung, et
ont franchi avec succès l'étape des essais. Il s'agit maintenant
d'étendre le système à d'autres sites.
"Les filets sont désormais exportables dans d'autres villes du Maroc,
dans toutes les régions montagneuses et en front de mer", se félicite M.
Derhem, qui rêve d'en déployer à l'avenir sur tous les sites marocains
regorgeant de brouillard.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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