Le secrétaire d’État américain John Kerry a mené jeudi à Alger une
visite axée sur la lutte antiterroriste, mais critiquée par des journaux
qui y ont vu, en pleine campagne électorale, un soutien tacite au
président Abdelaziz Bouteflika. John Kerry est parti en fin de journée
pour le Maroc. "Nous attendons des élections transparentes et conformes
aux standards internationaux", a déclaré John Kerry lors d’une
conférence de presse conjointe avec son homologue Ramtane Lamamra, à
propos du scrutin du 17 avril.
"Les USA travailleront avec le président que le peuple algérien
choisira, pour dessiner l’avenir que l’Algérie et ses voisins méritent",
a-t-il ajouté, en évoquant "un avenir où les citoyens peuvent exercer
librement leurs droits civiques, politiques et humains". En tenant ces
propos, John Kerry semblait répondre indirectement aux inquiétudes d’une
partie de la presse, mais aussi de l’opposition, se demandant si cette
visite, à deux semaines de la présidentielle, ne constituait pas un
soutien à Abdelaziz Bouteflika, qui a reçu le diplomate américain.
Le président algérien, âgé de 77 ans dont 15 passés au pouvoir, brigue
un quatrième mandat malgré ses problèmes de santé. En réponse aux
interrogations, Ramtane Lamamra a assuré que les visites de John Kerry,
mais aussi de l’émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani,
également arrivé à Alger mercredi, étaient "indépendantes" du calendrier
électoral. La visite de John Kerry était initialement prévue fin 2013,
mais le diplomate américain l’avait reportée pour participer à Genève à
des négociations sur le nucléaire iranien.
"Acte délibéré ou hasard du calendrier, difficile de croire que la
visite de John Kerry à Alger n’a aucune portée politique", notait jeudi
Le Quotidien d’Oran. "La nature même de l’hôte de l’Algérie ne peut
laisser indifférent puisque les États-Unis d’Amérique ont leur mot à
dire concernant notre cuisine interne, n’en déplaise aux patriotes de
dernière minute". "Que vient faire Kerry en Algérie ?" se demandait dès
mercredi le quotidien El Watan. Cette visite "ressemble à une maladresse
diplomatique ou peut-être même à une erreur tactique d’appréciation",
jugeait le journal.
En dehors de la polémique sur la date de la visite, les deux pays se
sont engagés à lutter ensemble contre le "terrorisme" qui a entraîné
l’Algérie dans une décennie noire avec environ 200 000 morts dans les
années 1990. "L’Algérie, qui a payé un lourd tribut au terrorisme, ne
pliera jamais devant ce fléau (...). Le terrorisme ne connaît pas de
frontière, est sans foi ni loi, et vise toutes les nations", a affirmé
Ramtane Lamamra.
Depuis la chute du régime de Muammar Kadhafi en 2011 en Libye, la vaste
région du Sahel-Sahara est devenue une terre de prédilection pour
plusieurs groupes djihadistes. Certains de ces groupes, dont al-Qaida au
Maghreb islamique (AQMI), ont occupé le nord du Mali en 2012 avant d’en
être chassés en janvier 2013 par des soldats français et africains. Des
insurgés islamistes sont également présents au Niger, en Tunisie et en
Algérie, où ils ont mené l’an dernier une spectaculaire prise d’otages
ayant conduit à la mort d’une quarantaine de captifs.
Ramtane Lamamra a indiqué que son pays était déterminé à travailler avec
tous ses partenaires pour "éradiquer ce fléau". L’une des principales
préoccupations de l’Algérie est le Sahel, "où le terrorisme, le trafic
d’êtres humains, de drogue et toutes sortes d’activités criminelles ont
tissé leur toile", menaçant "la stabilité et l’existence des peuples et
des États de la région", a-t-il souligné. "Salu(ant) le leadership de
l’Algérie dans la région", John Kerry a souligné que les États-Unis
voulaient travailler en coordination avec Alger, établir une relation
plus solide avec ce pays, et aider à sécuriser les frontières dans la
région.
L’Algérie et les États-Unis ont par ailleurs "exprimé leur soutien à la
résolution 2099 du Conseil de sécurité des Nations unies, y compris
l’engagement en vue d’aider les parties (Maroc et POLISARIO) à parvenir à
un règlement juste, durable et à une solution politique mutuellement
acceptable qui permettra au peuple sahraoui d’exercer son droit à
l’autodétermination (...)", selon un communiqué commun, cité par
l’agence de presse APS. Cette résolution, adoptée en avril 2013, avait
prolongé pour une période d’un an la Mission de l’ONU au Sahara
occidental (MINURSO). Un nouveau vote au conseil de sécurité sur la
MINURSO est prévu dans moins d’un mois.
L’an dernier à la même époque, un projet de résolution américain visant à
élargir le mandat de la MINURSO aux droits de l’homme avait été
vigoureusement combattu par le Maroc. Courroucé, Rabat avait annulé un
exercice militaire conjoint, avant d’obtenir gain de cause, la
résolution appelant simplement les parties à "améliorer la situation". À
l’occasion d’une visite à Washington du roi Mohammed VI en novembre, la
Maison-Blanche avait par la suite réaffirmé que le plan marocain
d’autonomie pour le Sahara était "réaliste".
Le Maroc contrôle le Sahara occidental et propose depuis 2007 un plan
d’autonomie pour ce vaste territoire de moins d’un million d’habitants.
Les indépendantistes du Front POLISARIO, soutenu par Alger, réclament
pour leur part un référendum d’autodétermination.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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