Le prince soudien Mouhammad Ben Salmane reçu le 24 juin 2015 à l'Elysée. (Afp)
La publication par WikiLeaks de dizaines de milliers de documents confidentiels saoudiens a jeté une lumière crue sur la "diplomatie du chéquier" du royaume, mais Ryad cherche à minimiser la portée de ces câbles et le tort qu'ils pourraient lui causer.
La puissante monarchie pétrolière du Golfe a souvent recours à l'argent pour s'assurer du soutien de grands médias arabes et de personnalités politiques du Moyen-Orient, indiquent en substance ces "câbles saoudiens" dont la teneur n'apparaît pas toutefois comme une surprise.
WikiLeaks, qui assure être en possession d'un demi-million de documents, a commencé à en diffuser 70.000 qui incluent des communications d'ambassades, des échanges de courriers électroniques entre diplomates et des notes préparées par d'autres organismes du royaume saoudien.
Ces révélations, largement relayées par des internautes, interviennent alors que l'Arabie Saoudite est engagée depuis fin mars dans une opération militaire contre des rebelles chiites au Yémen, alliés à l'Iran, et fait face à des critiques croissantes sur son bilan en matière des droits de l'Homme.
Un responsable saoudien a déclaré à l'AFP que les fuites n'avaient pas perturbé outre mesure les dirigeants du royaume, tout en admettant qu'elles pourraient embarrasser certaines personnes dont les noms sont mentionnés dans les câbles.
Ces documents ne contiennent "aucune surprise", a affirmé ce responsable, tandis que les autorités exhortent les citoyens saoudiens à ne pas partager leur contenu.
WikiLeaks ne dit pas comment il les a obtenus, mais renvoie à un piratage informatique dans le royaume remontant à mai dernier.
Ces révélations, dont l'AFP n'a pu confirmer l'authenticité, montrent entre autre que l'Arabie Saoudite a financé des partis politiques libanais et de grands médias pour accroître son influence diplomatique.
Ainsi, la chaîne de télévision libanaise MTV, alliée à l'opposition hostile au Hezbollah chiite et au régime syrien de Bashar al-Assad, a obtenu d'après ces documents un financement saoudien de deux millions de dollars, soit le dixième de ce qu'elle réclame en contrepartie de sa promotion des positions saoudiennes.
D'après ces câbles, journalistes, politiciens et autres personnalités de tous bords, notamment au Liban, ont sollicité l'aide financière de royaume et la réponse saoudienne a été liée au degré d'allégeance des uns et des autres.
Ainsi, le royaume fait le tri pour accorder des visas et invitations aux journalistes et hommes politiques afin d'éviter que des personnalités "suspectes" ne puissent accéder aux faveurs des princes, selon ces documents publiés par le quotidien libanais al-Akhbar, proche du Hezbollah.
D'après l'analyste saoudien Abdel Wahab Badrakhan, basé à Londres, "les câbles diffusés jusqu'ici ne révèlent pas de secrets. Ils portent sur des faits courants en politique et en diplomatie".
Comme des pays occidentaux, "le royaume saoudien cherche des soutiens et alliés et le fait qu'il finance des groupes pour leurs activités politiques et culturelles n'est pas un mystère", ajoute cet expert. Dans l'ensemble, "les dégâts sont minimes pour le royaume".
WikiLeaks rapporte aussi qu'un fils d'Oussama ben Laden a réclamé en 2011 aux Etats-Unis un certificat de décès après la mort du chef d'Al-Qaïda, tué quelques mois plus tôt au Pakistan par un commando américain.
Un autre document indique que la France a demandé en 2012 à l'Arabie saoudite un "point d'appui" à Jeddah (ouest) pour le stockage d'armes, de munitions et d'équipements destinés à des unités luttant contre la piraterie maritime.
Un câble diplomatique indique également que l'Iran, puissance régionale rivale de l'Arabie Saoudite, a transféré la même année des équipements nucléaires au Soudan.
D'autres documents confirment le grand train de vie de certains membres de la famille royale, comme cette princesses qui a laissé en 2009 une ardoise de plus d'un million d'euros représentant une facture impayée à une compagnie de taxi de luxe en Suisse.
Une série de câbles relate enfin une polémique entre les ministères saoudien des Affaires étrangères et de l'Intérieur sur l'octroi d'un visa à la star libanaise Nancy Ajram pour visiter le royaume ultra-conservateur avec son époux.
Selon des experts, les messages illustrent surtout la ferme volonté de l'Arabie saoudite sunnite de faire face à "l'expansionnisme" de l'Iran chiite.
"Ces câbles montrent en fait une image déformée de la réalité car l'Iran a aussi ses propres réseaux pour soutenir l'opposition saoudienne sur les plans politique, médiatique et même militaire", estime Elie Hindy, professeur de Sciences politiques à l'université libanaise Notre-Dame-de-Louaizé.
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